Un bien curieux écrit que La Gloire du Sabre dans lequel l'auteur, Paul Vigné d'Octon, 1859-1943, inconnu au bataillon, et pour cause, dénonce vigoureusement les crimes commis en Afrique, à Madagascar, au Vietnam et en Nouvelle-Calédonie, au nom de la France, par l'armée coloniale française. Curieux, en ce sens que les écrivains de la fin du XIXe siècle et du début du XXe ne nous ont pas habitués à dénoncer les crimes des armées de l'empire français et les génocides qui se commettaient dans les lointaines colonies. Au contraire, nombre d'entre eux chantèrent en revanche la «bravoure» de soudards à la dégaine trop facile et assoiffés de sang. Dans son réquisitoire, Vigné d'Octon, alors député, y énumère les méfaits commis contre les Africains, les Malgaches les Canaques et les Tonkinois (population du Tonkin, région du Nord Vietnam). La Gloire et le Sabre est publié en France en 1900 dans une période-clé où la France parachevait alors, par le sabre et le canon, son oeuvre de colonisation en Algérie, en Afrique et en Indochine, notamment. Ce livre s'articule en cinq parties dans lesquelles l'auteur par des témoignages précis, dans différentes colonies -en Afrique, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie et en Indochine- montre comment se comportaient les colons et les militaires français par rapport aux «indigènes» spoliés de leurs terres et de leurs biens, exploités et, souvent, assassinés. Ce texte de Paul Vigné d'Octon est en fait une longue lettre au ministre français des Colonies dans laquelle l'auteur recense une interminable liste de méfaits des colons qui s'adonnaient à l'esclavage et des militaires qui protégeait les esclavagistes. Dans la dédicace de son livre au ministre français des Colonies, Paul Vigné d'Octon conclut: «Vous l'avouerez, Monsieur le Ministre, les accusations que je porte dans La Gloire et le Sabre ont une exceptionnelle gravité. Ou elles sont l'expression de la vérité, ou, au contraire, d'abominables calomnies. Notre code pénal dispose pour l'un ou l'autre cas de rigoureuses sévérités. (....) Qu'on me les applique si j'ai menti. Mais qu'on les applique à ceux que j'accuse et qu'on mette un terme à leurs crimes, si j'ai dit vrai. Pour l'honneur de notre pays il ne peut y avoir d'autre solution.» Dans sa préface, le président Bouteflika note que rééditer aujourd'hui La Gloire et le Sabre, c'est, bien sûr, contribuer à faire reculer cette imposture qu'est le révisionnisme colonialiste. (...); et de souligner «Ce livre est précieux. Son existence et l'itinéraire de son auteur montrent l'ancienneté et la prégnance de l'anticolonialisme en France».