À l'occasion d'une réunion d'évaluation avec les présidents de cour et les procureurs généraux, le tout nouveau ministre de la Justice, M. Tayeb Belaïz, a eu à rencontrer les journalistes. Très attendue, la rencontre a tourné court. Très court… Il vient d'être parachuté à la tête d'un département ultrasensible : la Justice. Lui, c'est Tayeb Belaïz, anciennement ministre de l'Emploi et de la Solidarité, intronisé donc garde des Sceaux en remplacement d'un technocrate, Mohammed Charfi, à la faveur du remaniement ministériel du 5 septembre dernier. Quand on se rappelle les conditions dans lesquelles est intervenu le remaniement en question, on ne pouvait qu'augurer un effet d'annonce (si infime soit-il) de la part de Belaïz à l'occasion de sa première sortie en tant que “ministre des Prisonniers”. Il n'en fut rien. Et pour tout dire, Belaïz n'a pas séduit, hier. La presse s'est pourtant ruée en force vers le Saint-Raphaël, au siège du ministère de la Justice, une bâtisse mauresque sur les hauteurs d'El-Biar, en réponse à un fax dont le libellé faisait état d'une rencontre avec les présidents de cour et les procureurs généraux. Dans un contexte marqué par un rapport explosif entre le pouvoir et une partie de la presse privée et dans lequel le pouvoir judiciaire, loin d'être une instance d'arbitrage, est présenté comme une institution fragile qui peut à tout moment basculer dans ce terrible bras de fer, il va sans dire que la rencontre d'avec le chef de la chancellerie était fort attendue. Contexte où l'opinion et plus intimement la profession réclament, en effet, plus d'éléments d'interprétation de la mission (littérale ou effective) qui lui a été assignée par l'Exécutif (pour ne pas dire par la présidence), dans un pays où la séparation des pouvoirs est un pur slogan. Ce n'est que vers 10h qu'apparaît enfin le nouveau garde des Sceaux. Les journalistes ont dû quitter la salle de conférences, invités par le service du protocole à une rencontre préliminaire avec le ministre. Tout le monde s'attend à un point de presse ouvert où, même si le planning serré du ministre n'autorisait pas les étalages barbants et sophistiqués d'usage, n'en promettait pas moins un smig de réponses aux questions qui urgent : pourquoi la police est-elle mêlée à la poursuite des journalistes devant répondre de “lèse-Bouteflika” ? Quelles garanties offre aujourd'hui la justice pour maintenir les magistrats en charge des dossiers brûlants de la presse à l'abri de toute pression d'El Mouradia-Les Tagarins ? La chancellerie ne va-t-elle pas s'immiscer, comme par le passé, dans l'instruction de procès ficelés contre la presse ? D'autres questions plutôt liées à la guéguerre que se livrent les frères ennemis du FLN, et dans laquelle Belaïz est partie prenante, mordillaient aussi les lèvres des confrères. Tayeb Belaïz descend les marches de son cabinet sous les flashes-flashes. L'homme apparaît comme effarouché, voire terrorisé devant la “meute” de journalistes qui le guettaient. D'une voix à peine audible, il fait une déclaration à la Radio Chaîne I, relayée par la caméra de l'Unique. Puis, plus rien. L'homme parle de “réunion d'évaluation”. Sans plus. Et il s'éclipse avec ses collaborateurs, laissant les journalistes sur leur faim. On se retrouve dans la salle de conférences où magistrats et procureurs l'attendaient depuis tôt le matin (le ministre était à l'hôtel El Aurassi, en fait, pour une autre réunion). Après une petite allocution langue de bois, les travaux doivent commencer. À huis clos. Les journalistes sont priés de quitter la salle. Le show est fini. Le ministre d'Etat, ministre de la Justice, ne veut pas de polémique. Il est plus opaque que jamais quant à sa “politique pénale”. Pour la suite, attendez le communiqué… M. B.