Pour les «faucons» de Washington, toutes les bandes islamistes de la région ne peuvent qu'être alliées à Al Qaîda. Selon le Washington Post, les départements d'Etat et de la Défense des Etats-Unis investissent pas moins de 500 millions de dollars dans de nouveaux programmes de contre-terrorisme en Afrique du Nord. Les responsables de la sécurité américaine coopèrent dans cette région avec des régimes tels que la Libye, qui a bénéficié, en contrepartie, du retrait de son nom de la liste des Etats soutenant le terrorisme, ou d'autres pays qui sont, par ailleurs, critiqués pour leurs abus en matière de droits de l'homme. Depuis les événements de 2001, les Etats-Unis craignent, en effet, de voir la zone devenir une terre propice au regroupement de terroristes: ils préfèrent donc prévenir un tel développement. La Maison-Blanche vient de rendre public un document de politique étrangère intitulé «La stratégie nationale en matière de sécurité», en soulignant que désormais «l'Afrique revêt une importance géostratégique croissante» pour les Etats-Unis. Ce document indique que la sécurité des Etats-Unis dépend en partie, des partenariats avec les pays africains, relatifs à des programmes de sécurité. Ces programmes visent à prévenir des attentats terroristes tels que ceux qui ont frappé les ambassades des Etats-Unis à Nairobi (Kenya) et à Dar-Es-Salam (Tanzanie) en août 1998 et qui ont causé la mort de plus de 250 Africains, tout comme ils visent à prévenir les nouvelles menaces qui menacent la région du Sahel et le vaste et inquiétant monde sahélo-saharien. Le document dit que «les Etats-Unis sont résolus à coopérer avec les Etats africains en vue de renforcer leurs moyens nationaux et les moyens de l'Union africaine, d'appuyer les transformations après un conflit, de consolider les transitions démocratiques et d'améliorer le maintien de la paix et les interventions en cas de catastrophe». Une haute responsable du ministère de la Défense, Mme Theresa Whelan, a fait état récemment, du soutien croissant des milieux politiques pour une telle aide, lors d'un séminaire organisé en décembre 2005. «L'Afrique, a-t-elle dit alors, occupe dans l'ordre des priorités des Etats-Unis, une place beaucoup plus élevée que ces 10 à 15 dernières années. En fait, l'attention que les Etats-Unis, l'Union européenne, le groupe des Huit et maintenant l'Otan accordent à l'Afrique est sans précédent et continue de s'accroître.» Alors que le ministère de la Défense estime que quelque 25% des 400 combattants étrangers faits prisonniers parmi les insurgés en Irak, sont d'origine africaine, les partenariats en matière de sécurité deviennent de plus en plus importants. En Afrique, indique le document sur la stratégie nationale en matière de sécurité, «la lutte contre l'extrémisme islamique militant» a lieu dans le cadre de nouveaux partenariats tels que l'Initiative mondiale en faveur des opérations de paix que le G8 a lancée en 2004 en vue de former des soldats africains au maintien de la paix. D'autres programmes de coopération comprennent celui qui fait suite à l'Initiative pansahélienne, programme de formation militaire remontant à 2002 et intéressant le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad qui a permis, en 2005, de s'opposer avec succès à un groupe d'extrémistes musulmans. L'Initiative pansahélienne a été élargie pour devenir un nouveau partenariat de formation appelé Initiative transsaharienne de lutte contre le terrorisme (Trans-Sahara Counterterrorism Initiative ou Tsci) à laquelle participent également l'Algérie, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal et la Tunisie. Il est question que la Libye y participe également plus tard. La Tsci, a-t-il dit aux membres de la commission, est un partenariat très utile en matière de sécurité avec les pays africains, car elle «contribue à renforcer les moyens régionaux de lutte contre le terrorisme, à renforcer la coopération entre les forces de sécurité africaines et à l'institutionnaliser, à encourager la bonne gouvernance, à favoriser le développement et la formation, enfin à consolider nos relations bilatérales avec chacun des Etats participants». Les Etats-Unis avaient en fait commencé à s'intéresser à la région sahélo-saharienne au lendemain de la guerre engagée aux Etats-Unis et la dispersion des cadres d'Al Qaîda et de ses sympathisants un peu partout dans le monde. La présence du Yéménite Imad Abdewahed Alouane en Algérie (il avait été abattu à Batna en 2002) via le Sahel puis l'acheminement des 14 touristes kidnappés par le Gspc d'Algérie vers le Mali, avaient fini par conforter les experts militaires américains que cette bande du Sahel, longue de plusieurs milliers de kilomètres et qui va de la Mauritanie au Tchad et à la Somalie en passant par le Mali et le Niger, finira par constituer une «rampe de lancement» pour les futurs groupes armés. Le plan Pan-Sahel Initiative (PSI) américain avait été exposé comme un vaste programme, dont l'objectif est d'endiguer toute menace terroriste venant du Sahel. Près de 120 millions de dollars ont été débloqués à cet effet, en plus des experts militaires et des équipements sophistiqués pour le repérage, la reconnaissance, la détection et éventuellement, l'attaque aérienne. Pour Washington, toutes les bandes islamistes de la région ne peuvent qu'être alliées à Al Qaîda, et doivent de ce fait, être traquées sans répit et démantelées. Cependant, les Etats-Unis ne peuvent s'engager longtemps sur plusieurs fronts ni engager leurs troupes déjà très éprouvées dans des guerres d'usure, et tout aussi aléatoires qui plus est. Cependant, et selon certains analystes occidentaux, l'armée américaine amplifie délibérément la menace terroriste pour obtenir les moyens de son activisme dans la région. Les Etats-Unis cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient pour le pétrole et les pays d'Afrique, qui remplissent 16% de leurs besoins actuellement, devraient en représenter 25% d'ici à 2015. «En créant cette affaire terroriste, les Américains créent les conditions de la militarisation de l'Afrique», d'après l'universitaire britannique Jeremy Keenan. «Nous n'exagérons, ni ne minimisons ce qui se passe», se défend, sans surprise, le général William Ward, commandant adjoint de l'Eucom. En fait, la menace Gspc existe. Tout comme d'ailleurs son exagération.