L'effort de paix consenti par le président de la République exige de faire l'économie de ces anciens «sous-traitants de la guerre», qui seront pris en charge par l'Etat. A la faveur de la réconciliation nationale et de la volonté des autorités d'aller rapidement vers une paix négociée, on croyait les GLD (Groupe de légitime défense) finis. Finalement, ils sont encore là, tout comme ceux qu'ils ont toujours combattus et qui ont été à l'origine de leur création: les groupes armés. Le fait nouveau est que ce corps paramilitaire bouge, et à la faveur des prochaines échéances électorales. A l'approche des élections de 2007, les enjeux liés à cette échéance deviennent de plus en plus perceptibles. Les GLD qu' on avait enterrés à la faveur de la réconciliation nationale, reviennent et deviennent un sujet d'actualité. D'abord, en constituant leur propre organisation nationale, ensuite en se démarquant de tous «les enjeux politiques et électoralistes», et enfin, en sollicitant directement le président de la République pour la prise en charge de leurs doléances. Ce à quoi répond Driss Zitoufi, responsable des GLD de chlef par ses mots: «Les GLD sont à 90% des militants RND. Il y a quelques jours, Abdelmalek Adouka, le président de l'Organisation nationale pour la défense des GLD, avait vivement critiqué la réunion parallèle qui s'était tenue à Bouira, affirmant que cette commission interwilayas, qui regroupait notamment les GLD de Bouira, Béjaïa et Bordj Bou Arréridj, sentait la manipulation à la veille des prochaines élections». Une source proche du ministère de l'Intérieur précisait récemment que «la présence des GLD est encore exigée et les éléments des groupes en activité dans les ´´zones grises´´ restent encore opérationnels» et que «leur dissolution totale n'est pas à l'ordre du jour, et le jour où le terrorisme aura complètement disparu des zones rurales, alors on pourra parler de la fin des GLD». Voilà donc, les «patriotes» qui bénéficient d'une période de grâce malgré les informations faisant état de leur désintégration définitive, à la faveur des nouvelles donnes, notamment des options de la réconciliation nationale. Lancé par le président de la République, il y a quelques mois, lors de son périple à Béchar, en pleine campagne pour son projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale, et confirmé par l'ancien chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, lors d'un point de presse avec les directeurs des médias, le démantèlement des GLD est mis en marche depuis des mois et le processus est aujourd'hui quasi irréversible, bien que sans cesse stoppé par la récurrence des actes de violence liés au terrorisme. Opérationnels déjà à partir de 1994, sous forme de petites cellules de collecte d'informations, les GLD voient le jour par petites touches, à mesure que le terrorisme prenait de l'ampleur, avant d'être officiellement institués sous le nom de Groupe de légitime défense (GLD), avec des reportages publicitaires lancés par la Télévision algérienne sous le titre de Ridjal wakifoune (hommes debouts) et «Patriotes», appellation transformée par la suite en GLD par le général de corps d'armée, Mohamed Lamari. Largement dérouté par le nombre exceptionnel d'islamistes en armes (estimés à 29.000 en 1996), l'état-major de l'armée crée les GLD dans le double objectif de faire pièce aux maquis islamistes en zones rurales et de disposer d'hommes «opérationnels» sur place. Les patriotes disposaient aussi d'un atout majeur: ils connaissaient les maquis et les villages dont ils sont issus, et maîtrisaient parfaitement la topologie des zones à protéger. Très vite, les patriotes deviennent les nouvelles «stars» de la guerre qui faisait rage. Trois mégamilices sont créées à Lakhdaria, Relizane et Chlef et dirigées par respectivement Zidane El Mekhfi, Hadj Ferguène et Zitoufi. Le premier, notamment, disposait d'une véritable armada, un bataillon en mouvement qui obtient très rapidement des résultats spectaculaires. En outre, il protège le passage des longs gazoducs qui passent du sud algérien vers le littoral nord-est en passant par Bouira, région fortement affectée par les maquis terroristes. Zitoufi bénéficiait au plus fort du conflit de prés de 3000 membres de GLD Petit à petit, naquirent les «seigneurs de la guerre», nom donné aux grands chefs des GLD, qui, tout en obtenant de plus en plus de résultats encourageants sur le terrain, élargissaient leur champ de bataille, et, par extension, commettaient leurs premières dérives. Payés entre 7000 et 11.000DA, ils étaient entre 80.000 et 100.000 fin 1998 à veiller sur les villages, hameaux et campagnes. Eloignés des centres urbains, ils étaient comme coupés du monde. L'isolement permettait à certains de s'adonner aux mêmes vices et délits que perpétraient les terroristes. La petite rémunération permettait aux plus démunis de vivre et de faire vivre leurs familles, mais les armes donnaient une assurance excessive à certains, une prétention outrancière aux plus forts d'entre eux. L'effort de paix consenti par le président de la République exige de faire l'économie de ces anciens «sous-traitants de la guerre», qui seront pris en charge par l'Etat après leur fin de mission, intégrés dans d'au-tres secteurs, dans des sociétés de gardiennage, ou autres entreprises de sécurité. La lente désintégration des GLD est résumée dans ce cri des groupes de Hassi Bounif d'Oran qui interpellent les autorités dans un communiqué daté du 17 décembre: «Nous sommes des GLD de Hassi Bounif et nous n'avons pas perçu nos salaires depuis 1997».