Washington se plaint de l'inaction de l'ONU, peut-il en être autrement lorsque les superpuissances ont réduit le «machin», dixit De Gaulle, au rôle de faire-valoir? Quelle est la place des Nations unies dans la résolution des problèmes qui se posent, ou posent, à la communauté internationale? Très restreinte en vérité du fait que l'ONU ne peut agir, dans un sens ou dans l'autre, que par consensus de l'ensemble des membres du Conseil de sécurité, consensus conditionné particulièrement par l'accord des Etats détenteurs du droit de veto, droit qui, en fait, a enlevé toute prérogative et tout pouvoir d'action à l'ONU. L'invasion de l'Irak en mars 2003 par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne -deux membres permanents et influents du Conseil de sécurité- est la parfaite illustration de ce qu'est l'ONU en réalité, une organisation dont le pouvoir dépend uniquement du bon vouloir des cinq Etats permanents du Conseil de sécurité qui sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Chine et la Russie (ces deux pays étant ceux qui ont le moins usé de leur droit de veto lors des deux dernières décennies, par rapport, par exemple, aux USA qui l'ont brandi à plus de 50 reprises pour protéger Israël d'une condamnation du Conseil de sécurité). Pour dire que si des dossiers et conflits, à l'instar du contentieux israélo-palestiniens, vieux de 60 ans, n'ont pas trouvé leur solution, ce n'est pas faute de l'inaction de l'ONU mais bien plus au blocage dont elle est l'objet de la part des grandes puissance, singulièrement les Etats-Unis. Ceux-ci ont d'ailleurs rompu le consensus mondial en attaquant et en occupant l'Irak en 2003, ne prenant pas en compte les réserves de l'ONU et en ne laissant pas ses inspecteurs faire leur travail de recherche et d'identification des armes de destruction massive qui auraient été détenues par l'Irak. Or, la question du nucléaire iranien semble, aujourd'hui, être arrivée à un tournant quand Washington, s'impatientant et de plus en plus tenté d'agir en solitaire en suscitant une guerre contre l'Iran, semble déterminé à passer outre à l'opposition de la communauté internationale. Les dernières déclarations des plus hauts responsables de l'administration Bush sonnent ainsi comme une préparation de l'opinion publique internationale à une éventuelle attaque contre l'Iran. Dans une interview au New York Times, rendue publique samedi par le département d'Etat, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, avait indiqué: «Notre stratégie à l'égard de l'Iran a évolué pour s'attaquer aux problèmes graves que l'Iran provoque». Cette déclaration vient, quelques jours après les opérations menées par l'armée américaine à Erbil (Kurdistan irakien) et à Baghdad, lors desquelles six diplomates iraniens ont été arrêtés, opérations qui vont se poursuivre, affirmait Mme Rice dans l'avion qui l'emmenait samedi au Proche -Orient, indiquant: «Nous l'avons déjà fait une ou deux fois. Nous allons continuer à le faire». Mais ce sont surtout les propos du président Bush, prononcés mercredi et la décision de renforcer l'arsenal militaire américain dans le Golfe arabo-persique qui font aujourd'hui craindre le pire, Washington décidant, une fois de plus, de se passer du paravent de l'ONU pour passer à l'action et régler ses comptes avec l'Iran. La décision de Washington de renforcer son arsenal militaire dans le Golfe a ainsi suscité moult inquiétudes dans les milieux diplomatiques et politiques dans le monde, inquiétudes avivées par les propos de M.Bush, que les démentis de la Maison- Blanche et du Pentagone n'ont pas réussi à atténuer. En présentant son nouveau plan pour l'Irak, M.Bush avait, en effet, annoncé mercredi, le prochain déploiement dans la région de missiles antimissile Patriot pour défendre «les alliés» de Washington et soutenir la «stabilité» du Moyen-Orient. Ce qui n'a pas laissé d'alarmer, notamment les démocrates américains, qui craignent un nouveau dérapage américain dans la région après celui de l'Irak et la déstabilisation du pays qui s'en est suivie. La Maison-Blanche a cherché à rassurer l'opinion américaine dans une déclaration de son porte-parole, Tony Snow, qui a déclaré vendredi: «Je veux aborder une sorte de rumeur, de légende urbaine qui circule» indiquant «cela vient du langage employé par le président (George W.Bush) mercredi soir lors de son discours à la nation, au sujet de l'Iran et de la Syrie, et interprété comme s'il essayait de préparer une guerre et que des préparations étaient en cours. Elles ne le sont pas». «Cette idée que ce discours était précurseur d'une action militaire planifiée -une guerre planifiée contre l'Iran-, n'est pas fondée» a encore ajouté le porte-parole, sans pour autant convaincre, tant plus personne ne croit aux déclarations de l'administration Bush passée maîtresse dans le bluff et le faux-semblant. La crainte certes, est que l'ONU risque, une nouvelle fois, d'être court-circuitée par les Etats-Unis et le monde, encore une fois, mis face au fait accompli américain. Tout cela parce que l'ONU n'a aucun pouvoir de décision et/ou de rétorsion, qui serait alors contraint, encore une fois, une fois de trop, à prendre acte du désastre comme ce fut le cas avec l'Irak et l'invasion américano-britannique. Alors, quid de l'ONU et que nous réservent les prochains jours et semaines?