La lente désagrégation des Groupes de légitime défense remet ce corps paramilitaire de la lutte antiterroriste au centre d'enjeux politiques. Hadj Driss Zitoufi fait partie des plus anciens chefs des Groupes de légitime défense (GLD) et se vante aujourd'hui d'avoir complètement «nettoyé» la région de Chlef des groupes terroristes qui l'infestaient de façon particulière. Député RND terminant son deuxième mandat, il présente le profil parfait de ces anciens «seigneurs de la guerre» recyclés en politique. Le point sur les GLD, les courants qui les traversent et les enjeux qui les guettent avec cet enfant de Béni Hawa devenu chef d'une des plus importantes milices d'Algérie et, un peu malgré lui. Le corps GLD bouge ces dernières semaines. Des scissions ont été signalées dans les wilayas du Centre. Est-ce relatif aux prochaines échéances électorales? Comme vous, j'ai lu dans la presse que des groupes de GLD des trois wilayas du Centre, Blida, Bouira et Béjaïa, ont fait une réunion pour créer une association. Je ne sais pas à quoi cela rime, et chacun est libre de faire des actions, mais je dois vous dire que la loi interdit aux GLD de faire de la politique dans des associations créées à des fins politiques. Mais vous-même vous êtes devenu député RND et vous faites de la politique... Oui, bien sûr, sauf que moi je fais partie d'un parti politique, le RND, en l'occurrence, qui existe, qui est là. Nous avons été politisés avant la création du RND, nous existions avant le RND. Ce n'est pas la même chose. Je parle de la constitution d'association dans un corps militaire, ou paramilitaire, cela est interdit par la loi. On ne peut pas faire de la politique avec des armes, sinon même la police ou la Gendarmerie connaîtraient le même sort. Il y a aujourd'hui des enjeux politiques et tout le monde dans les GLD, pressentant la fin de ce corps, tente de se recycler dans des partis. C'est légitime, non? Justement, non. Je vais vous faire un aveu: 30% des GLD sont des militants RND, et personne ne pourra les faire détourner de leur parti. Les GLD existaient avant la création du parti, et lorsque le RND a été créé, en 1997, tout le monde y a adhéré de son plein gré et avec la force de la conviction qui le caractérisait à l'époque. Donc tous ceux qu'on présentait sous le qualificatif de «patriotes» et qui sont devenus GLD, étaient en fait des militants RND? Je vous disais que nous prééxistions au RND, avant 1997, il y avait nous et les anciens moudjahidine qui ont repris les armes pour contrer le terrorisme dans la région de Ténès, Oued Romane et Chlef. A la création du RND, les GLD se sont un peu reconnus dans ce parti, d'ou l'appellation Rassemblement national. Vous étiez GLD dans la région de Oued Romane... Oui, mais attention, ce Oued Romane va de Ténès à Mostaganem. C'est une suite d'oueds et de massifs forestiers interminables, quelque chose comme 1200km². C'est un vaste espace qui offrait des caches inexpugnables pour des milliers de terroristes... Où en êtes-vous aujourd'hui? On en est à «zéro terroriste» dans la région de Chlef. Voilà où on en est. Mais il y a eu des actes de violence liés au terrorisme dans la région ces derniers mois... Non, pas dans Chlef, peut-être à Aïn Defla ou à l'extrême ouest, à partir de Relizane. A Chlef, je vous le dis, nous n'avons plus de terroristes. C'est fini, nous avons tout nettoyé. Jusqu'au dernier. Le terrorisme est vaincu. Définitivement. Vous parlez certainement du GIA. Aujourd'hui on est entré dans une nouvelle phase avec le Gspc, et ce groupe paraît plus dangereux encore... Non, non, le terrorisme est vaincu, je vous le dis. Même ce Gspc ne peut plus faire face aux forces de sécurité. Evidemment, des actions seront encore menées çà et là, mais la République n'est plus en danger. Le terrorisme s'est déplacé en Kabylie, à l'Est et au Sud, des régions éloignées de Chlef. Pourquoi, par exemple en Kabylie, les GLD n'ont pas eu les mêmes résultats que vous à Chlef? Je ne sais pas, il faut demander cela aux GLD de la Kabylie. La base de la réussite de la lutte contre le terrorisme est l'information. Pour cela, il faut travailler avec le petit peuple et gagner sa sympathie. Sans cela, c'est l'échec. en Kabylie qui a bénéficié de gros effectifs de GLD, il y a aussi à prendre en compte la spécificité de la région. Il y existe beaucoup de complicités, beaucoup de groupes de soutien, le crime organisé, les enjeux politiques, le grand banditisme, et puis il y a aussi des intérêts, et des personnes qui y ont intérêt, souhaitent que les choses restent en l'état. Nous avons entendu dire que vous êtes aussi responsable de la commission des droits de l'homme au RND. N'est-ce pas là du cynisme poussé à l'extrême de faire d'un chef d'un méga -GLD de 3000 hommes armés, donc impliqué dans le conflit civil, un porte-parole des droits de l'homme? D'abord, ce n'est pas une commission, mais une Association nationale pour la promotion de la citoyenneté et des droits de l'homme. Ensuite, cette association se situe hors cadre du RND. C'est une association qui milite pour le droit des patriotes et des GLD. J'ai déjà installé 38 bureaux de wilaya et je compte arriver à installer un bureau de l'association dans chaque commune. Vous militez uniquement pour les droits des GLD? Est-ce là uniquement votre objectif? Non, non, pas du tout, l'objectif de l'association est surtout de contrôler les dépassements, y compris la corruption, les dépassements de ou sur les GLD. Comment avez-vous réagi face aux dépassements des GLD durant les années de feu? Toutes les structures armées du monde connaissent des dépassements durant les périodes de conflits... Evidemment. Mais vous, comment avez-vous réagi face aux dépassements de vos GLD? Ecoutez, au plus fort de la lutte antiterroriste, j'avais jusqu'à 3000 GLD sous mon commandement. Nous avons désarmé ceux qui ont été les auteurs de dépassements. Je vais vous relater un fait, édifiant à plus d'un titre. Un patriote qui avait une femme qu'il soupçonnait d'être alliée à un groupe aux maquis, avait été condamné à quatorze ans de prison. Aujourd'hui, il a quitté la prison et son état de santé est désespéré. Pourtant, il s'agit d'un GLD réputé, et qui avait, un jour, à Heranfa, abattu treize terroristes qui étaient dans une voiture bâchée. C'était un baroudeur, et il a été sévèrement, trop sévèrement condamné.