«Les GLD seront définitivement dissous et peut-être intégrés dans d'autres secteurs le jour où la violence terroriste fera partie du passé.» Selon une source proche du ministère de l'Intérieur «la présence des GLD est encore exigée et les éléments des groupes en activité dans les ´´zones grises´´ restent encore opérationnels. Leur dissolution totale n'est pas à l'ordre du jour, et le jour où le terrorisme aura complètement disparu des zones rurales, alors on pourra parler de la fin des GLD». Voilà donc, les «patriotes» qui bénéficient d'une période de grâce malgré les informations faisant état de leur désintégration définitive, à la faveur des nouvelles donnes, notamment des options de la réconciliation nationale. L'effort de paix consenti par le président de la République exige de faire l'économie de ces anciens «sous-traitants de la guerre», qui seront pris en charge par l'Etat après leur fin de mission, intégrés dans d'autres secteurs, dans des sociétés de gardiennage, ou autres entreprises de sécurité. Ce souhait de la part des autorités de les « caser » quelque part, incarne, à lui tout seul, le long cycle de désagrégation de ces «gérants de la guerre», qui, même si on fait semblant de rien, sont devenus un lourd fardeau pour les autorités. Lancé par le président de la République, il y a quelques mois, lors de son périple à Béchar, en pleine campagne pour son projet de Charte pour la paix et la réconciliation nationale, et confirmé par le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, lors d'un point de presse avec les directeurs des médias, quelques jours après, le démantèlement des GLD est mis en marche depuis des mois et le processus est aujourd'hui quasi irréversible. Opérationnels déjà à partir de 1994, sous forme de petites cellules de collecte d'informations, les GLD voient le jour par petites touches, à mesure que le terrorisme prenait de l'ampleur, avant d'être officiellement institués sous le nom de «Groupe de légitime défense» (GLD), avec des reportages publicitaires lancés par la télévision algérienne sous le titre de «Ridjal wakifoune» (hommes debout) et «Patriotes», appellation transformée par la suite en GLD par le général de corps d'armée, Mohamed Lamari. Largement dérouté par le nombre exceptionnel d'islamistes en armes (estimés à 29.000 en 1996), l'état-major de l'armée crée les GLD dans le double objectif de faire pièce aux maquis islamistes en zones rurales et de disposer d'hommes «opérationnels» sur place. Les patriotes disposaient aussi d'un atout majeur : ils connaissaient les maquis et les villages dont ils sont issus, et maîtrisaient parfaitement la topologie des zones à protéger. Très vite, les patriotes deviennent les nouvelles «stars» de la guerre qui faisait rage. Trois mégamilices sont créées à Lakhdaria, Relizane et Chlef et dirigées par respectivement Zidane El Mekhfi, Hadj Ferguène et Zitoufi. Le premier, notamment, disposait d'une véritable armada, un bataillon en mouvement qui obtient très rapidement des résultats spectaculaires. En outre, il protège le passage des longs gazoducs qui passent du Sud algérien vers le littoral nord-est en passant par Bouira, région fortement affectée par les maquis terroristes. Petit à petit, naquirent les «seigneurs de la guerre», nom donné aux grands chefs des GLD, qui, tout en obtenant de plus en plus de résultats encourageants sur le terrain, élargissaient leur champ de bataille, et, par extension, commettaient leurs premières dérives. C'est en 1999 seulement qu'on commençait à comprendre les mécanismes de l'engrenage de la violence, et les GLD, à leur corps défendant, figuraient en bonne place dans ces mécanismes: connaissant les terroristes un à un, ils faisaient très souvent des incursions dans leurs demeures familiales, cherchant une information par-ci, obtenant un aveu par-là, utilisant la force s'il le faut. La riposte du terroriste ciblait souvent la famille du GLD lequel se rabattait de manière délibérée et revancharde sur les proches du terroriste. En plus, les villages qui possédaient leurs propres GLD étaient devenus des cibles privilégiées pour les groupes armés. Ceux-ci, en prenant pour cible un GLD, couraient derrière le double but d'éliminer un adversaire paramilitaire et de récupérer son arme qui était utilisée pour tuer encore d'autres GLD. L'engrenage de la violence a très souvent pris des contours de vendetta, terroristes et patriotes jouant à leur insu, une «ronde barbare». Payés entre 7000 et 11.000 DA, ils étaient entre 80.000 et 100.000 fin 1998 à veiller sur les villages, hameaux et campagnes. Eloignés des centres urbains, ils étaient comme coupés du monde. L'isolement permettait à certains de s'adonner aux mêmes vices et délits que perpétraient les terroristes. La petite rémunération permettait aux plus démunis de vivre et de faire vivre leurs familles, mais les armes donnaient une assurance excessive à certains, une prétention outrancière aux plus freluquets d'entre eux. A partir de 2000, la presse commençait à publier des articles de presse qui mettaient en cause des GLD, avant que l'état-major de l'armée ne commence à sanctionner les coupables et remettre des PV dûment établis aux juges d'instruction et à la Gendarmerie nationale pour enquête ou arrestation immédiate. Mais attention: les GLD ont aussi joué un rôle majeur dans celui de circonscrire le terrorisme en zone rurale. Grâce à des patrouilles, des rondes, des méthodes de surveillance de jour comme de nuit, ils ont pu faire pièce aux GIA et réduire leurs mouvements et leur aptitude à frapper à n'importe quel moment de la journée. Beaucoup de patriotes ont combattu durant des années sans contrepartie financière, n'ont jamais pris un dinar, ni usé de leurs armes dans le mauvais côté. Une des premières cellules de GLD d'Alger avait commencé à fonctionner en 1994 sous forme de groupe informel chargé de la collecte d'informations auprès de la police judiciaire, bien avant la création des Bmpj.