Payés entre 7000 et 11.000DA, ils étaient entre 80.000 et 100.000 fin 1998, à veiller sur les villages, hameaux et zones rurales. A l'approche des élections de 2007, les enjeux liés à cette échéance deviennent de plus en plus perceptibles, y compris envers ceux qu'on avait oubliés depuis fort longtemps. Les GLD qu' on avait enterrés à la faveur de la réconciliation nationale, re-viennent et sont un sujet d'actualité cette semaine. D'abord en constituant leur propre organisation nationale, ensuite en se démarquant de tous «les enjeux politiques et électoralistes», et enfin, en sollicitant directement le président de la République pour la prise en charge de leurs doléances. Il y a quelques jours, Abdelmalek Adouka, le président de l'Organisation nationale pour la défense des GLD, avait vivement critiqué la réunion parallèle qui s'était tenue à Bouira, affirmant que cette commission interwilayas, qui regroupait notamment les GLD de Bouira, Béjaïa et Bordj Bou Arréridj, sentait la manipulation à la veille des prochaines élections. Donnés «partants» après la promulgation des lois sur la réconciliation nationale, les GLD semblent avoir la vie dure. Au début de l'année, une source proche du ministère de l'Intérieur précisait que «la présence des GLD est encore exigée et les éléments des groupes en activité dans les ‘‘zones grises'' restent encore opérationnels. Leur dissolution totale n'est pas à l'ordre du jour, et le jour où le terrorisme aura complètement disparu des zones rurales, alors on pourra parler de la fin des GLD». Les «patriotes» bénéficiaient ainsi d'une période de grâce, malgré les informations faisant état de leur désintégration définitive, à la faveur des nouvelles donnes, notamment des options de la réconciliation nationale. L'effort de paix consenti par le président de la République exigeait de faire l'économie de ces anciens «sous-traitants de la guerre», qui seront pris en charge par l'Etat après leur fin de mission, intégrés dans d'autres secteurs, dans des sociétés de gardiennage ou autres entreprises de sécurité. Mais à ce jour, leur sort demeure imprécis. Ce souhait de la part des autorités de les «caser» quelque part, incarne, à lui tout seul, le long cycle de désagrégation de ces «gérants de la guerre» qui, même si on fait semblant de rien, sont devenus un lourd fardeau pour les autorités. Lancé par le président de la République, il y a quelques mois, lors de son périple à Béchar, en pleine campagne pour son projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale, et confirmé par l'ex-chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia, lors d'un point de presse avec les directeurs des médias, quelques jours après, le démantèlement des GLD est mis en marche depuis des mois et le processus est aujourd'hui quasi irréversible. Opérationnels déjà à partir de 1994, sous forme de petites cellules de collecte d'informations, les GLD voient le jour par petites touches, à mesure que le terrorisme prenait de l'ampleur, avant d'être officiellement institués sous le nom de «Groupe de légitime défense» (GLD), avec des reportages publicitaires lancés par la Télévision algérienne sous le titre de «Ridjal wakifoune» (hommes debout) et «Patriotes», appellation transformée par la suite en GLD par le général de corps d'armée, Mohamed Lamari. Largement dérouté par le nombre exceptionnel d'islamistes en armes (estimés à 29 000 en 1996), l'état-major de l'armée crée les GLD dans le double objectif de faire pièce aux maquis islamistes en zones rurales et de disposer d'hommes «opérationnels» sur place. Les patriotes disposaient aussi d'un atout majeur: ils connaissaient les maquis et les villages dont ils sont issus, et maîtrisaient parfaitement la topologie des zones à protéger. Très vite, les patriotes deviennent les nouvelles «stars» de la guerre qui faisait rage. Trois grands groupes sont créés â Lakhdaria, Relizane et Chlef et dirigés par respectivement Zidane El Mekhfï, Hadj Ferguène et Zitoufi. Le premier, notamment, disposait d'une véritable armada, un bataillon en mouvement qui obtient très rapidement des résultats spectaculaires. En outre, il protége le passage des longs gazoducs qui passent du Sud algérien vers le littoral nord-est en passant par Bouira, région fortement affectée par les maquis terroristes. Petit à petit, naquirent les «seigneurs de la guerre», nom donné aux grands chefs des GLD, qui, tout en obtenant de plus en plus de résultats encourageants sur le terrain, élargissaient leur champ de bataille, et, par extension, participaient aux premières dérives. C'est en 1999 seulement qu'on commençait à comprendre les mécanismes de l'engrenage de la violence, et les GLD, à leur corps défendant, figuraient en bonne place dans ces mécanismes: connaissant les terroristes un à un, ils faisaient très souvent des incursions dans leurs demeures familiales, cherchant une information par-ci, obtenant un aveu par-là, utilisant la force s'il le faut. La riposte du terroriste ciblait souvent la famille du GLD, lequel se rabattait de manière délibérée et revancharde sur les proches du terroriste. En plus, les villages qui possédaient leurs propres GLD étaient devenus des cibles privilégiées pour les groupes armés. Ceux-ci, en prenant pour cible un GLD, couraient derrière le double but d'éliminer un adversaire paramilitaire et de récupérer son arme qui était utilisée pour tuer encore d'autres GLD. L'engrenage de la violence a très souvent pris des contours de vendetta, terroristes et patriotes jouant à leur insu, une «ronde barbare». Payés entre 7000 et 11.000DA, ils étaient entre 50.000 et 100.000 fin 1998, à veiller sur les villages, hameaux et campagnes.