Depuis l'apparition d'Oussama Ben Laden sur la scène afghane en 1979, il n'a cessé d'entretenir des contacts avec des islamistes algériens. Selon de récents rapports des services de renseignement, quatre Afghans algériens font partie de sa garde prétorienne, alors que certains analystes indiquent qu'il avait fondé la Qaîda avec le soutien des premiers Afghans algériens. C'est en 1980, dans la ville frontalière de Peshawar, que Ben Laden a noué les premiers contacts solides avec des combattants algériens venus rejoindre la résistance afghane. Les principales factions afghanes de Shah Massoud ou de Hekmetyar recrutaient les premiers jeunes algériens, qui transitaient par Djedda, en Arabie Saoudite à partir de la région d'El-Oued, dans le Sud-Est algérien, pour gonfler les rangs des milices des «moudjahidine». Entre 1981 et 1984, Ben Laden supervise les agences de tourisme, des sociétés écran saoudiennes qui fournissaient billets d'avion et argent liquide aux Afghans algériens transitant par le Golfe persique. C'est là qu'il se lie d'amitié avec un théologien, Abou Bakr Al-Djazaïri, qu'on dit de nationalité algérienne, mais d'origine syrienne, installé en Arabie Saoudite et proche de cheikh El-Otheïmine qui fournira, plus tard, l'essentiel des fetwas aux GIA. De retour à Peshawar, après avoir levé des fonds importants pour le djihad, en 1984, il fonde «Dar el-diafa» (maison des invités) qui agit comme un centre de transit vers les camps militaires à l'intérieur des territoires afghans. La confrontation avec l'Armée rouge nécessitait l'envoi en urgence de combattants venant des pays arabes, Ben Laden s'en occupera personnellement. C'est à cette époque qu'il entre en liaison avec un Algérien du nom de Abou Anas, dont l'identité se révèle être celle de Boudjemaâ Bounouioua. Un personnage étrange qui a écrit plusieurs fascicules expliquant les termes du djihad contre le communisme et qui a l'immense avantage d'être le gendre de l'une des figures spirituelles les plus respectées par les «moudjahidine» en l'occurrence Abdellah Azzem. Ancien imam à Baraki, Abou Anas monte, avec Ben Laden, le fameux «Makteb al-khadamat» (bureau des services) qui va succéder, dès 1989, à dar el-diafa, alors que le djihad antisoviétique débouche sur le retrait des troupes de Moscou. Abou Anas introduit alors un autre Algérien débarqué d'Alger, Qamreddine Kherbane, qui se présente comme un pilote de Mig et a assuré, en tant que chef de liaison en Algérie, l'envoi de centaines de jeunes Algériens au casse-pipe. Il est actuellement réfugié politique à Londres et les Algériens le soupçonnent d'être encore actif avec les réseaux du GIA et du Gspc. La menace des Afghans algériens commence à intéresser les services secrets algériens avec l'émergence parallèle du FIS en Algérie. Des dizaines d'entre eux viennent rallier les premiers groupuscules du GIA, qui se constituent dans la clandestinité et enseignent, dans des camps de vacances transformés en véritables centres d'entraînements comme sur la Corniche jijélienne ou les plages d'El-Kala, les jeunes islamistes du FIS. Pourtant, au sein du gouvernement algérien de l'époque, on savait pertinemment quelle était la proportion des islamistes algériens ayant rejoint les maquis afghans. En effet, le KGB (actuel FSB russe) avait communiqué une liste de plusieurs Afghans algériens faits prisonniers sur le théâtre des combats, ainsi que les Algériens résidant au Pakistan et soupçonnés en liaison avec les réseaux du Maktab al-khadamat. Mais la conjoncture politique algérienne, marquée par la montée en puissance du mouvement islamiste, avait paralysé toute initiative de contrer les Afghans algériens. Il n'en demeure pas moins que les revenants d'Afghanistan faisaient l'objet d'une surveillance étroite. Ben Laden profitera largement des contingents d'Afghans algériens qui ne voulaient pas quitter Peshawar, en 1991, et participaient au djihad international. Il s'appuiera sur un disciple d'Omar Abderrahmane, appelé Abou Hafs Al-Misri, un des fondateurs du «djihad islamique» égyptien, qui enrôlera des Maghrébins pour les réseaux européens car, connaissant parfaitement la France, l'Italie ou l'Espagne. La jonction avec les réseaux du GIA en Algérie est ainsi faite grâce à un Algérien proche de Ben Laden qui a créé avec lui la Qaîda et dont, pratiquement personne, mis à part la CIA, ne connaît l'identité exacte. Ce mystérieux personnage s'occupera du bureau d'information de la Qaîda, service sensible dans la configuration de l'organisation de Ben Laden, et coordonnera les actions menées en Europe. Des commandos transitant par la Bosnie, s'infiltreront en France et en Belgique et n'apparaîtront qu'à la faveur de l'affaire de Farid Mellouk, en 1997, à Bruxelles. Les arrestations successives des militants islamistes d'origine algérienne, soupçonnés liés aux réseaux Ben Laden, dévoilent l'implication grandissante de ces éléments en Europe et même aux Etats-Unis, ce qui est une nouveauté. La liste de ces Algériens n'a fait que s'allonger depuis 1998. Ahmed Ressam, Abdelmadjid Dahoumène et Mokhtar El-Houari pour les réseaux américains de Seattle, Los Angeles et Montréal, Mohamed Melliani pour Madrid et Alicante, Rachid Ramda et Abou Doha pour Londres, le réseau Fateh Kamel pour Paris ainsi que Hassan Hattab en Algérie qui adhère, sans hésitation, à l'Organisation internationale du djihad islamique contre les Américains et les juifs. Tous ces Algériens n'ont pu être identifiés qu'après leur arrestation. Combien sont-ils encore à travailler pour le compte de Ben Laden? Seuls les spécialistes peuvent mesurer leur nombre exact et leurs pénétrations, car la majorité est utilisée dans des réseaux dormants, opaques et inaccessibles. Si leur nombre était estimé entre 1500 et 1800 Algériens ayant fait leurs classes avec Ben Laden, les Algériens ont transmis une liste de 350 terroristes sur lesquels ils possèdent des preuves indéniables, alors que ceux qui constituent sa dernière garde sont inconnus des services spéciaux de la planète et sont prêts à se sacrifier pour lui.