Scène n Adaptée et mise en scène par Géraldine Bénichou, la pièce a été présentée, jeudi, au Théâtre national. Antigone est un personnage mythique mais s?inscrivant dans l?universalité. C?est en somme un personnage d?actualité, car il représente à lui seul la femme, cette femme que l?on veut assujettir, faire taire, voire cette femme que l?on assassine parce qu?elle refuse de se soumettre au diktat masculin. Antigone est un personnage réfractaire. Elle est la négation de l?homme, ce mâle qui s?emploie à l?opprimer, à la spolier. Antigone renvoie à la mythologie grecque. Cette tragédie qui nous saisit et ne cesse de surprendre tant elle raconte notre histoire : la pièce raconte le cri d?Antigone, ses souffrances et son refus à l?autorité. Elle brave les tabous et les interdits. Elle lance son premier cri lorsqu?elle dit à son père, ?dipe, l?ancien roi qui a tué son père et épousé sa mère, de l?attendre. Avec lui, elle s?élance sur la route, au hasard des jours. Elle l?accompagne dans son errance aveugle. Plus tard, Antigone, lorsque son père l?a quittée pour l?autre monde, revient au palais auprès des siens. Là, une fois encore, elle fait entendre sa voix. Elle crie à nouveau sa douleur quand ses deux frères, Polynice et Etéocle, deux rivaux, se disputant le trône, se livrent une guerre. Elle cherche à les réconcilier. Mais son cri n?est point entendu. Elle crie à nouveau de peine et de détresse contre les retombées de la guerre : famine et maladie. Antigone, seule et ignorée de sa famille, crie et hurle de tout ses forces. Elle hurle davantage lorsque son oncle, Créon, s?oppose aux sentiments qu?elle voue à son cousin Hémon. Son cri de femme ne cesse de s?intensifier, un hurlement retentissant, déchirant l?espace et rompant le silence de la nuit lorsque Créon refuse d?accorder une sépulture à Polynice, son frère, mort au combat. Révoltée, Antigone, la rebelle, l?insoumise, réagit vivement contre le décret royal. Elle le déchire et le brûle en public. Elle enfreint la loi et contre toute autorité, elle ensevelit Polynice, son frère. Surprise dans son insoumission, Antigone est jugée et condamnée par le tribunal : elle est emmurée dans une grotte jusqu?à ce que mort s?ensuive. Dans ce tumulte et son désarroi, Antigone ne cède pas. Elle résiste et refuse de courber l?échine. Même morte, elle continue de faire entendre sa voix. Son cri continue de s?élever vers le ciel. l Le cri d?Antigone, une pièce initiée par le CCF, revêt une apparence scénique spectaculaire : même si le décor se veut singulièrement sobre (juste un rideau transparent derrière lequel viennent se placer et se mouvoir les autres personnages), un autre paravent diaphane sépare ces derniers de l?espace où s?énonce un chant interprété, soit en kabyle soit en arabe dialectal par Salah Gaoua, d?où l?originalité de la pièce : un chant conférant au jeu une part d?émotivité et de qualité esthétique ; quant au personnage principal, Antigone; il apparaît dans sa magnificence grandissante au-devant de la scène : ascendante et expressive. Son personnage ? voix et gestuelle ? s?impose à chacun. La pièce se caractérise par une attitude théâtrale saillante, captivante, voire poignante et ce, grâce à une mise en scène habilement imaginée : outre le jeu des comédiens, une interprétation avérée, juste et forte, le son et notamment la lumière créent une atmosphère saisissante. Le public est d?emblée entraîné dans le jeu, un jeu privilégiant entièrement les actions dramatiques. Ainsi, le tragique s?exprime dans sa beauté universel et sa théâtralité mythologique. Il ponctue admirablement, d?un bout à l?autre, l?espace scénique. Le jeu de lumière, sa répercussion étonnante sur le décor, sur les personnages et sur toute la scène, créent un mouvement d?ombre effectivement démonstratif : ce mouvement d?ombre qui, sculptural, se dessine sur le rideau au gré de la voix, des faits et gestes que génère chacun des comédiens, engendre l?émotion. Il crée l?effet. Enfin, les personnages se veulent tantôt narrateurs, tantôt acteurs, un double jeu que les comédiens mettent pleinement en scène.