C'est aujourd'hui que le Président américain prendra connaissance du rapport d'experts sur la guerre en Irak. Bien entendu avec une vision strictement américaine, car il traitera de la présence US dans ce pays, mais en ce qui concerne l'Irak et ses populations confrontées à une situation que le secrétaire général de l'ONU qualifie de pire qu'une guerre civile. Comment en effet en parler si, chaque jour, il faille compter les morts, les identifier et constater le terrifiant état des lieux de la coexistence entre les communautés. En ce sens, au moins 29 personnes ont péri hier dans une vague d'attentats anti-chiites à Baghdad, en proie à une escalade des violences confessionnelles, alors qu'un haut responsable chiite, Abdel Aziz Hakim a demandé aux Etats-Unis davantage d'armes pour combattre le terrorisme. Pour sa part, le Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, un chiite également, a rejeté à son tour l'idée d'une conférence de paix internationale sur l'Irak avancée par le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, emboîtant le pas au président Jalal Talabani et à M. Hakim. Les violences confessionnelles chiites et sunnites en Irak ont pris le pas sur les affrontements opposant les insurgés aux forces de sécurité irakiennes et américaines, et plus de 13 000 civils ont été tués en Irak en quatre mois, entre juillet et octobre, selon les Nations unies. Ces violences se sont multipliées depuis un attentat contre un mausolée chiite dans la ville sunnite de Samarra, au nord de Baghdad, en février. Parallèlement à Washington, le chef du principal parti chiite d'Irak, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), Abdel Aziz Hakim, s'est déclaré lundi soir opposé à un retrait immédiat des troupes américaines à l'issue d'un entretien avec la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice. Le gouvernement irakien « a demandé aux troupes américaines de rester en Irak, tout en donnant davantage de responsabilités aux responsables et forces irakiens qui doivent être en mesure de résoudre les problèmes de terrorisme », a dit M. Hakim. La rencontre entre M. Hakim et le président américain survient quatre jours après les discussions que George W. Bush a eues à Amman avec le Premier ministre irakien, le chiite Nouri Al Maliki, qualifiées de « provocation » par les proches du chef radical chiite Moqtada Sadr, qui ont cessé de soutenir le gouvernement. Parallèlement à ces tractations, un dirigeant sunnite irakien a annoncé la création prochaine d'un Front national pour sauver l'Irak. « Nous mettons actuellement la dernière touche à un accord presque définitif sur la création de ce Front, auquel nous sommes parvenus après plusieurs mois de travail en coopération avec nos frères des autres formations politiques », a dit Saleh Motlak, président du Front irakien pour le dialogue national (11 élus au Parlement). « Ce Front va exclure le CSRII et une partie du Dawa (parti chiite auquel appartient le Premier ministre Nouri Maliki) ainsi que les deux (principaux) partis kurdes », le Parti démocratique du Kurdistan que dirige Massoud Barzani et l'Union patriotique du Kurdistan du président Talabani. « Le Front va exclure tous ceux qui cherchent à diviser l'Irak et les (groupes) confessionnels et accueillir quiconque veut l'unité de l'Irak », a ajouté M. Motlak. Le dirigeant sunnite a souligné que ce Front aura pour objectif de « changer le processus politique dans le pays, alors que le gouvernement est désormais incapable de le gérer ». « La situation en Irak est devenue désastreuse et les partis religieux et confessionnels ne peuvent pas mener le pays », a-t-il remarqué, estimant que l'Irak doit être dirigé par « des centristes, des libéraux et des patriotes ». Il a par ailleurs salué la proposition du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, de tenir une conférence internationale de paix sur l'Irak qui réunirait toutes les factions irakiennes, une initiative rejetée par le président Talabani et Abdel Aziz Hakim. Un autre leader, une autre vision, celle du secrétaire général du Comité des oulémas musulmans, Hareth Dhari pour qui « les Etats arabes et la communauté internationale se doivent d'agir avec sérieux pour sauver l'Irak de la catastrophe qu'il vit ». Cheikh Dhari s'en est pris au gouvernement Nouri Maliki qui « a amené tout le mal dont souffre l'Irak ». Il a aussi dénoncé, sans les nommer, « des parties régionales dont les intérêts se recoupent avec ceux de l'occupation » et qui, selon lui, sont aussi responsables de « la destruction de l'Irak ». Autant dire que les dirigeants irakiens sont d'accord sur tout, c'est-à-dire que l'Irak est en danger, sauf sur l'essentiel, ou comment en sortir. C'est aussi le dilemme auquel fait face le président Bush qui doit prendre connaissance aujourd'hui des recommandations de la commission d'experts dont la composition est un parfait dosage – républicains-démocrates. Ce qui ouvre la voie à un accord pour un compromis. Mais que deviendra l'Irak ?