L'Union maghrébine, les mutations économiques et la concorde civile semblent être les préoccupations majeures de Bouteflika. La concorde civile, que le chef d'Etat a prônée consciencieusement, demeure encore son vrai cheval de bataille. Devant son homologue tunisien, à l'occasion d'un dîner donné à l'honneur de son hôte, Bouteflika a déclaré que l'Algérie oeuvre «inlassablement à répondre aux exigences économiques et sociales en vue de réaliser le renouveau national». Le renouveau en question, Bouteflika ne peut le considérer autrement qu'inscrit dans la dynamique de la politique de concorde civile. «Nous avons franchi des pas importants et avons accompli de grandes réalisations à la faveur de la politique de la concorde civile», a-t-il ajouté, affirmant que «la quiétude et la tranquillité» ont été «grandement rétablies» au profit du citoyen même si ce n'est pas là l'avis de nombre d'observateurs. Les Européens, avec lesquels l'Algérie a récemment paraphé un accord d'association, restent sceptiques quand il s'agit de l'évolution de la situation sécuritaire du pays. «L'impact de la concorde civile est resté très limité», remarque-t-on dans un document rendu public récemment par la Communauté européenne. Ne met-on pas en avant, sciemment, «la nette recrudescence de la violence depuis la mi-2000 (...) et l'impunité de fait de nombreux terroristes repentis soupçonnés d'être impliqués dans les crimes de sang»? Le document conclut, par ailleurs, qu'une «solution politique du problème n'est pas en vue». Face à ces critiques, le Président demeure confiant. La politique de concorde a permis, selon lui, à l'Algérie de sortir de «sa crise asphyxiante qui l'a longtemps et lourdement pénalisée» et qui a, précise-t-il, «entravé son processus de développement». Maintes fois, il avait déclaré, au cours notamment de la dernière conférence sur le NEPAD, tenue à Alger, que la politique de concorde civile n'a pas encore donné tous les résultats escomptés. Il reste toutefois, relevait-il encore, que la situation sécuritaire est nettement meilleure par rapport aux années précédentes. «Aujourd'hui, a-t-il déclaré lundi soir, le peuple algérien a retrouvé les raisons et les moyens d'aspirer à un avenir meilleur dans un Etat démocratique, moderne et fort.» Cela étant dit, le chef de l'Etat s'est ensuite permis d'entrevoir cet avenir dans un cadre plus régional. Le but de renforcer les relations entre les pays maghrébins serait, selon lui, de «remédier aux obstacles qui entravent l'efficacité de notre action commune». L'Union du Maghreb serait donc l'occasion pour l'Algérie de jouer un rôle décisif aux niveaux régional et international afin de mettre à profit sa position géostratégique par rapport à l'Europe, mais également à l'Afrique et à l'ensemble du monde arabe. «C'est une occasion propice que je saisis ici pour réitérer l'attachement de l'Algérie à ce projet (...) notamment dans le contexte des mutations mondiales actuelles.» Le caractère indispensable étant précisé, il s'agirait ensuite pour le Président de protéger cette union des problèmes conjoncturels. Bien plus que la conjoncture économique et sociale de chaque pays, ce sont sans doute toutes ces divergences qui, jusqu'à aujourd'hui, troublent encore les relations bilatérales entre l'Algérie et le Maroc plus particulièrement qu'il va falloir régler. Bouteflika, souhaitant, vraisemblablement, dépasser ces obstacles, du moins dans leur forme politique actuelle, table sur l'intensification des relations économiques entre les pays maghrébins. Il appelle toutefois «à la coordination (des) positions jusqu'à l'aboutissement à une méthodologie politique maghrébine cohérente qui consacre et serve nos intérêts communs». Il sera justement question de ces intérêts mutuels lors du prochain sommet de l'UMA au courant du mois de juin prochain. Une rencontre qui permettra également de donner une nouvelle impulsion à l'union en écartant, cette fois, la question sahraouie, obstacle majeur à sa réalisation depuis 1994. L'Algérie entend se conformer sur ce sujet aux résolutions onusiennes, mais n'entend nullement renoncer à la défense du droit des peuples à l'autodétermination. Aussi, aura-t-elle besoin de l'appui des autres pays du Maghreb pour relancer la construction régionale sur des bases plus économiques. Un point que le Maroc ne partage pas encore, lui qui estime que la reconnaissance de la marocanité du territoire sahraoui est une condition sans laquelle une véritable union ne saurait voir le jour. Autant dire que les obstacles sont loin d'être tous aplanis sur le chemin ardu de la construction maghrébine.