Le leader islamiste estime que le groupe armé algérien n'a bénéficié ni de la logistique ni du savoir-faire de l'organisation de Ben Laden. Faut-il le croire? Dans une déclaration faite samedi, à la chaîne satellitaire Al Arabiya, l'islamiste algérien réfugié à Londres, Abdallah Anas, a estimé que le Gspc ne constitue pas, actuellement, «une menace sérieuse», minimisant, de ce fait, la portée tactique et stratégique de son allégeance à Al Qaîda et la caution donnée par celle-ci au Groupe salafiste algérien dans la région du Maghreb. Selon Abdallah Anas, le Groupe salafiste, qui vient de changer de nom, s'appelant désormais Organisation d'Al Qaîda dans le Maghreb islamique, n'apporte pas réellement du nouveau à sa guerre contre les autorités, et que cette relation avec Al Qaîda est théorique, non opérationnelle. Il considère aussi que cette relation «ne rapporte rien au Gspc sur le plan militaire», et que, par contre, «elle peut constituer une calamité pour l'organisation et pour la nation si les Etats-Unis estiment que pour contrecarrer les plans du Groupe salafiste, ils doivent établir une base militaire en Algérie». Abdallah Anas, qui s'exprimait en homme politique, a affirmé que «le Gspc ne se pose pas sur un terrain politique», et que, en donnant sa caution à un groupe issu de l'ancien GIA, «Oussama Ben Laden, qui ne connaît ni les enjeux de la guerre en Algérie, ni ses origines, ni ses hommes, ni ses implications, a commis une faute grave», parce qu'à l'origine, «il y a eu problème politique, et qui doit être résolu de manière politique». Abdallah Anas a exprimé sa crainte de voir les mentors du djihad profiter des conditions de vie difficile des jeunes Algériens pour opérer des recrutements importants. «Les jeunes se jettent à la mer et meurent noyés pour échapper aux conditions de vie précaires qui les entourent. Il y a tension et exacerbation des sentiments de frustration chez ces jeunes, qui viennent s'ajouter à la crise politique et sociale dans laquelle ils ont vécu. Et tout cela joue en faveur des djihadistes, qui recrutent sur ce plan-là à l'envie.» Abdallah Anas, qui appartient à la première génération des djihadistes, candidat de la contestation armée au nom de l'Islam, évalue tout le problème que pose aujourd'hui le Groupe salafiste sur un terrain résolument politique, et minimise plus que de mesure la portée de la connexion Gspc-Al Qaîda. Faut-il le croire pour autant? Toutes les donnes sécuritaires disponibles aujourd'hui le contredisent et les spécialistes les plus avertis font une autre évaluation de la menace, estimant, pour leur part, qu'il ne peut s'agir ici d'un simple luxe sémantique, et qu' il y a lieu de s'attendre à de nouvelles mutations du mode opératoire du Gspc, avec cette tendance déjà perceptible d'expansion et de prolifération du djihad et son essaimage à travers tout le Maghreb arabe. Les incidents de la Tunisie, entre le 23 décembre 2006 et le 3 janvier 2007, ont déjà donné un aperçu sur ce que sera la phase à venir du terrorisme islamiste, avec des relais, des soutiens, des cellules opérationnelles ou mises en veilleuse, dans le Maghreb et toute la région saharo-sahélienne. Avec aussi ceci à prendre en ligne de compte: que tous les candidats du djihad de la région doivent être vraisemblablement à l'écoute des directives du Gspc, considéré désormais comme le représentant exclusif d'Al Qaîda non pas uniquement dans la région du Maghreb, mais aussi dans la vaste bande du Sahel. Donc, même si pour le moment, la relation entre le Gspc et Al Qaîda est surtout basée sur les convergences idéologiques et théoriques, elle sera certainement logistique et opérationnelle sous peu. Abdallah Anas, de son vrai nom Boudjemaâ Bounoua, est un des ancêtres de ce qu'il convient d'appeler «les Afghans algériens». Présent en Afghanistan dès 1984, il mène la guérilla pachtoune et arabe contre les Soviétiques. Oussama Ben Laden ne viendra que plus tard. Il prend la responsabilité du «maktab al-khadamate» dans sa partie algérienne, et organise les affectations et les missions de ceux-ci sur le sol afghan. Il épouse une des filles de Abdallah Azzam (qui lui donne outre sa fille, son nouveau nom de guerre) et devient rapidement une des figures les plus importantes du djihad afghan. Il assiste de loin à la création de l'organisation Al Qâida et à la mort, dans un attentat à la bombe, de Abdallah Azzam, en 1989, il prend part à la débâcle des troupes soviétiques, qui quittent le pays en février 1989, puis à la chute du régime Nadjibullah, en 1992, et à l'entrée victorieuse dans la capitale Kaboul du chef de l'Alliance du nord, Shah Messaoud. C'était l'époque des prémices du djihad dans ses formes transnationales...