La lutte contre l'immigration clandestine a été au centre des débats de la réunion des ministres européens de la Justice et de l'Intérieur, jeudi, à Saint-Jacques de Compostelle (nord-ouest de l'Espagne). Un «plan global», qui a été arrêté par les Quinze, doit, en principe, réduire le déversement de l'immigration illégale. Cette stratégie, qui doit mettre en pratique une politique européenne commune, s'inscrit dans le droit fil des conclusions du sommet européen de Lacken, en décembre dernier, durant lequel il a été aussi question de combattre l'immigration clandestine et le trafic d'êtres humains. Ce plan jette d'emblée les balises dans une série de mesures pratiques contre l'immigration, en termes de restriction des visas d'entrée et d'études «très serrées» des dossiers des demandeurs d'asile. En termes clairs, c'est à des restrictions draconiennes des entrées que les immigrants doivent s'attendre. En termes plus précis encore, ce plan est orienté vers le Sud, et ce sont les Arabes, les Africains, les musulmans (activistes ou non) qui en seront l'objet. Le but est clair: «sécuriser» l'Europe, tant en matière de terrorisme que de travail et de résorption du chômage. Pour des raisons géostratégiques et sécuritaires évidentes, l'Algérie est appelée à jouer un rôle majeur dans cette stratégie. Et ce rôle n'est pas sans enjeux, ni encore moins sans douleur. En fait, ce sont des milliers d'immigrés clandestins qui sont arrêtés aux frontières algériennes sud. Ce flux massif vers l'Algérie induit d'énormes dépenses, tant financières qu'humaines, et pose aussi, de façon nette, d'énormes problèmes sur les plans politique, sécuritaire, économique, culturel et social. Le flux des nouveaux venus dans les villes frontalières algériennes charrie souvent avec lui des spécificités dues à l'origine, à la culture et aux caractéristiques de ces immigrants. Souvent aux problèmes internes des villes tels Tam, s'ajoutent ceux charriés par ces immigrants, et les problèmes qui se posent, en termes d'urgence, restent insolubles. Contrairement à ce qu'on peut penser de prime abord, ce flux ne vient pas uniquement des pays limitrophes à l'Algérie, touchés par la sécheresse ou la disette, mais concerne pratiquement une quinzaine de pays. La plupart des milliers des gens arrêtés aux frontières affirment être venus en Algérie pour bénéficier de soins médicaux, de travail, de sécurité ou pour y établir un commerce de fortune. Mais dans beaucoup de cas, le but est d'atteindre les rives sud de la Méditerranée, et, de là, gagner l'Europe. Près de 12.000 immigrés clandestins ont été appréhendés par les brigades mobiles de la sécurité frontalière algérienne, avec près de 700 arrestations pour le premier trimestre de l'année 2001. Les frontières les plus perméables sont celles des wilayas de Tamanrasset (46% des cas), suivent Tlemcen (16) Ouargla, Adrar et Illizi (7), Béchar (3) et, en fin de liste, Naâma, El-Tarf et El-Oued. Les ressortissants nigériens sont ceux qui forment le taux le plus élevé du flux (37 % des cas), puis les Nigérians (22), les Marocains (8), les Maliens (7), puis viennent les Sierra-Léonnais, les Guinéens, les Sénégalais, les Zaïrois et les Tchadiens. Si l'on considère la question de plus près, on peut conclure ceci: l'Algérie n'étant pas un marché local lucratif pour alimenter ce flux humain, qui peut alors l'expliquer? La réponse est la suivante : l'Algérie sert de transit vers l'Europe. Mais avant cela, elle sert de bouclier à l'Europe et principalement à l'Espagne, à l'Italie, au Portugal et à la France, situés tous à quelques encablures des rives sud méditerranéennes. Aussi l'Europe doit-elle, mettre le prix. C'est le moindre tribut que l'Europe peut et doit payer pour contribuer à consolider la coopération et à renforcer les frontières avec le Sud. Si elles deviennent des passoires, l'Europe aura réellement du souci à se faire.