Sous le titre «Ne déstabilisez pas l'Algérie!», il avait écrit en 1996 que les intérêts américains auraient été sévèrement endommagés si les islamistes avaient gagné. Peter Rodman, secrétaire américain adjoint à la Défense, chargé des Affaires de sécurité internationale au bureau du secrétaire à la Défense des Etats-Unis, est arrivé hier, à Alger, dans le cadre du renforcement des relations algéro- américaines dans le domaine de la défense. Accompagné d'une importante délégation, il a été accueilli à son arrivée à l'aéroport international Houari-Boumediene par le secrétaire général du ministère de la Défense nationale, le général-major Ahmed Senhadji, et devra rencontrer aujourd'hui le chef d'état-major Ahmed Gaïd-Salah. Grand connaisseur du Maghreb qu'il a visité à plusieurs reprises, c'est lui le concepteur de la politique américaine au Maghreb. Les exercices militaires qui se sont déroulés dans le Sahara avaient associé l'armée américaine à des manoeuvres militaires de simulation contre les groupes terroristes. L'échec d'une tentative d'introduire un véritable arsenal de guerre du Mali vers les maquis du Gspc au nord du pays a été le fruit de cette coopération accrue. Tout comme la collaboration américaine et celle des pays membres de l'Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme, à savoir l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal et le Nigeria, en plus des quatre pays ayant pris part à l'Initiative Pan-Sahel: Mali, Mauritanie, Tchad et Niger en début de l'année 2005 pour faire pièce à d'éventuelles attaques terroristes. Ces manoeuvres, baptisées «Exercice Flintlock 2005», avaient servi de coup d'envoi officiel au nouveau programme de lutte contre le terrorisme, la Trans-Saharan Counterrorism Initiative (Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme). Depuis le sommet de l'Otan à Istanbul, en juin 2004, qui a appelé au développement de la coopération militaire avec les pays de la rive sud de la Méditerranée, la coopération militaire américano-algérienne -bilatérale, mais aussi multilatérale, dans le cadre de la coopération avec l'Alliance atlantique- ne cesse de s'intensifier, au point que le président américain George W.Bush a qualifié récemment l'Algérie de «partenaire stratégique» au Maghreb et dans le Monde arabe. Cette coopération touche à plusieurs domaines. Ainsi, en novembre 2004, une délégation de gardes côtes américains s'est rendue en Algérie en mission d'observation et d'échanges sur la sécurité portuaire, le transport et la sécurité maritime, ainsi que sur les moyens de prévention et de gestion des risques maritimes tels que les sinistres en mer ou la pollution marine. Les militaires américains se sont rendus aux ports d'Alger, Oran et Skikda. Le 21 mars 2005, des manoeuvres tactiques ont été organisées en haute mer, dans le cadre de l'opération d'«interdiction maritime», conjointement entre les forces maritimes algériennes et une unité de l'Otan composée de sept frégates et d'un bâtiment de soutien logistique représentant sept pays, conduite par le commandant Rick Ridjino, de la marine royale des Pays-Bas, chargé des opérations de surface et aériennes et membre du staff de l'état-major de la force permanente de réaction rapide de l'Otan (Snmg2). Début mai, le général-major Ahmed Senhadji s'est rendu en visite officielle à Washington à la tête d'une importante délégation de l'Armée nationale populaire (ANP), à l'invitation justement du secrétaire américain adjoint à la Défense, chargé des Affaires de sécurité internationale au bureau du secrétaire à la Défense des Etats-Unis. La délégation comprenait notamment le directeur de la fabrication militaire, le chef du département approvisionnement, le directeur des relations extérieures et de la coopération et le général chef du département organisation et logistique de l'état-major de l'ANP. C'était Peter W.Rodman, ancien vice-président du Conseil national de sécurité et actuel sous-secrétaire à la Défense, chargé des affaires de sécurité nationale, qui avait lancé l'invitation au général-major Ahmed Senhadji. Et c'est lui aussi qui a reçu le chef d'état-major, ainsi que la délégation l'accompagnant, au siège du Pentagone. Le responsable américain avait déjà visité l'Algérie, en janvier 2003, où il fut reçu par le président Abdelaziz Bouteflika ainsi que par l'ancien chef d'état-major de l'ANP, le général Mohamed Lamari. Peter W.Rodman, qui est un fervent défenseur de l'aide militaire à l'Algérie, a été parmi les officiels américains qui ont prôné la rupture avec les mouvements islamistes extrémistes bien avant le 11 septembre 2001. Selon lui, «les Américains ont fait une mauvaise analyse et adopté une stratégie erronée en cherchant à concilier les deux extrêmes: le gouvernement algérien et l'opposition islamiste». «Nous préférons tous, bien sûr, une politique civile à une politique militaire, et personne ne veut que la scène algérienne se réduise à la violence, mais les intérêts américains auraient été sévèrement endommagés si les islamistes avaient gagné en Algérie», avait-il écrit dans une étude parue en 1996, en pleine guerre contre le GIA, sous le titre «Ne déstabilisez pas l'Algérie!» Mais, attention, Rodman n'est pas un enfant de choeur, et son profil montre bien qu'il s'agit d'un «faucon» de la Maison-Blanche. Hostile aussi à la mainmise de la France sur les pays maghrébins et arabes, il est un critique acerbe de la politique française qu'il qualifie d'«anti-américaniste», tout en développant des thèses sur la nécessité d'établir une hégémonie militaire constante des Etats-Unis sur le monde. Peter W.Rodman est secrétaire adjoint à la Défense pour les Affaires de sécurité internationale depuis le 16 Juillet 2001. Il est le conseiller principal du secrétaire à la Défense pour la formulation et la coordination de la stratégie et de la politique de sécurité internationale, et est responsable des régions: Asie de l'Est, Sud de l'Asie, Moyen-Orient et golfe Persique, Afrique et Amérique latine. Pendant les administrations Nixon et Ford, M.Rodman était membre de l'exécutif NSC et assistant spécial du Dr Henry Kissinger (1969-1977).