Il faisait beau temps, hier, à El-Alia, le cimetière où fut inhumé Ahmed Merah. La dépouille a quitté la maison familiale sise à Diar El-Afia vers treize- heures transité par la mosquée de Salembier avant de partir à El-Alia. Celui qui a joué plusieurs rôles dans sa vie, put, dans sa mort, réunir tous les contrastes. Il y avait aussi bien ses ex-compagnons de la folle épopée bouyaliste que, ses derniers amis des services de sécurité, les leaders du FIS et les officiers de police ou le service d'ordre de la gendarmerie.Dès que le corps fut inhumé, le cheikh Hachemi Sahnouni, l'une des figures de proue du parti dissous, a improvisé un prêche dans lequel il fut surtout question de mystique d'outre-tombe. Sans pompe ni cérémonie, la grande foule, disparate et bigarrée, se dispersa dans le calme et la communion. Ce fut là le dernier voyage de celui qui en a fait plusieurs. Sa tombe se referme, donc, sur lui en emportant à jamais bien des secrets. Les livres, qu'il avait écrits, avaient plus soulevé des interrogations qu'ils n'avaient éclairé de zones d'ombre. La fièvre, qui a accompagné sa mort, est subitement tombée, et il n'était plus question d'empoisonnement ni de mort suspecte. Comme si Merah, facétieux, fort en gueule et imprévisible somme nous l'avions connu, avait voulu jouer un dernier tour, tenir un dernier rôle, avant de partir. Que reste-t-il finalement de lui? Un homme qui a vécu, qui a joué, qui a tantôt gagné, tantôt perdu. Qui a assumé ses choix. C'est important. Il reste aussi qu'un homme qui avait dit un jour: «Je suis violent, je le revendique. Comment l'Algérien ne peut-il par l'être, d'ailleurs? De la colonisation aux années de plomb, puis de la décennie noire, bouillonnante et revendicatrice, à la décennie noire, sanglante et meurtrière, l'Algérie n'a pas eu le temps d'apprendre ce que la paix représente pour elle». Le dernier voyage de Merah a été court: de Diar El-Afia à Diar El-Alia. L'homme était fatigué, saturé par vingt-cinq ans d'aventures rocambolesques. Le révolté, l'intrigant, le coulissier, le défroqué a vécu à mille à l'heure. Sans faire d'escale. La première était la dernière... au fond, en partant, il n'a pas perdu grand-chose.