Ce sont les mêmes luttes intestines, entre les frères ennemis qu'on voit au Liban et en Palestine, qu'ont vécues les frères Polynice et Etéocle. Tragique destin que celui d'Antigone. Condamnée à errer à travers monts et vaux, nuit et jour, ne connaissant aucun répit, pour avoir enfreint aux lois des hommes. Dans son errance, Antigone, qui a marché des ères durant, arrive enfin à Ramallah et à Beyrouth. Presque simultanément. C'est cette brève escale que nous décrit l'auteur et metteur en scène égyptien, Mohammed Abou El Saoud. Antigone à Beyrouth...Antigone à Ramallah, a été représentée, samedi dernier, à la salle El Mougar. Elle entre dans le cadre de la semaine égyptienne à Alger, dont la clôture a eu lieu hier. La pièce revient avec force détails au drame et à la tragédie, à facettes multiples, que vit le Proche-Orient. La destinée de cette région est en effet identique à celle d'Antigone, fille d'Œdipe, soeur d'Etéocle et de Polynice. Antigone, cette bravoure même qui a défié les interdits formulés par le forcené roi Créon, a eu le cran d'inhumer son frère Polynice, mort à la suite d'un violent et mortel duel avec Etéocle. Ces pérégrinations ont été interprétées par les trois comédiens, Ahmed El Tourki, Ahmed Yahia et Naglaâ Younès. Ils ont ainsi tenté de revenir sur le vécu quotidien des peuples palestiniens et libanais. Deux peuples qui subissent, comme une fatalité, le poids de la guerre, doublée des luttes intestines et fratricides. En fait, le choix du titre n'est pas fortuit. Ce qui arrive actuellement au Proche-orient ressemble de très près à ce qui est arrivé aux personnages de Sophocle, premier concepteur de la pièce. Ce sont les mêmes luttes intestines entre les frères ennemis (représentés par les chiites et les sunnites) qu'on voit actuellement aussi bien au Liban qu'en Palestine, qu'ont vécues les frères Polynice et Etéocle. Et c'est les mêmes causes qui ont conduit ces deux personnages à s'entretuer, à savoir les forces étrangères, le roi Créon dans la pièce, et les Etats-Unis et Israël au Proche-Orient. Antigone à Beyrouth...Antigone à Ramallah est une pièce qui appelle à la solidarité et à l'union entre les peuples. Ici encore, ce n'est pas par un pur hasard qu'on récite des versets coraniques et fasse quelques allusions à la Bible. Rappelons les dernières paroles du Christ dans la Bible: «Allohim lama sabakani». Ces paroles on les retrouve également dans la pièce: «Illahi limla taraktani» (mon Dieu, pourquoi Vous m'avez abandonné). La pièce a, dans la forme, dérogé aux règles du théâtre classique. Les concepteurs ont préféré faire recours aux jeux de lumière et aux effets spéciaux. La musique était présente tout au long de la pièce. Antigone à Beyrouth...Antigone à Ramallah accuse une certaine lenteur au début. La musique, accompagnée d'une lumière blafarde, a duré près de dix minutes. On se demande pourquoi les concepteurs de la pièce ont opté pour une overdose de lumières et de musique. Ces procédés sont utilisés à mauvais escient. Ce qui a diminué du message, qu'on a voulu transmettre à travers cette oeuvre théâtrale. Pourtant les Egyptiens nous ont habitués à des pièces bien originales, que ce soit des tragédies ou des comédies. D'autant plus qu'ils ont une tradition théâtrale incontestable. Pourquoi ont-ils choisi de nous représenter cette pièce sans saveur qui, de surcroît, a été amputée de son charme par une sonorisation assourdissante? On tient à souligner ici également, le mauvais rôle joué par certains photographes de presse qui «s'amusaient» à prendre des photos de comédiens sur scène. On croyait être en pleine séance photo. Des préjudices ont été causés aux comédiens qui, à plusieurs reprises, étaient déconcentrés. Mais pour cela, beaucoup reste à faire. Et ce n'est pas du jour au lendemain, que l'on apprend à quelqu'un comment se comporter dans une salle de théâtre. Il s'agit, avant tout, d'une éducation. Ce qui manque le plus dans le domaine de la culture.