Ils n'arrivent pas à sortir d'une impasse dans laquelle ils se sont embourbés. Quel est finalement le rôle des partis politiques dans la société? Doivent-ils se contenter d'observer, en spectateur, les dossiers brûlants de l'actualité? La réponse réside dans la piètre image que nous livrent au quotidien certaines formations censées être porteuses d'idées nouvelles et de projets à même de se poser en acteur et en force de proposition. A l'exception de quelques activités organiques pour rappeler leur présence, ces partis sont absents au moment où on les attend le plus. La révision de la Constitution, la corruption, la réconciliation nationale, la recrudescence des attentats terroristes et le front social, sont tant de dossiers qui pourraient donner matière à débat. Toutefois, à quelques mois des élections législatives, ces partis se confinent dans une attitude pour le moins improductive. Agissant par communiqués interposés, à l'occasion de la réunion de leurs structures (conseils ou bureaux nationaux), ces formations, à court d'alternative, n'arrivent pas à sortir d'une impasse dans laquelle elles se sont embourbées. Confondant opposition avec «oppositionnisme», elles n'arrivent pas à retrouver leurs repères, allant même jusqu'à faire un amalgame entre Etat et pouvoir. Certains d'entre ces partis n'arrivent même pas à fixer la date de la tenue de leur congrès, laissant la place aux spéculations et rumeurs les plus folles. C'est le cas du FFS et du RCD, qui ont reporté leurs congrès respectifs, à maintes reprises, en raison, dit-on, de problèmes d'ordre technique et financier. En réalité, ce sont les tensions qui couvent au sein de ces formations politiques -ce sont pratiquement les seules à s'inscrire dans l'opposition, sachant que l'ANR, le Ccdr et l'UDR se sont carrément éclipsées de la scène- qui constituent un obstacle majeur à leur action. Une activité qui consiste à mater la dissidence, au lieu d'ouvrir un véritable débat démocratique à l'intérieur de ces partis. Pourtant la grogne au niveau de la base est symptomatique d'un malaise, qui nécessite un débat de fond, de façon à aplanir les différends, en fonction, bien entendu, des statuts du parti. D'ailleurs, n'est-il pas paradoxal que des partis politiques, ayant fondé leur combat sur l'idéal démocratique et le respect des libertés, usent de pratiques antidémocratiques, voire même staliniennes, à l'encontre de certains militants dont le seul «tort» est d'avoir tenu tête à leur direction? En effet, comment expliquer qu'un parti politique radie des dizaines d'élus et de cadres, pour la simple raison que certains d'entre eux ont osé critiquer la ligne de la direction de leur parti, ou du moins essayé de développer des idées qui rompent avec l'«ordre» établi. Dès lors, suspicion, délation, coups fourrés sont devenus des pratiques courantes au sein de la plupart des formations politiques, aussi bien au pouvoir que dans l'opposition. Ce qui pousse des dizaines de militants à claquer la porte de leur parti, au lieu de subir les «représailles». Combien de cadres et de militants de valeur ont tiré leur révérence, au moment où ils avaient beaucoup à apporter à leur parti. Cependant, même si la moralisation de l'action des élus constitue l'un des impératifs auxquels chaque état-major doit veiller pour préserver sa crédibilité, il reste que cette pratique est parfois motivée par des considérations autres que les motifs annoncés. Une situation tragique qui non seulement appelle à une nouvelle configuration de la scène politique par l'émergence de formations plus adaptées à la nouvelle donne sociopolitique, mais surtout exige l'émergence d'une nouvelle classe politique qui fait du débat interne, le meilleur moyen pour transcender ses crises. Il est clair que le concept de mouvement de redressement qui a fait, depuis quelque temps, irruption dans le langage politique, n'est en réalité que l'expression de la manière avec laquelle sont régentées certaines formations politiques, dont la lutte pour le leadership prime tout autre considération. Toutes ces lacunes ont été mises à profit par les formations dites islamo-conservatrices, qui, apparemment, sont en passe de reprendre peu à peu du poil de la bête.