Paris appréhende une «exportation» de la violence sur son sol, comme ce fut le cas avec le GIA en 1995. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) doit devenir «l'os dans la gorge des croisés américains et français». Cette formule belliqueuse lancée par le n°2 de l'organisation Al Qaîda, Aymane al-Zawahiri, constitue aujourd'hui la principale source d'inquiétude des services français. La récente visite du ministre français de l'Intérieur, Nikolas Sarkozy, n'a pas manqué de porter l'intérêt des discussions sur l'aspect sécuritaire et devait se trouver au coeur des entretiens avec le ministre de l'Intérieur algérien, Noureddine Yazid Zerhouni. Des analyses récentes, émanant de différents services dont le quotidien Le Monde, en ont fait état il y a deux jours, décryptant le regain d'activité du Gspc en Algérie et la menace potentielle qu'il représente pour la France. Paris estime que le risque peut venir de tous les côtés. Parmi les amnistiés, par exemple, figurent, selon les services français, plusieurs centaines d'anciens du GIA qui n'ont pas renoncé à frapper les régimes algérien et français. Or, Alger n'a pas transmis aux autorités françaises la liste des anciens prisonniers, estime Le Monde. Paris redoute à présent l'arrivée clandestine de certains amnistiés, alors que plusieurs dizaines d'islamistes, surtout algériens, ont été frappés d'interdiction définitive du territoire. Selon des sources françaises, les deux katibate du Gspc, stationnées au nord du Mali, sont sous la loupe de la Dgse, très active dans la région. Selon les services français, la situation dans le nord du Mali est potentiellement explosive. Deux katibate -brigades du Gspc- y sont présentes et cherchent à fédérer les combattants des pays avoisinants. Leur noyau serait constitué, au total, d'une quarantaine de personnes. Depuis un an, ils auraient conduit des attaques et organisé des stages de formation militaire pour des volontaires étrangers, dont une cinquantaine de Mauritaniens. «Les stagiaires sont insérés dans les katibate et initiés aux kalachnikovs et aux explosifs artisanaux», explique un haut responsable du renseignement. Souvent en mouvement pour échapper aux satellites, les membres des katibate vivent dans de grandes tentes. Certains étrangers auraient exprimé leur déception devant l'incapacité du Gspc à les conduire en Irak ou en Afghanistan, pour poursuivre leur djihad. Les Touareg, qui représentent 80% de la population dans le nord du Mali, sont entrés en conflit ouvert avec le Gspc. Ils reçoivent une aide logistique des services algériens, et même américains. Les islamistes, eux, ont pour alliés les Arabes bérabiches, leurs partenaires dans les trafics qui financent la cause. Cependant, des alliances avec des militaires en rupture de ban avec leurs armées au Mali ou au Niger, des touareg séparatistes, des contrebandiers, des cigarettiers et des aventuriers de tous bords sont autant de possibilités mises à profit par le Gspc pour conforter ses positions dans la région. Des experts occidentaux ont estimé que le Gspc, qui vient de prêter allégeance à l'organisation Al Qaîda, pourrait compter sur l'apport de centaines d'hommes vivant en Europe, et dont certains pourraient passer à l'action sans que les polices locales ou les cellules chargées de la lutte antiterroriste aient pu prévenir l'action de l'attentat. Selon des déclarations faites au journal arabophone basé à Londres, Al-Charq al-Awsat, Uwe Cabrioli, qui a dirigé la cellule antisubversive à la Dgse de 1998 à 2004, affirme qu'il est certain que «le Gspc dispose de centaines de militants actifs et sympathisants dans toutes les capitales européennes». Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, dont le ralliement à Al Qaîda a été annoncé par Abdelmalek Droukdel, dit Abou Mossaâb Abdelouadoud, le 11 septembre dernier, devenait soudainement une hantise pour la sécurité intérieure en France, et le ministère français de la Défense avait estimé que le Gspc pourrait constituer «une menace sérieuse» pour la France dans les prochains mois, et devenir le «bras armé» d'Oussama Ben Laden outre-Méditerranée, après les avertissements brandis par le numéro deux d'Al Qaîda, Ayman al-Zawahiri, de frapper «les croisés américains, français et leurs alliés». Cette menace directe d'Al Qaîda avait succédé à celle formulée par le chef du Gspc dans son communiqué du 11 septembre, date symbole dans l'univers du terrorisme: «Nous prêtons allégeance à cheikh Oussama Ben Laden (...). Nous poursuivrons notre djihad en Algérie. Nos soldats sont à ses ordres pour qu'il frappe par notre entremise qui il voudra et partout où il voudra. Tout en décidant de rallier Al Qaîda et de prêter allégeance à Ben Laden, nous conseillons à nos frères de tous les autres mouvements jihadistes, partout dans le monde, de ne pas manquer cette union bénie (...) L'organisation d'Al Qaîda est la seule habilitée à regrouper tous les moudjahidine, à représenter la nation islamique et à parler en son nom», ajoute l'émir du groupe qui considère la France comme son «ennemi n°1». La peur qui s'est emparée subitement des capitales occidentales, notamment Paris et Washington, est un peu plus amplifiée que de mesure par les dirigeants européens pour les raisons que l'on sait, et qui ont fait maintenir, par exemple, un George Bush à la présidence, malgré ses échecs manifestes, latents et successifs, ou qui peuvent placer en France Sarkozy en «Monsieur Sécurité», ce qui revient à lui donner encore du crédit et le placer en pole position à la veille de la présidentielle. Le Gspc avait perdu, entre 2002 et 2004, l'essentiel de ses membres les plus actifs en France, en Grande-Bretagne et en Espagne, et il n'est pas évident que ses réseaux se soient reconstitués avec cette vitesse. Jusque-là, le Gspc était considéré comme une organisation terroriste qui mène une guerre de type local et circonscrite, et donc, ne pouvant représenter une menace pour l'Europe ou les Etats-Unis, mais depuis deux mois, les donnes ont changé.