Cette région a largement suivi le mouvement de grève déclenché à l'appel du mouvement citoyen, à l'exception de la daïra de Bouzeguène où seuls lycéens, collégiens et élèves du primaire ont préféré faire l'école buissonnière. Quelques escarmouches ont été également enregistrées ici et là. L'appel à la grève, lancé par le mouvement citoyen, a été assez bien suivi à travers la Kabylie. Même s'il faut signaler que dans la daïra de Bouzeguène, selon un délégué de cette région, «les gens ont vaqué normalement à leurs occupations. Seuls les scolaires ont opté pour une journée d'école buissonnière». Un petit groupe de jeunes a également essayé de faire un sit-in devant la gendarmerie. Ailleurs, les services publics, les cafés et les commerces ont baissé rideau. A la première heure de la matinée, les boulangeries et certaines épiciers ont ouvert pour permettre à la population de s'approvisionner. Ainsi, à Aïn El-Hammam, Azazga, Fréha, Larbaâ Nath-Irathen, Draâ El-Mizan, Boghni, Ouadhias, Maâtkas, Tigzirt, Beni-Yenni ou encore Draâ Ben Khedda, Mechtras, Irdjen, bref, un peu partout à travers la wilaya, la grève a été respectée. Vers 10h, hier, des sit-in ont été également observés devant les brigades de gendarmerie. L'action s'est déroulée sans incident à Tigzirt. Mais à Draâ El-Mizan, Boghni, Maâtkas, Azazga, Fréha, la grève a été ponctuée par des échauffourées plus ou moins graves. Ainsi, à Draâ Ben-Khedda c'est un groupe de jeunes adolescents qui s'en est pris à la brigade de gendarmerie, mais les affrontements n'ont pas vraiment eu lieu. En revanche, ailleurs, comme à Fréha par exemple, les échauffourées étaient assez violentes: les manifestants, massés devant l'école de gendarmerie, ont attiré une violente réplique des gendarmes. Selon des sources, on a relevé en fin de matinée 2 blessés, l'un touché par une pierre et l'autre par une grenade lacrymogène. A Azazga, un jeune a été blessé par une balle en caoutchouc, alors qu'à Boghni, c'est un véhicule de la daïra qui a été incendié. Les échauffourées de Draâ El-Mizan ne semblent pas avoir fait des blessés. Il en est de même à Larbaâ Nath-Irathen et à Tizi Rached. Dans la capitale du Djurdjura, où tout était fermé, c'est vers 10 heures, hier, qu'un groupe d'environ deux cents manifestants précédés d'un véhicule muni d'un haut-parleur et appartenant à un délégué de la Cadc et suivis d'une ambulance ont d'abord sillonné l'artère principale de la ville, aux cris de «Ulac smah ulac» et «Pouvoir assassin!» Dans une ville-fantôme, où même la gare routière était fermée et où seuls quelques boulangeries et magasins d'alimentation ont pu servir les citoyens aux premières heures de la matinée, les «badauds», du moins ceux qui sont descendus en ville, massés sur les trottoirs regardaient passer les manifestants. Ces derniers, arrivés devant les locaux de la gendarmerie, s'immobilisent et scandent les slogans rituels: «Ulac smah ulac». Au bout d'une demi-heure, alors que tout le monde pensait que l'action allait finalement se passer dans le calme, les jets de pierres et quelques cocktails Molotov ont fait leur apparition. C'est là que les éléments du groupe d'intervention rapide de la gendarmerie, casques et boucliers en main, munis pour certains de longs bâtons en bois, et pour d'autres de lance-pierres et de lance-grenades lacrymogènes, sortent et, sous un nuage de gaz lacrymogènes, occupent la rue. Les délégués de la Cadc et les manifestants se retirent, ne restent alors que des groupes de jeunes qui échangent des «amabilités» assez sonores avec les gendarmes. Les grenades lacrymogènes se font plus nombreuses, la rue Lamali, bordant la cité Les Genêts et une portion importante de l'avenue Abane-Ramdane disparaissent sous un épais nuage de fumée. Les gaz et les fumées de pneus enflammés obscurcissent le quartier. Des grenades tirées, un peu au hasard, atterrissent sur quelques balcons de la cité Les Genêts. Certaines sont renvoyées par des jeunes dans la cour de la gendarmerie... La violence allait crescendo. La colère se remarque aussi bien dans la cité, que dans l'avenue Abbane et au carrefour de l'ancienne mairie. Les GIR et les URS ont eu bien du pain sur la planche. Comme à l'accoutumée, il faut le reconnaître, certains éléments du GIR ont eu un comportement déplorable. Aux «grossieretés» des manifestants, répondent celles de certains gendarmes. Cela s'appelle des «nuisances sonores!». Un gendarme va même plus loin, il arrache des carreaux du dallage recouvrant le trottoir, les cassent et... s'en sert pour lapider les manifestants. Les policiers arrivent avec le camion anti-barricades, nettoient la rue et repartent, pour revenir quelques instants plus tard avec deux jeunes hommes, âgés d'environ 30 à 35 ans, selon des sources «interpellés dans le tas!». Ils sont conduits au commissariat. Les gendarmes demandent aux policiers de leur remettre les interpellés. Ce qui évidemment ne s'est pas fait. La soirée s'achève, ainsi, dans une tension qui, il faut le souligner, avait tendance à baisser. Les protagonistes étant fatigués. Du côté de Boghni, on a eu confirmation de l'incendie du véhicule de la daïra. Il semble même que ce soit la voiture du chef de daïra. Comme, des sources ont également confirmé la présence d'échauffourées à Mekla et à Tizi Rached... Malgré tout ce que l'on peut dire, il est évident que la population a adhéré à l'appel du mouvement citoyen. Des échauffourées, non prévues au programme, ont été recensées, certes, à travers quelques villes mais n'ont jamais atteint l'intensité du printemps dernier.