Elle est le symbole d'une jeunesse algérienne pétillante de vivacité, mais délaissée, l'image marquante d'une partie de la société, bourrée de talent mais ignorée... Imène Mebarki, née à Alger en 1978, est une jeune et talentueuse artiste, issue d'une modeste famille de l'Algérois, d'un père aux dons multiples et d'une maman au foyer, juste soucieuse de la «bonne éducation» de ses enfants. Très attentive à ce qui se passe autour d'elle, dans son pays et dans le monde, plus mûre que la majorité des jeunes de son âge, imprégnée d'une culture livresque et d'une culture de la vie marquante, Imène est à la fois peintre, sculpteur, dessinateur, conteur, styliste, modéliste...des dons innés ou hérités, parfois délaissés, parfois cultivés, mais qui cherchent toujours à être exploités. Lors de notre présence à la galerie Racim d'Alger, où l'un de ses tableaux était exposé, à l'occasion de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe», elle nous accorda ce petit entretien qui en dit long sur un talent qui avait du mal à trouver sa voie, parmi une jeunesse qui ne demandait qu'à s'épanouir... L'Expression: Peut-on revenir un peu à vos débuts? Imène Mebarki: J'ai toujours eu le don de dessiner, depuis mon plus jeune âge, mais la volonté de m'exprimer m'est venue au lycée, un jour où j'en ai eu marre d'être la docile jeune fille qui disait toujours oui mais à qui on disait toujours non, l'élève bien éduquée qui acceptait tout mais à qui on refusait tout. Un jour, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai dit, non... Depuis, j'ai pris confiance en moi et je me suis mise à m'exprimer. Pas du tout une révolte, juste une preuve d'existence... Et vous avez choisi l'art comme moyen d'expression? Oui, je m'exprimais à travers mes tableaux; de petits dessins, des croquis, des ébauches, des traits, de la couleur, du noir, du blanc, mais tout exprimait quelque chose en moi. J'ai commencé juste avec du contreplaqué et de la laque, ce n'était pas beau, pas esthétique ni techniquement travaillé, mais juste ressenti et exprimé tel quel, et cela me suffisait; en tout cas le message passait. A quand remonte votre première exposition? C'était en 2003, au Centre des loisirs scientifiques, à la médiathèque de Didouche-Mourad, à Alger. Je me suis juste présentée au directeur du centre, lui demandant l'autorisation d'y exposer mes tableaux, et il a gentiment accepté. J'ai fait la même chose avec le TNA où l'on m'a permis d'exposer dans leur hall à la même année. En fait, c'étaient toujours des initiatives personnelles que je prenais çà et là, dictées au hasard de mes pas. Vous faites partie de l'Union nationale des arts culturels (Unac). Fait-on appel à vous lors des manifestations? «Alger, capitale de la culture arabe», par exemple? Oui, de temps en temps, j'arrive à m'y infiltrer. Ce n'est pas toujours évident quand on n'a pas trop d'appui...Pour la manifestation qui se déroule actuellement à Alger, effectivement, j'ai la chance de voir mon tableau accroché, aujourd'hui, à la galerie Racim, et j'en suis fière. J'espère d'autres rendez-vous. Pouvez-vous nous parler de ce tableau, justement? Je l'ai intitulé Alger, sur le nuage. Ce sont deux femmes et derrière elles, la mosquée Ketchaoua. Il s'agit, en fait, d'Alger du monde arabe, du passé et de l'avenir, du patrimoine ancien et de la richesse moderne. C'est une manière de dire que nous devons nous unir, tous les Arabes doivent s'unir et aller de l'avant, nous nous devons de nous concilier avec notre glorieuse civilisation arabe, renouer avec nos origines... Pourquoi toujours des femmes dans vos tableaux? La femme est la source de vie. C'est aussi le meilleur aimant pour les hommes. Cela les attire et attise leur curiosité, celle des femmes aussi d'ailleurs. Par mes portraits de femmes, belles, élégantes et élancées, habillées à l'ancienne et à la mode, d'ici et d'ailleurs, j'attire les curieux qui veulent toujours en savoir plus et là, je transmets le message que je veux faire transmettre, c'est un piège qui marche, croyez-moi! Pourquoi retrouve-t-on aussi des corps troués dans vos oeuvres? C'est tout simplement pour dire qu'il y a, malheureusement chez nous, beaucoup d'hommes vides mais qui se prennent pour le nombril du monde. Ils sont peut-être bourrés de diplômes mais leur fond est vide et leur discussion insignifiante...Je veux surtout dire qu'il ne faut pas se fier aux apparences et qu'il faut donner sa chance à chacun...sans jugement de valeur injuste et injustifiée. Que cherchez-vous à faire à travers votre art? Je suis d'avis que chaque homme a un rôle à jouer dans la société, et encore plus l'intellectuel ou l'artiste, il a un message à faire passer, une idée à véhiculer...Je considère que nous nous devons tous de produire pour agir sur notre société et chacun dans son domaine, on aboutira sûrement à quelque chose. Moi, mes ambitions sont toutes simples, faire voir ce qui est visible à l'oeil nu: que la vie est belle et qu'elle vaut la peine d'être vécue malgré ses peines et ses difficultés, faire sentir à l'humain ce qu'il doit ressentir en tant qu'humain: l'amour de l'autre, l'amour du prochain et surtout l'amour et la fierté envers sa mère patrie...C'est absurde peut-être à dire, mais moi, par exemple, je suis arrivée à voir mon pays à travers le regard de l'autre, l'étranger. Et j'en ai découvert des choses sur «mon Algérie». C'est ainsi et à travers ce bavardage - parfois à bâtons rompus - que nous avons découvert cette jeune artiste, d'une sensibilité extrême et d'une naïveté rare, que l'on retrouve balancée entre deux rives: l'innocence d'une enfance enfouie et la violence d'une maturité éclose et qui se voit bercée entre deux songes: rêver d'une belle réalité ou réaliser un beau rêve...