Femmes et citoyenneté est le thème traité dans ce nouveau numéro, des plus étoffés de la revue. «On fête 15 ans d'épreuves, à vu et à contre-courant.» a déclaré, avant-hier, au siège de la Bibliothèque nationale, l'historien Daho Djerbal, à l'occasion de la sortie d'un nouveau numéro de la revue Naqd dont il a la charge. Un numéro spécial sur les femmes et fait par des femmes. Femmes et citoyenneté est l'intitulé de ce numéro automne/hiver dans lequel ont participé, Dalila Imarène-Djerbal, Yamina Rahou, Houria Salhi-Chafaï, Barkahoum Ferhati, Fadhila Chitour-Boumendjel, Ghania Moufok, Fatma Oussedik, Chérifa Hadji, Boutheina Athmania, Djamila Belhouari-Musette etc Que du beau monde qui s'est attelé à analyser la situation de la femme algérienne en tant que citoyenne à part entière et analyser le contexte de par des exemples concrets de négation de ses droits qui sont souvent, hélas, bafoués et sur le plan législatif que social en l'occurrence.. Des analyses fouillées, documentées parfois sur la base d'articles de journaux et étayées par des propos et analyses de ces spécialistes qui ne se font pas tendres même avec le reste de la société qui, faut-il l'avouer, se fait souvent complice des discriminations et violences envers les femmes en Algérie. Cependant, si les femmes occupent de plus en plus de places dans la sphère professionnelle, elles sont encore 40% d'analphabètes dans le pays, selon un recensement fait récemment, et annoncé présentement. L'exemple le plus patent du déni de droit est l'affaire de Hassi Messaoud dont les faits remontent au 13 juillet 2001 où des femmes ont été violentées, agressées puis lynchées par des hommes chauffés à blanc par un imam. Ils se sont attaqués à ces femmes dont des prostituées, en toute impunité, arguant l'épuration des moeurs. «Ceci est symptomatique» explique Dalila Djerbal, pour souligner l'indifférence de la société civile et faire remarquer aussi, le procès qui a été «bâclé» constate -t-on. Autour de ces femmes, d'autres laissées-pour-compte qui font également l'objet d'étude dans cette revue, sont les femmes célibataires, une réalité occultée, «criante d'injustice et de déni», ainsi que les prostituées dont Mme Barkouni Ferhati, anthropologue, fera remarquer dans sa thèse portant sur l'ambivalence des discours politiques sur la prostitution qu'aujourd'hui, la société cherche à réintégrer les maisons de tolérance et la visite sanitaire dans un système de prostitution organisée. Et cela pour se prémunir du sida. Elle relèvera l'image d'ethnisation de la prostitution de la tribu des Ouled Naïl qui est devenue un mythe. «Le discours n' a pas changé, or, l'enfermement des femmes n'est pas une solution. La prostitution n'est pas une fatalité» dira-t-elle. Dans son allocution franche et sans ambages, Ghania Moufok, qui s'est attelée à analyser les images accompagnant les articles à la une des journaux, fera remarquer que ces photos mettent souvent en avant des femmes voilées, avec un hidjab et les yeux cachés. Une forme, selon elle, de négation qui ne nous autorise pas, par conséquent, de voir ces femmes.. «On refuse de voir les changements qui sont loin..On présente les femmes comme des victimes, jamais comme des résistantes. On les enferme dans la tradition qui dit que les hommes frappent leurs femmes» Une forme de normalisation en quelque sorte. Abondant dans le même sens d'idée, Fatima Oussedik qui a bien fait de rectifier cette phrase absurde, dite par un homme, selon laquelle, «la femme est un objet de savoir», pas «un sujet qui pense» tout bonnement, dira en substance: «C'est parce que les femmes changent et font changer les choses dans la société que celle-ci est de plus en plus violente à leur égard» estime-t-elle. Riche en savoir, en tout cas, cette revue qui ne coûte que 400DA est à acquérir absolument. Dans un pays où même la réflexion se fait pauvre, cette revue se fait un bon outil d'éclairage et de discernement, non seulement intellectuel, mais aussi de par sa mission socio-éducative incontestable.