Dans Aigre-Doux, le romancier Djamel Mati explore les méandres du monde intérieur. Lorsqu'on ouvre un livre comme celui de Djamel Mati, Aigre-Doux, on ne sait pas, de prime abord, à quoi on s'expose. On s'aperçoit au bout de quelques lignes qu'il s'agit d'un livre intimiste; une plongée en apnée dans le monde intérieur du narrateur, une immersion dans les méandres du Moi. Il y a forcément là une confession, on peut accepter ou refuser de l'écouter. Quand on en a le temps, et en fait, on en a toujours, c'est la meilleure chose à faire, d'autant plus que le narrateur quitte parfois, en catimini, ce monde intérieur pour embrasser un ensemble plus vaste, et c'est là que l'inconscient individuel croise l'inconscient collectif. Après tout, le récit se déroule au numéro 114 de la rue B, de la Casbah. Le lieu, ainsi défini, permet à la fois des échappées et des généralités. Le je omniprésent, qui boit la vie jusqu'à la lie, rejoint un nous et un il qui sont le lieu d'une altérité à multiples facettes. Tout semble immuable, et pourtant, on voit bien que les choses bougent: «Dans ce petit studio de la rue B au numéro 114, rien n'a changé pour moi. Pilules aigres-douces, échanges d'onomatopées avec ma compagne.» Et le plus sympa dans l'affaire, c'est que cet auteur, dont les livres semblent de prime abord fermés, voire ésotériques, est en fait d'un abord très sociable. D'où ce petit entretien que L'Expression a eu avec lui au Salon international du livre d'Alger. Djamel Mati était là, répondant avec beaucoup de spontanéité aux questions des lecteurs qui venaient à sa rencontre, et qui cherchaient, pour certains, des clés pour comprendre ses oeuvres. Sur la manifestation proprement dite, il estime que comme tous les autres salons, c'est un rendez-vous incontournable. Une occasion de rencontrer un public plus large. Cela l'intéresse d'avoir une idée sur les gens qui le lisent. «J'essaie de n'en rater aucun. Ce que je retiens surtout, c'est ce contact physique qu'on a avec les jeunes. Une joie immense.» Quels sont les sujets abordés? Le lecteur est très curieux. Il pose des questions sur les écrits. Tenant des propos pertinents, et qui suscitent des débats. «Je remarque un intérêt certain pour le livre.» Et puis il y a des questions bateau: comment écrivez-vous? Dans quelles conditions? Tout cela est bien parce que les gens s'inquiètent. Quant au thème dominant de ses livres, il y sera question d'un personnage, sibirkafi.com. Le mot est un barbarisme. Il exprime toute la dérision et le désenchantement d'un personnage engoncé dans un monde glauque, avec des volutes de fumée réelles ou imaginaires qui embrument son esprit. Toute la problématique, pour lui, consiste à savoir comment bouger tout en restant sur place. Le dernier livre en date, c'est Aigre-Doux. D'ici la fin de l'année, il y aura un quatrième livre, toujours chez Apic, intitulé On dirait le Sud. Revenant sur le fil conducteur de tous ces livres, Djamel Mati estime qu'il y a une balise. C'est un regard biaisé par la dérision et le côté burlesque de la société. Aigre-Doux est une quête de soi du narrateur. Il y a bien un fil imaginaire (le point B114), mais en fait les livres sont autonomes.