Après trois ans de tensions diplomatiques, l'Espagne revient à la raison ! Depuis sa décision controversée de reconnaître la prétendue «marocanité» du Sahara occidental, Madrid a multiplié les gestes d'apaisement pour recoller les morceaux. L'Algérie, inflexible, a maintenu sa position, forçant l'Espagne à redoubler d'initiatives et à ouvrir des canaux de discussion. Les premiers signes de détente sont apparus fin 2023, sans pour autant retrouver la relation privilégiée d'autrefois. Un ambassadeur espagnol a été nommé, et les échanges économiques ont repris timidement. Mais c'est véritablement la diplomatie qui a fait avancer le rapprochement, avec l'implication directe du président Abdelmadjid Tebboune. En octobre dernier, il a adressé un message de condoléances au roi Felipe VI après les inondations en Espagne, qualifiant ce pays d'«ami» et exprimant sa «haute considération». Un mois plus tard, le roi d'Espagne a répondu par un message à Tebboune à l'occasion du 70? anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération. Ce qualificatif d'«ami» a été réaffirmé récemment par le président Tebboune, en félicitant l'écrivain Yasmina Khadra, primé en Espagne. Parallèlement, les rencontres officielles se sont accélérées. À Johannesburg, en marge d'une réunion ministérielle du G20, Ahmed Attaf, chef de la diplomatie algérienne, a rencontré son homologue espagnol, José Manuel Albares, pour la première fois depuis trois ans. Ce fut le signe concret d'un véritable dégel. En ce début de semaine, les paroles ont laissé place aux actes. Le ministre de l'Intérieur, Brahim Merad, s'est rendu en Espagne, accompagné du directeur général de la Sûreté nationale, Ali Badaoui, et du directeur général de la Protection civile, Boualem Bourelaf. C'est la première visite officielle entre les deux pays depuis la suspension du Traité d'amitié. À Madrid, Merad a eu droit à un accueil «royal». Il a rencontré son homologue, Fernando Grande-Marlaska Gomez, qui a qualifié l'Algérie de «partenaire-clé en matière de sécurité et de gestion migratoire». «L'Algérie est le partenaire principal de l'Espagne en matière de coopération sécuritaire et de gestion de la migration», a-t-il soutenu. Dans une déclaration qui semble adresser un tacle au Maroc, souvent accusé d'utiliser la migration comme un levier de pression sur l'Europe, il a salué «les efforts de l'Algérie dans la lutte contre les réseaux de trafic de migrants», ayant permis le démantèlement de plusieurs organisations criminelles. Il a également remercié les autorités algériennes pour leur rôle décisif dans la libération d'un citoyen espagnol kidnappé en Algérie, le 14 janvier dernier. Le ministre espagnol de l'Intérieur a souligné que les deux pays partagent «de nombreux défis communs nécessitant des réponses collectives et efficaces». Plus encore, Grande-Marlaska a annoncé la reprise des échanges bilatéraux et la relance des commissions mixtes entre les deux pays. Il a précisé que «les discussions avaient également porté sur la préparation de la prochaine commission mixte dans le cadre de l'accord de coopération sécuritaire, signé en 2009, incluant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé». Une avancée majeure qui marque la fin des tensions. Au-delà de la sécurité, la coopération algéro-espagnole «reprend de plus belle». À Madrid, Brahim Merad a visité le siège de la Direction générale du trafic et discuté avec les autorités espagnoles des solutions technologiques pour fluidifier la circulation routière en Algérie. Les deux parties ont convenu d'organiser des rencontres entre experts pour partager les meilleures pratiques. Dans la foulée, la presse espagnole a annoncé le retour en Algérie de Repsol, le géant pétrolier espagnol, avec un investissement de près de 800 millions d'euros dans un projet pétrolier. Tout semble donc «gazer» entre Alger et Madrid. Le ciel entre les deux capitales n'est plus «gris», d'autant plus que Brahim Merad, qui a conduit cette visite, est un homme de confiance du président Tebboune, ayant été son directeur de campagne pour le second mandat. Un signe fort que la relation entre les deux pays est en train de retrouver des couleurs…