C'est une farce à multiples et uniformes feuilletons que livrent à leurs sujets les gouvernements autoritaires d'Afrique du Nord sur les usages des médias. Des télés privées soporifiques existent à Rabat et Tunis, comme Nessma TV strictement expurgée de tout programme d'information ou des questions sociales du pays. Mais point à Alger ; où, autre singularité, près d'une cinquantaine de quotidiens ont le droit virtuel du pouvoir d'informer, et dans les faits abondent facilement en commentaires. Un droit d'information détourné dangereusement, notamment depuis 2004 marquant le second mandat de M. Bouteflika, en cacophonie peu respectueuse des attentes des citoyens. La situation marocaine des questions liées à la liberté de l'information interpelle au premier chef. Un projet de code de la presse restrictif des droits y est mis en oeuvre depuis le début de l'été. Il prévoit notamment l'emprisonnement en cas de récidive de délit de liberté d'informer ; de plus l'affaire Benchemsi exprime bien la velléité du palais d'abonder dans le durcissement dans le marquage et respect des lignes rouges. Le jeune journaliste marocain Ahmed Benchemsi est, cet été, sur le front des tirs du Palais royal contre les initiatives de la profession à défendre la liberté de la presse. Directeur des hebdomadaires Tel Quel (en français) et Nichane (en arabe) Benchemsi a d'abord été interpellé et soumis à interrogatoire de police début août durant une vingtaine d'heures. A la suite il a été inculpé au motif de « manquement de respect dû à la personne du roi ». Les derniers jours de ce mois d'août ont marqué la poursuite de son procès ; non encore clos puisque vendredi dernier la prochaine audience a été reportée au 7 novembre prochain. Les publications dirigées par Benchemsi ont à plusieurs reprises apporté du grain à moudre pour douter du slogan affiché par le Palais autour d'un réel « approfondissement de la démocratie dans le royaume ». Une goûte en a fait déborder le vase : un commentaire libellé, crime de lèse majesté, en dardja cette langue locale commune malgré ses variantes à toute la région, crainte aussi dans une symptomatique unanimité par les gouvernants du Maghreb. D'où forcément leurs refus viscéral de médias audiovisuels autochtones libérés. L'article incriminé paru dans l'hebdomadaire Nichane au sujet du discours du trône prononcé par Mohammed VI est « attaqué » pour cette assertion de qualification « beni adam » : être humain pour désigner la personne du roi. Et aussi – style du genre journalistique oblige – une interpellation humoristique au roi du moment : « Où m'emmènes-tu mon frère ? ». Un reporter du procès rapporte qu'à l'une des auditions le juge a demandé au journaliste « à quel titre » il peut se permettre de « traiter » Mohammed VI de frère, Benchemsi a répondu : « Hassan II étant le père des Marocains, il considérait Mohammed VI comme son frère ». Les observateurs présents au procès ont noté que les critiques objectives du journaliste avancées dans le papier contre le régime sont laissées dans le non-dit. Ils ont aussi souligné le fait qu'écrits en langue française nombre de ses papiers, bien plus critiques, ont été publiés sans procès. Pour marquer vraiment un été 2007 sous le sceau des condamnations de la liberté de la presse les observateurs notent aussi qu'un journaliste marocain, M. Hormatallah de l'hebdo Al Watan Al An, a été mis en prison pour huit mois, au motif d'avoir publié des documents jugés confidentiels dans la lutte anti-terroriste. Dans un contexte où d'autres titres ont été astreints à payer de lourdes amendes pour avoir transgressé des lignes rouges, non encore transcrites en loi. Mais si claires dans leur socle : sacralité du roi, marocanité du Sahara et hors critique des rites religieux dictés par le Palais. Pour avoir enfreint cela, au début de l'année déjà Le Journal a écopé d'une autre dissuasive punition alternée à la prison : un équivalent d'amende de 270 000 euros. Voilà de quoi persuader décidément nos partenaires de l'Union européenne que le plus sûr à faire dans le secteur des médias au Maghreb réside bien dans les télés commerciales.