“Je suis venu en Algérie participer à une entente entre deux peuples souverains qui ont une histoire mouvementée, mais qui aspirent à avoir un regard résolument tourné vers l'avenir”, a indiqué le président Sarkozy. Le président français, Nicolas Sarkozy, est arrivé hier dans la matinée, à Alger, où il a été accueilli par son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika, pour une visite de travail de quelques heures. C'est sa première visite hors Europe depuis son élection le 6 mai dernier. Quelques heures plus tard, ils ont eu un tête-à-tête à la résidence d'Etat de Zéralda, avant d'assister à la cérémonie de signature, par les ministres des Affaires étrangères des deux pays, M. Mourad Medelci et M. Bernard Kouchner, de deux accords : un accord d'exception réciproque des visas de court séjour pour les titulaires de passeport diplomatique et une lettre de mission confiée au Haut-Conseil algéro-français pour la mise en place d'une université mixte algéro-française. 20 minutes de ballade… Vers 15h15, les présidents algérien et français, Abdelaziz Bouteflika et Nicolas Sarkozy, se dirigent vers les jardins. Les deux hommes viennent de sortir d'un déjeuner de travail. Suivis de leurs délégations respectives et de journalistes, les deux présidents marcheront d'un pas alerte durant une vingtaine de minutes, sous un beau soleil, avant de regagner un chapiteau blanc dressé sur du gazon et décoré des drapeaux des deux pays. Nicolas Sarkozy s'avance vers le micro, se tourne vers son homologue algérien, resté en retrait, puis s'adresse aux journalistes. “Je remercie le président Bouteflika pour son accueil et pour son invitation pour une visite d'Etat en novembre 2007”, déclare-t-il, rappelant que l'un et l'autre ont déjà désigné leurs “proches collaborateurs” pour préparer son prochain voyage en Algérie qui devrait, d'après lui, produire des “résultats concrets et tangibles”. “L'Algérie a une place centrale” Dans son allocution, le nouveau locataire de l'Elysée informe également de “la volonté” du président algérien de “préparer l'après-hydrocarbures”, de faire de l'Algérie “un pays émergent avec une industrie, avec des services” et de solliciter l'“aide” de la France dans le processus de développement. Il évitera sciemment de parler d'accord d'exception ou de traité d'amitié entre les deux pays voisins. Selon lui, l'amitié se mesurera en “actes concrets”. Et la France, ajoutera-t-il, est prête à coopérer dans les domaines de l'énergie “non seulement dans le domaine du gaz, mais également dans celui du nucléaire civil”, de l'agroalimentaire et de l'industrie. “Les entreprises françaises sont disposées à investir massivement dans l'industrie”, précise le chef de l'Etat français. Ce dernier aborde ensuite le projet de l'union méditerranéenne (UM) où “l'Algérie a une place centrale”, un projet qui “n'est pas un substitut du processus de Barcelone ni celui de l'Union européenne”. Pour M. Sarkozy, l'importance de l'union méditerranéenne est liée à ses “projets concrets”, à savoir, toutes les questions relatives à “l'environnement, la paix, la sécurité, le développement économique et le dialogue des cultures”. “Cette idée n'est pas française”, signale-t-il, avant d'annoncer la tenue d'une rencontre des chefs d'Etat et de gouvernement de la rive de la Méditerranée au “1er semestre 2008 pour donner corps à ce projet”. Des souffrances de part et d'autre Mais, avant de céder la parole aux professionnels de l'information, l'invité de l'Algérie s'est défini comme une personne qui n'appartient pas à “la génération de la guerre d'Algérie”. “Je suis venu en Algérie participer à une entente entre deux peuples souverains qui ont une histoire mouvementée, mais qui aspirent à avoir un regard résolument tourné vers l'avenir”, indique le président Sarkozy. Dans le traditionnel questions-réponses, le président français rappelle que son voyage lui a permis d'avoir de “longues heures de discussions” avec le premier magistrat du pays et de recevoir des “conseils” de ce dernier, notamment en ce qui concerne le partenariat algéro-français et le projet méditerranéen. Interrogé sur la problématique de la repentance, Nicolas Sarkozy a estimé qu'il est venu en Algérie “ni pour blesser ni pour (s'excuser)”. “Les Algériens ont beaucoup souffert, je respecte cette souffrance. Mais, il y a eu aussi beaucoup de souffrances de l'autre côté, il faut la respecter. C'est l'histoire, c'est le passé. Maintenant, ne divisons pas l'avenir, construisons l'avenir”, assure-t-il non sans souligner : “Je ne les (souffrances) mets pas dans le même piédestal.” L'UMA et l'entente algéro-marocaine Colère d'une consœur du Quotidien d'Oran. Celle-ci reproche au président Sarkozy de privilégier nos confrères français, en leur donnant la parole. L'abordant avec un large sourire, le chef de l'Etat français l'invite à parler. Au sujet des visas, du problème de l'immigration choisie et du nucléaire civil, il lui répondra : “Nous allons faire des propositions concrètes en novembre.” Enfin, concernant la position de la France vis-à-vis de la question du Sahara occidental, M. Sarkozy confie que le président algérien ne lui a pas dit “d'y renoncer”, qu'il lui a seulement “expliqué la position de l'Algérie”. “Ce n'est pas un point de discorde entre nos deux pays”, déclare-t-il, en reconnaissant “la complexité” du dossier en charge par l'ONU. “Ce qui est important, c'est que l'union du Maghreb puisse se construire dans l'entente entre l'Algérie et le Maroc”, complétera-t-il avant de mettre fin à une conférence de presse qui aura duré une quinzaine de minutes. Il est à souligner que le président algérien n'a fait aucune déclaration, ni après le discours de Nicolas Sarkozy ni pendant la conférence de presse. Et des commentaires de journalistes La visite de Sarkozy est appréciée différemment par les journalistes étrangers, venus couvrir l'événement. Ceux que nous avons approchés pensent que la France a plus besoin de l'Algérie que du Maroc, et que le coup de gueule du royaume chérifien est “réel”, voire “justifié”. “Avec l'Algérie, la France va gagner alors qu'avec le Maroc, c'est elle qui débourse”, soutient un journaliste égyptien travaillant pour Asharq Al-Awsat. Toujours est-il qu'il estime aussi que la relation qu'entretient la France avec les deux voisins “doit être vue sous l'angle d'une relation triangulaire”. Pour Christian Mallard, l'annulation de la visite au Maroc est “due peut-être à la menace terroriste”. L'analyste et commentateur français est aussi convaincu que “l'Algérie et la France sont les deux moteurs” du projet d'union méditerranéenne. Il n'en finit pas de lancer des éloges à l'Algérie. “C'est vous la puissance régionale. Vous avez tout : la jeunesse, le pétrole, le gaz, l'agriculture, etc.”, ajoute-t-il. Celui qui a côtoyé des hommes d'Etat, notamment du monde arabo-musulman, classe le président Bouteflika “comme le plus intelligent, sur le plan de la culture” et attend d'ailleurs l'accord de ce dernier pour l'interviewer pour le compte de France 5. Christian Mallard a aussi un avis sur le dossier du Sahara occidental. “Sarkozy ne va pas se presser”, dit-il, précisant néanmoins que le nouveau président a “une approche pragmatique”, qu'il “va rééquilibrer les choses” et même “participer à régler le conflit y compris dans le cadre de l'ONU”. Puis d'attester : “Avec Sarkozy, la position ne sera pas pro-marocaine comme c'était le cas avec Chirac qui, lui, était l'ami du roi Hassan II et avait un penchant moral et amical.” Hafida Ameyar