La première phase est toujours décisive et révélatrice de ce qui viendra après. Cette vérité s'applique au déroulement du procès de l'affaire Khalifa dont les premières audiences permettent, déjà, de renseigner sur le plan de la forme et du contenu et dessinent les contours de ce méga-procès, très médiatisé. Ouvert lundi dernier, le procès Khalifa, qui a achevé sa première phase, donne déjà un aperçu exhaustif des témoignages, les accusations et les faits marquants, en entamant ce lundi sa deuxième phase dans un rythme endiablé et surchauffé. Les différents commentaires le qualifient de serein et de transparent. N'empêche qu'il est marqué parfois par des accrocs de procédure routinière et néanmoins importante sur le déroulement du procès entre magistrats très jaloux de leur prérogative à mener les débats «convenablement» et avocats de la défense soucieux de préserver leurs droits et ceux de leurs clients. Sentant la crispation et le climat électrique, aussi bien la présidente Mme Brahimi que le procureur général, interrompent les débats pour multiplier les petits mots et les déclarations tendant à calmer le jeu et à rassurer tels que «nul n'est au-dessus de la loi», «chaque accusé est innocent jusqu'à preuve du contraire». «Nous sommes là pour faire éclater la vérité». «Nous ne craignons que Dieu». «Nous voulons nous aussi aider les accusés» ou enfin, «Nous veillons à la transparence et au respect de l'instruction». Ces paroles sont reçues comme un baume, l'espace d'un temps, perceptible sur le visage des accusés. Toutefois, elles ne sont pas toujours bien appréciées par nombre d'avocats de la défense qui se sont précipités pour contrer ces offensives de charme dans un procès pas comme les autres. «Pour moi, il s'agit d'un procès comme j'en ai l'habitude de faire tous les jours et je fait en sorte que tout se déroule dans le respect de la loi», lance de temps à autre, la présidente du tribunal pour rappeler à l'ordre les intervenants à la barre. Cette petite observation, perçue comme une mise au point «gentille», a suscité la réaction des avocats de la défense dont certains ont vu une tentative de limiter ou d'orienter les débats. Mes Aït Larbi et Boulefred ont été les premiers à faire le point d'ordre en décelant là «des limites rouges qui leur sont fixées pour ne pas les dépasser», alors que Me Bouraou a exprimé une opinion différente de celle de la juge en lui rétorquant que ce n'était justement pas un procès comme les autres tant par sa complexité que par sa dimension. C'est une intervention lourde de signification obligeant la présidente à se rétracter pour apporter des clarifications et éviter d'envenimer les choses et calmer les esprits. Ce croisement de fer et ces échanges de politesses de circonstance, à la grande curiosité de l'assistance, d'apparence très corrects, mais au fond d'une férocité inégalée, soulignent bien que le procès du siècle aux enjeux terribles, entre bien dans sa phase active, très révélatrice. «On ne va pas à ce procès avec gaîté de coeur», indique un observateur averti.