«Vidi Buggea che v'é di gran loda» (J'ai vu Béjaïa que tout le monde loue) Fazio Degli Uberti (1305-1367) auteur du célèbre Dittamendo. Heureuse initiative que celle prise par l'association Gehimab (Groupe d'étude et de recherche sur l'histoire des mathématiques à Bougie) de l'université de Béjaïa, qui expose depuis plusieurs jours déjà au niveau du TRB, une iconographie de la cité millénaire à travers les siècles. Il n'est plus d'ailleurs à prouver que cette contrée a suscité de tout temps la curiosité et l'intérêt de grands penseurs, savants et historiens qui l'ont immortalisée dans sa marche vers sa destinée. Pour marquer son dixième anniversaire, l'association Gehimab invite le public à un fantastique voyage sur les traces des hommes qui, à travers les âges, ont été subjugués par cette ville et sa région. C'est la tentative de reconstitution de la ville à l'époque almohade (Port, Beit Al Hikma, Dar Es Senaâ, Bir Es-Slam...) pour les besoins d'une pièce de théâtre pour enfants Léonardo à Bougie qui est à l'origine de ce colossal travail d'investigation, d'abord dans les sources maghrébines et andalouses, italiennes et espagnoles, turques et françaises, puis à travers les musées, les bibliothèques, les galeries et les centres de documentation de la planète. Ainsi donc, et pour la première fois, plus d'une centaine d'oeuvres des XIIe et mi-XXe siècles localisées à travers le monde, sont exposées et présentées au public à travers trois plaquettes appelées la trilogie. Depuis les anciens temps, les voyageurs de toute contrée ont fait de Béjaïa un passage obligé. El Idrissi, le célèbre géographe du roi normand Roger II de Sicile, précisait que la ville était en relation avec l'Afrique occidentale, l'Orient et le Sahara. «Presque au même coucher et au même lever du soleil, se trouve Buggea et la ville où je naquis.» Une référence toute trouvée par le troubadour de Marseille, Folco, pour situer sa patrie au célèbre poète italien du XIIIe siècle, Dante Aligheri. Ainsi donc, par le biais d'éminents chercheurs, artistes, peintres, etc. Béjaïa a été exportée dans les plus grands musées du monde (Métropolitan Museum, Ermitage, Musée du palais, Musée national...). L'Archiduc d'Autriche, Louis Salvador de Habsbourg, aurait qualifié cette cité de «perle de l'Afrique du Nord», l'écrivain Guy de Maupassant évoque Le merveilleux Golfe de Bougie, tandis que l'ancien président portugais Texeira Gomes - qui a séjourné à Béjaïa - retient «l'enchantement de la mer» de cette sorte de Sintra au bord de l'eau. Même s'il n'existe que très peu de représentations de Béjaïa à l'époque médiévale, les descriptions des Oulémas et les récits de voyages peuvent être soumis à un travail de critique et de recoupements et servir à la production d'oeuvres de reconstitution. C'est par exemple le cas pour la carte de Béjaïa à l'époque Hammadite et également pour le palais de l'Etoile (description du poète Ibn Hamdis) pour la Grande Mosquée (description du voyageur marocain Al Abdari). Dès la première moitié du XIXe siècle, l'art est parfois mis au service de la colonisation. Au sein de la commission d'exploration de l'Algérie se trouvait le capitaine Delamare, polytechnicien qui n'avait qu'une seule passion, le dessin. D'autres peintres, tels qu'Emile Aubry ou Albert Marquet, réussirent par leurs oeuvres à immortaliser quelques images de Béjaïa à leurs époques respectives. Par cet ingénieux travail de recherche, ressuscitera Gehimab à n'en pas douter, Béjaïa et son authenticité, en incitant plus d'un chercheur à se pencher plus sérieusement sur ces oeuvres «oubliées» mais qui restituent à elles seules plus d'un secret sur l'histoire d'une ville qui n'a pas du tout à rougir de ses origines.