Documenté et minutieux, le travail de Hachemi Djiar se veut restituer quelques-uns des à-côtés de cet événement exceptionnel de la guerre de Libération. La production d'écrits sur des moments forts de la Révolution algérienne, tel le Congrès de la Soummam, est toujours la bienvenue. Ce n'est cependant ni évident, ni facile, d'évoquer un événement aussi marquant et exceptionnel pour la Révolution algérienne qu'a été le Congrès de la Soummam, «un acte fondateur» écrit l'auteur. Ce n'est pas évident car trop peu a été écrit, peu de témoignages ont été livrés sur un rassemblement qui allait doter la Révolution de bases institutionnelles préfigurant le futur Etat algérien indépendant. Ce n'est pas facile aussi dans la mesure où écrire sur le Congrès de la Soummam impose de revenir sur maints de ses aspects demeurés dans l'ombre comme le différend Ben Bella-Abane Ramdane dont l'auteur en explicite les tenants et aboutissants. Hachemi Djiar, qui veut faire oeuvre d'historien, ne s'est pas dérobé à cette obligation en consacrant plusieurs pages à ce qu'il a appelé le «désaccord de Ben Bella» en se fondant sur des témoignages et écrits, revenant également sur la question de «leadership» ayant opposé les deux hommes. Autant il est important de connaître ce qu'a été pour la Révolution et la suite de la guerre de Libération, le Congrès de la Soummam, autant il est pertinent de comprendre les positions qui ont été celles d'hommes qui ont largement influé sur la marche des événements et dont les actions appartiennent à l'histoire. Hachemi Djiar situe au mois de juin 1955 l'apparition de la «question du leadership» entre Ben Bella et Abane Ramdane. Selon l'auteur: «Après le franchissement du cap fatidique du déclenchement de la Révolution, il fallait en consolider les acquis et impulser la guerre révolutionnaire sur le double plan militaire et politique. Seule une plus grande unité d'action permettait d'atteindre les objectifs. Or, écrit-il, cette unité soulevait la question essentielle de leadership (....). Du fait des caprices de l'Histoire, deux prétendants allaient être propulsés au coeur du problème dès le mois de juin 1955. En effet, une compétition pour le leadership allait être engagée, entre l'ex-chef de l'OS, Ahmed Ben Bella et un ex-membre de l'OS,: Abane Ramdane». Cependant, au-delà même de la lutte de leadership entre deux hommes qui avaient en outre une approche différente du combat libérateur -même s'il est important de comprendre les désaccords qui les ont séparés- le Congrès de la Soummam, comme l'écrit fort justement Hachemi Djiar a été avant tout un «événement fondateur» qui va plus loin que la simple réunion-bilan autour de l'insurrection du 1er Novembre 1954. Articulé en neuf sections, le livre consacre une large part (les cinq premières parties) au cas Abane Ramdane avant d'en arriver au Congrès proprement dit, dans lequel il explicite, outre les divergences ayant opposé Ben Bella à Abane, il met également en lumière certaines absences de responsables des Zones 1 (Aurès-Nemenchas) et 6 (le Sud) dan la vallée de la Soummam. Donc, une grande partie du livre est consacrée au parcours de Abane Ramdane, véritable chef et «coordinateur national de fait», écrit encore Hachemi Djiar qui retrace les péripéties ayant entraîné la rupture entre Abane Ramdane et la délégation extérieure (Aït Ahmed, Ben Bella, Boudiaf et Khider) installée au Caire. Les faits rapportés par l'auteur ont précédé et suivi l'organisation du Congrès. Pour revenir à celui-ci, les absences des délégués des Aurès et du Sud eurent plusieurs versions, d'aucuns estimaient même, à l'époque, qu'elles avaient un caractère politique. Mais l'explication était plus simple, explique Hachemi Djiar. Ces absences, selon l'auteur qui prend en compte des témoignages et écrits de l'époque, étaient en fait d'ordre technique (réorganisation de la Zone 6 qui venait d'être créée) alors que la mort de Mustapha Ben Boulaïd avait pris au dépourvu les délégués des Aurès-Nemenchas qui n'ont pu, de ce fait, être présents au rendez-vous de la Soummam. De fait, la délégation aurassie ayant fini par partir au Congrès rencontra, dans les environs de Bordj Bou Arréridj, le colonel Amirouche qui se dirigeait lui-même vers la Zone1 pour s'enquérir des raisons de l'absence des responsables de cette région au Congrès. Aussi, écrit Hachemi Djiar: «Ce qui est établi avec certitude c'est que, Ben Boulaïd vivant, la Zone1 aurait incontestablement pris part au Congrès (...)». Pour ce qui est de la Zone6, c'est encore plus simple. Hachemi Djiar écrit à ce propos: «Quant à la toute nouvelle Zone6 (Sud), encore embryonnaire, son absence ne saurait être assimilée à un boycott, puisque son chef, Ali Mellah, avait fait part de ses excuses et transmis un rapport au congrès (...)». Ce sont là quelques-uns des à-côtés du congrès qui sont restés dans l'ombre qui méritaient un éclairage documenté pour servir autant à l'histoire que de comprendre un moment exceptionnel de la Révolution algérienne. Evénement fondateur, le Congrès de la Soummam qui à induit «une refondation de la légalité et de la légitimité révolutionnaire», a été également «la revanche de Jugurtha et de l'Emir Abdelkader», estime l'auteur qui écrit: «Nonobstant les problèmes politiques auxquels il donna naissance (...), le Congrès de la Soummam fut l'un des moments suprêmes de l'histoire de la Révolution, mais aussi de l'Algérie. (...) Ses promoteurs ambitionnaient d'incarner la conscience nationale des Algériens en donnant une consistance à ce FLN auquel sans doute avait désespérément rêvé l'Emir Abdelkader, il y avait de cela 120 ans, et, longtemps avant lui, Jugurtha le Berbère.» Composé de neuf chapitres Le Congrès de la Soummam -qui porte aussi le sous-titre Grandeur et servitude d'un acte fondateur- est un texte qui se lit facilement et apporte de nombreux éléments d'information, sinon inédits, du moins replacés dans le contexte précis du Congrès qui éclairent et explicitent, notamment, l'importance et la dimension de Abane Ramdane, premier chef de la Zone d'Alger, la fameuse ZAA (Zone autonome d'Alger), qui mènera en 1957 ce qui allait devenir l'historique «Bataille d'Alger». M.Djiar, actuel ministre de la Communication, a occupé plusieurs postes de haut commis de l'Etat, dont celui de wali et de conseiller auprès de la présidence de la République.