Mohamed Achaâri, le ministre marocain de la Communication, a présenté un nouveau projet de code de la presse. Objectif: «Permettre aux médias d'exprimer toutes les sensibilités politiques et intellectuelles du pays.» C'est ce qui ressort, en substance, de l'entretien qu'il a accordé à l'hebdomadaire La Gazette du Maroc. A en croire ces déclarations, ce projet vise essentiellement la restructuration du paysage audiovisuel, tendant à démocratiser un secteur connu pour être l'instrument de propagande gouvernemental par excellence. Une situation qui semble être un choix de ces médias, selon M.Achaâri qui rejette toute responsabilité en estimant que le gouvernement n'exerce aucune pression sur la presse. «Nous pouvons affirmer que l'indépendance des employés dans ces institutions est à l'abri de toute intervention». Il a même pris la peine de lancer des critiques virulentes à l'égard de la première chaîne de télévision marocaine, lui reprochant un très bas taux de suivi. «Ceux qui le font regardent une partie et ceux qui restent devant le petit écran risquent de dormir parce que le téléjournal est trop long.» A vrai dire, le ministre marocain, à travers cette remarque, s'autocritique dans la mesure où le JT de la TVM est «dicté» spécialement par des cercles désignés par la monarchie. En relevant les lacunes des «bras droits» du gouvernement, il a reconnu officiellement ce qu'on pourrait appeler un secret de Polichinelle. En effet, l'opinion publique marocaine s'intéresse peu et se méfie beaucoup des comptes rendus des médias de son pays, préférant se tourner vers la presse étrangère pour s'informer d'une manière objective sur les événements nationaux. La monarchie cache des vérités ou la présente à sa manière. Conséquence logique, les médias suivent. En réalité, les mêmes observateurs estiment qu'à travers la libéralisation du champ audiovisuel, le gouvernement viserait à défendre les mêmes intérêts, les mêmes visions pour ne pas dire propager les mêmes principes qui sont ceux du roi, mais cette fois-ci avec un nouveau décor qui serait vraisemblablement installé en dehors de la première chaîne de télévision, «une stratégie destinée à faire monter l'audimat marocain.» Il faut souligner, par ailleurs, qu'il n'y a pas que l'audiovisuel qui est en incontestable perte de vitesse. La presse écrite marocaine connaît une crise similaire. Le faible tirage des journaux en est une preuve concrète, et ce, malgré une «pseudo-indépendance» accordée à cette presse, qui, par fidélité absolue, continue à apporter un soutien total au gouvernement. C'est le cas, entre autres, de La Gazette du Maroc, qui se déclare «hebdomadaire indépendant d'informations générales», mais qui adopte dans ses écrits une ligne plutôt dépendante de la monarchie. Démonstration: «ce journal partisan» a longuement salué dans son édition d'hier la nomination des neuf nouveaux walis par le roi Mohamed VI en adoptant une langue de bois qu'on ne retrouve que dans les journaux gouvernementaux. Il a aussi tenu à souligner l'honneur accordé par le roi du Maroc au quotidien Echark El-Awsat, hier. Cette relation étroite entre les médias et la monarchie se dessine plus concrètement dans le traitement du dossier du Sahara occidental. Une campagne des plus virulentes est menée à chaque fois que ce dossier revient sur les devants de la scène internationale. La dernière en date se profile à travers la presse marocaine du week-end, qui était unanime à dénoncer ce qu'elle considère comme «une manoeuvre de l'Algérie, principal allié des indépendantistes du Front Polisario, qu'elle héberge sur son territoire». «Non à un Etat de croupier sous la férule d'Alger», écrit ainsi le quotidien Le Matin du Sahara, «organe officieux du palais royal». «Les véritables motivations d'Alger sont mises à nu», explique Al Bayane, organe de l'ex-Parti communiste marocain, et ce, en commentant les dernières propositions de Kofi Annan au Conseil de sécurité et qui a proposé parmi quatre solutions, la partition du territoire sahraoui. Toutes ces données ne font que confirmer une réalité incontestable. En démocratisant l'audiovisuel, le Maroc répond beaucoup plus à une stratégie politique qu'à une «volonté moderniste».