Le double anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et de la création de la Centrale syndicale se fêtera, cette année, sous le signe du compromis et de l'incertitude. Ce 24 février, Sonatrach, l'ensemble des travailleurs du secteur des hydrocarbures et l'Union générale des travailleurs algériens célébreront et l'événement et son contraire. Un certain 24 février 1971, la logique voulait que la meilleure des décisions soient celle de nationaliser les hydrocarbures et de récupérer les ressources nationales, le secteur étant le plus stratégique et le plus porteur. Cette année, en revanche, l'heure est à l'adoption de la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Par tradition syndicaliste sans doute, socialiste quelque peu et peut-être rentière, les dispositions de cette loi ont été sévèrement critiquées par la fédération des pétroliers. Les revendications étaient, en outre, légitimes, répondant au souci de préserver les intérêts nationaux et les acquis des travailleurs. La Centrale a émis ses craintes contre ce qu'elle qualifie de «syndrome argentin». Il semble assurément que cette appréhension a été confortée par la récente crise que les Argentins vivent, chaque jour, douloureusement. Une crise que bon nombre de syndicalistes appréhendent sérieusement si le projet de loi ne venait pas à être «sérieusement» révisé car, semble-t-il encore, les changements sommaires effectués par le ministre dans la seconde mouture de l'avant-projet de loi relative aux hydrocarbures n'ont pas été à la hauteur de leurs espérances. Il reste toutefois que le scénario du bras de fer engagé, l'an dernier, avec le ministre de l'Energie et des Mines n'a pas eu lieu cette année. Plus question, apparemment, de paralyser le secteur. Les deux parties privilégient sans doute le dialogue maintenant que les termes mêmes des négociations ont changé et qu'il n'est plus question pour les syndicalistes de demander, comme c'était le cas il y a de cela une année, l'abrogation pure et simple de l'avant-projet de loi. Les syndicalistes demeurent néanmoins hostiles à toute tentative visant à «délester» Sonatrach de son statut de puissance publique et de la réduire au statut d'un simple opérateur. Une limitation qui, selon eux, nuirait nécessairement au géant algérien lequel sera soumis à une rude concurrence et risquerait, par conséquent, de finir comme le groupe argentin, Yacimientos petroliferos fiscales (YPF), dont le contrôle a été pris par le géant espagnol Repsol en juin 1999. Pour le ministre, en revanche, il s'agit surtout d'alléger Sonatrach des missions de puissance publique. Il est question également de libéraliser le marché des hydrocarbures de manière à améliorer le potentiel énergétique algérien qui, a-t-il remarqué dernièrement, n'est pas suffisamment exploité par rapport à la moyenne mondiale. Le tout sans recourir aucunement ni au budget ni à la garantie de l'Etat. Le droit de préemption de Sonatrach, limité dans l'avant-projet de loi à 25% seulement sur tout gisement découvert, pour lequel le groupe n'a pas soumissionné ou n'aurait pas été retenu, est également fortement critiqué. A l'exemple du concurrent norvégien, les syndicalistes appellent à réviser ce taux à la hausse et à le limiter à 50% si les réserves du champ exploité sont estimées à plus de 200 millions de barils de pétrole. Une demande qui n'a, certes, pas été satisfaite puisque, souligne-t-on, 25% correspondent justement «en moyenne» à ce que la compagnie obtient généralement dans le cadre des contrats d'association. Dans un autre registre, il est reproché au ministre de renoncer à l'ancien régime de «partage de production» et de le remplacer par un régime de concession entre Sonatrach et ses partenaires. L'opérateur historique dans le nouveau régime sera ainsi considéré sur un pied d'égalité avec les autres concurrents. Une exigence que Chakib Khelil attribuera au principe de non-discrimination, mais que les syndicalistes, eux, n'hésitent pas, outre mesure, à considérer comme l'enjeu essentiel du texte de loi. Pour ce qui est des modifications que le ministère a finalement concédées, les syndicalistes n'y voient, dans ce même ordre d'idées, qu'une tentative de calmer les esprits et les rassurer quant à l'intérêt que porte le gouvernement au bien-être de Sonatrach et à sa détermination à garder une part stratégique du marché.