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L'économie américaine se porte bien
LE DOLLAR CHUTE MAIS...
Publié dans L'Expression le 09 - 01 - 2007

Pour l'Algérie rien ne peut remplacer une création de richesse pérenne hors hydrocarbures.
Il est, pour le moins, curieux de constater que les faiseurs d'opinion -la presse mainstream- dans les pays industrialisés nous présentent l'avenir économique de la planète en 2007 comme étant de plus en plus détendu et que la mondialisation suit son cours, que les entreprises renouent avec la croissance et que les actionnaires s'en mettent plein les poches. Qu'en est-il réellement de cette mondialisation que l'on nous présente comme une fatalité? Qu'en est-il de la croissance et de la santé du dollar au chevet duquel tout le monde se penche sauf les Etats-Unis qui le laissent dériver, favorisant ainsi les exportations au détriment des Européens et des Japonais.
Qu'est-ce que la mondialisation?
Ecoutons la définition qu'en donne P. Barnevick, ancien président de la multinationale ABB: «Je définirais la mondialisation comme la liberté pour mon groupe d'investir où il veut, le temps qu'il veut, pour produire ce qu'il veut, en s'approvisionnant et en vendant où il veut, et en ayant à supporter le moins de contraintes possibles en matière de droit du travail et de conventions sociales.» Tout est dit. La mondialisation, c'est la liberté -au nom du libre-échange- du renard - les socités multinationales- dans le poulailler, c'est-à-dire, en définitive, les pays vulnérables que sont les pays en développement. Avec la mondialisation, les 100 sociétés qui gouvernent le monde n'ont pas de territoire, encore moins de drapeaux et d'armées.
Que devons-nous faire, alors, dans un monde où 358 milliardaires détiennent davantage de richesse que près de la moitié de la population de la planète? Que peut-on faire dans un monde où la fortune de 6 milliardaires est plus importante que celle de 1,2 milliard de personnes? Est-ce éthique que le Mozambique, où un quart des enfants y meurent de maladies infectieuses avant l'âge de cinq ans, consacre deux fois plus d'argent au remboursement de sa dette qu'aux dépenses de santé et d'éducation? Est-il éthique que le revenu journalier d'un Suisse est égal au revenu moyen annuel d'un Africain? En termes de chiffre d'affaires et de bénéfices, les deux cents mégafirmes sont réparties géographiquement dans les mêmes six pays que les cinquante premières en termes de capitalisation boursière: Etats-Unis (74), Japon (41), Allemagne (23), France (19), Royaume- Uni (13) et Suisse (6). Ensemble, ces pays détiennent 88% du total des firmes, en gagnant constamment du terrain depuis six ans.(1).
Illustration de cette mondialisation-laminoir, des articles dans la presse d'une partialité à toute épreuve en nous présentant le monde comme un long fleuve tranquille sans détresse, du fait que l'on ne regarde que du côté des pays industrialisés. Ainsi, dans un article publié par Le Monde on apprend que tout va pour le mieux et que cette année 2007 sera rose. Le ciel est bleu sur l'économie mondiale. La planète jouit d'un cycle estival partiellement agréable et long malgré des déséquilibres qui, selon les théories économiques, devraient normalement détraquer la machine, comme le déficit commercial américain, ou la ralentir fortement, comme la flambée des cours du pétrole. Ambiance «Belle Epoque» que ce début de siècle, où tout devrait aller mal et où tout -ou presque- va bien. Croissance mondiale forte, et même de plus en plus forte, inflation réveillée mais contenue et répartition équitable des richesses: le monde sous-développé galope pour rattraper le monde industriel: +7% en 2006 pour le premier groupe et +3,1% pour le second, selon les calculs de la Banque mondiale. Qui peut trouver motif à s'en plaindre? (2)
Comme les Etats-Unis aspirent goulûment toute l'épargne mondiale (900 milliards de dollars de déficit courant) et que les flux de capitaux vont à l'envers, du Sud au Nord, les Cassandre prévoyaient «une rupture de ce régime de croissance déséquilibrée» et un plongeon dans le précipice. Krach du dollar, récession américaine, contagion généralisée, etc. L'année 2005 leur avait donné tort. Rien de tel ne s'est passé. L'année 2006 leur donne une deuxième fois tort: le dollar recule doucement, la croissance américaine est descendue (vers les 2,5% en 2007), mais elle repartira ensuite et, entre-temps, l'Europe et le Japon ont pris le relais de façon un peu inattendue, mais sérieuse...L'économie mondiale s'intègre à un rythme sans précédent en englobant une proportion inédite des populations: «Le PIB mondial a doublé depuis 1980, 450 millions de personnes sont sorties de la pauvreté.» Les avancées technologiques et la mondialisation, moteurs fondamentaux du mouvement, devraient même permettre une légère accélération dans les années à venir, le PIB doublant à nouveau d'ici à 2030. Pour 2007, donc, les prévisionnistes sont confiants: la correction américaine sous contrôle devrait se poursuivre, Chine et Inde devraient ronfler à nouveau, l'Europe devrait ralentir un peu mais rester «à son potentiel» de vieille dame, à 2% environ.
On comprend que dans ces conditions, les entreprises aient le sourire. On comprend aussi pourquoi les citoyens ont du mouron à se faire, désormais, ils n'auront de droits que ceux qu'ils pourront acquérir au titre de consommateurs. Bienvenue dans le XXIe siècle. Des gens qui ne créent aucune valeur ajoutée gagnent de l'argent uniquement parce qu'ils sont «proches de l'argent» et, qu'en effet, ils en font gagner à leur entreprise (mais pas à la société!). En général pour du vent. Tout le contraire des entrepreneurs qui créent de la richesse
Eric Le Boucher décidemment visionnaire, énumère les grains de sable qui peuvent bloquer la «machine», il appelle -doux euphémisme- cela des risques. Les «risques»qui bouleverseraient ce scénario rose ne sont pas du côté économique. Les menaces sont surtout ailleurs, à moyen terme. Nommons-en trois: La situation géopolitique: Irak, Iran, Liban, Moyen-Orient...L'économie mondiale a digéré une montée du baril à 70 dollars sans hoquet. La consommation de brut par point de PIB a baissé, elle s'est, en partie, immunisée. Mais son indifférence est à sa limite. Une nouvelle flambée serait beaucoup plus dommageable. Avec ces trois phrases il expédie toute la détresse actuelle du monde arabe et musulman et les désigne comme des «empêcheurs de voler en rond»
Il diabolise, au passage, la Russie pour son patriotisme gazier qu'il appelle nationalisme:
«Parce qu'enfin ce nationalisme toléré va en justifier d'autres, ailleurs, en Europe même, chez nous, et que le nationalisme est la grande menace contre la croissance mondiale. Enfin, pour lui, il faut qu'à Doha, le rouleau compresseur de la mondialisation se remette en marche.» «Doha, justement. Les négociations commerciales multilatérales sont en échec. Un abandon en 2007 marquerait la fin de la globalisation, telle qu'elle se déroulait.» C'est-à-dire qu'Eric Le Boucher ne veut surtout pas d'une nouvelle vision de la mondialisation que s'égosillent à présenter les altermondialistes. Il confond «pauvreté» et «misère».
La pauvreté se voit dans les chiffres, pas la misère. Le monde ne se résume pas à l'oligarchie de la finance et à ses valets Tout-va-bien. Sauf que dans chaque pays, se met en place une différence de conditions économique et sociale entre les classes, aussi grande qu'entre pays riches et pays pauvres, il y a quarante ans. Quand on déclare que «450 millions de personnes dans le monde sont sorties de la pauvreté» (en 26 ans), ne devrait-on pas avoir la décence de dire aussi, combien de personnes y sont tombées? L'appauvrissement, partout, est criant L'économie des pays émergents va mieux mais les déclassements de nombreuses catégories,inimaginables.
Un autre «risque» économique vient du dollar. Il s'effrite, nous sommes actuellement à moins de 0,8 euro/dollar. Peut-il déraper? Personne ne peut savoir. Il semble pourtant que l'effritement du dollar est programmé. «Au moment même, écrit Jérôme R. Corsi, où les marchés financiers battent de nouveaux records presque chaque jour, la Federal Réserve et le Département du Trésor américain sont tranquillement en train de coordonner la dévaluation du dollar que l'administration Bush espère être un lent déclin plutôt qu'un effondrement du dollar. Cette semaine, démarche inhabituelle, l'administration Bush envoie virtuellement le gratin de son équipe économique en visite en Chine pour un ´´dialogue économique stratégique´´ à Pékin les 14 et 15 décembre 2006»(3).
«L'administration Bush veut obtenir la coopération de la Chine pour empêcher l'effondrement du dollar». C'est la conclusion de John Williams, un expert en économétrie, qui écrit dans le blog «Shadow Government Statistics» [Statistiques du Gouvernement de l'Ombre]. Williams a recréé l'indice M3, un indicateur de la fourniture d'argent valeur duquel la Federal Reserve a simplement stoppé la publication après avoir effectué une annonce techniquement rédigée en mars 2006. Williams rapporte que l'indicateur M3 est actuellement en train de croître à un taux proche de 9,6% et a une tendance haussière, comparé au taux de 8% en début de cette année, au moment où la Fed a cessé de publier l'indicateur. «La Fed est en train d'injecter des liquidités dans l'économie», a dit Williams à WorldNetDaily (WND) et la Fed ne voulait évidemment pas que les marchés suivent de trop près ce qu'elle était en train de faire avec la fourniture d'argent.
La Chine détient aujourd'hui un niveau historique sans précédent de mille milliards de réserves de change. Pendant les vacances de Thanksgiving,(novembre) une annonce par la Chine que sa banque centrale envisageait de diversifier ses réserves de change en s'éloignant du dollar provoqua une chute de sa valeur sur les marchés internationaux des changes. Depuis lors, le dollar a touché son plus bas depuis 20 mois, face à l'euro. «Les banquiers centraux du monde entier savent qu'ils vont prendre un grand coup sur leurs réserves en dollar. Aucun des banquiers centraux ne veut déclencher une panique sur le dollar, mais aucun de ces banquiers centraux ne veut être le dernier à sortir du dollar, non plus.» La Federal Reserve est dans une impasse. «Augmenter les taux d'intérêts tuerait toute chance d'échapper à une récession, mais pour ce qui concerne le dollar, on ne pourra pas augmenter les taux assez vite quand le dollar commencera à glisser rapidement». (3)
«Je crois, écrit l'économiste John William, que nous allons avoir un effondrement du dollar, mais la Fed va faire de son mieux pour ralentir le déclin en valeur du dollar, de sorte que cela prenne un an ou deux pour que la valeur du dollar atteigne son plus bas.» Williams a expliqué le risque d'effondrement que le dollar encourt: «Il y aura une banque centrale, probablement en Asie, qui commencera le mouvement d'éloignement du dollar et quand ça va arriver, vous allez voir les autres banques centrales essayer secrètement de suivre. Le mouvement va s'amplifier très rapidement et pourrait se transformer en vraie panique conduisant à l'effondrement du dollar.» La Fed est en train de se battre en ce moment pour contenir l'inflation et stimuler la croissance économique. Tout ce que la Fed est en train de faire actuellement avec tous leurs changements politiques est de faire beaucoup de propagande et de manipulation des marchés pour essayer d'empêcher une panique financière. Des rapports récents ont montré que le Produit intérieur brut a ralenti de 1,6% au troisième trimestre 2006, le plus faible en plus de 3 ans. Le déclin du dollar va aider à combler le déficit commercial des US avec la Chine. La Fed est face à des circonstances impossibles avec les déficits du commerce et du budget réalisés par l'administration Bush et ils sont juste en train de jouer avec les marchés et le public en ne publiant pas le M3, la plus large mesure de fourniture d'argent et le meilleur indicateur que nous ayons de l'activité à long terme. L'indicateur M3 est la mesure la plus large de la quantité d'argent circulant dans l'économie, incluant les comptes courants et d'épargne, le cash, les dépôts à terme et les fonds des marchés monétaires.
Par ailleurs, alors que les PVD croulent sous la dette, on annonce des fusions tous azimuts. C'est une année record. Jamais autant d'opérations de fusions et d'acquisitions n'ont été initiées qu'en 2006. Selon les chiffres publiés le 20 décembre par Thomson Financial, qui comptabilise aussi bien les opérations en cours que celles qui ont été menées à terme, les fusions ont représenté, cette année plus de 3610 milliards de dollars (2736 milliards d'euros) dans le monde. Soit, 30% de plus qu'en 2005. Le dernier record remontait à l'année 2000 (3400 milliards de dollars). Juste avant que la bulle éclate. Le constat peut inquiéter. Mais les experts l'assurent. Cette fois, les fondamentaux sont meilleurs. De fait, le niveau d'endettement des entreprises est moins élevé.(4).
Le record de 2006, qui représente la quatrième année consécutive de croissance des opérations de fusions et acquisitions dans le monde, s'explique d'abord par l'excellente santé financière des entreprises. Le dynamisme des fonds d'investissement participe également de ces chiffres records. I17% en Europe et un peu plus aux Etats-Unis. C'est aux Etats-Unis que la plus grande part des achats (1474 milliards de dollars) -plus de 40%- ont été faits. Mais l'Europe n'en a pas moins affiché un véritable dynamisme. Le Vieux Continent a fourni, en 2006, 37,8% des entreprises qui ont changé de mains (pour 1363 milliards de dollars). Un record, également. Le Royaume-Uni (339 milliards de dollars) y a été le plus convoité, devant l'Espagne (175 milliards), la France (147 milliards) et l'Allemagne (131 milliards). En 2005, l'annonce d'une offre publique d'achat (OPA) hostile du groupe pétrolier public chinois, Cnooc (Chinese national offshore oil company) sur la septième compagnie pétrolière américaine, Unocal, avait soulevé un tollé aux Etats-Unis qui ont refusé, au nom du patriotisme économique, d'accepter cette opération. La riposte avait été rapide et efficace: deux mois plus tard, Chevron Texaco reprenait Unocal(4). La même opération a été faite en France pour sauver Gaz de France qu'on a marié de force avec Suez pour éviter qu'une société italienne ne mette le grappin dessus...
En définitive, la mondialisation dimensionnée à la taille des plus grands n'est pas une fatalité, nous devons nous battre intelligemment. L'Algérie qui vend avec un dollar qui s'effrite achète avec un euro de plus en plus fort devrait réfléchir à réduire ses pertes de pouvoir d'achat qui dépassent les 10%. Cependant, rien ne peut remplacer une création de richesse pérenne hors hydrocarbures. C'est le pari pour un réel avenir pour le pays.
1.Chems Eddine Chitour: La mondialisation et la formation des hommes. Conférence au 6e Congrès de la SAC. Université Ferhat-Abbas, Sétif 14-16 mai 2002
2.Eric Le Boucher. 2007: Comme un air de Belle Epoque...Le Monde du 23 12 2006
3.Jerome R. Corsi: «Le dollar U.S. confronté à un effondrement imminent?».
4.2006, année record pour les fusions acquisitions. Le Monde du 21 12 2006


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