La responsabilité va souvent de pair avec l'intégrité dans la conduite des affaires publiques. Depuis plusieurs années, les instances internationales assignent à l'Algérie un impératif de «bonne gouvernance». Certes, la responsabilité démocratique va de pair avec l'intégrité dans la conduite des affaires publiques. Mais ce que semblent ignorer les instances internationales, ce sont les critères d'évaluation, dont elles assortissent cette obligation, lesquels ne tiennent compte ni de la diversité des situations ni de l'adéquation des pratiques de gestion de l'espace public avec le contexte historique et culturel de la société algérienne. Il est, dès lors, essentiel de remettre les choses dans leur contexte propre afin de pouvoir étudier le cas «Algérie» dans le débat mondial sur la gouvernance. C'est dans ce cadre que se sont tenus les travaux du colloque entre le Conseil national économique et social (Cnes) et la Banque mondiale (BM), sur les thèmes des «libertés économiques, la gouvernance et la pauvreté». La rencontre, sanctionnée par la signature d'un mémorandum d'entente et de coopération entre les deux parties, a permis de discuter, d'analyser pour formuler une vision commune et contribuer à la lutte contre le phénomène de corruption, résultant de la lente progression des réformes et d'un système financier et bancaire désuet, comme l'a soutenu, samedi à Alger, le responsable des études économiques au Conseil national économique, Djoudi Bouras. Le mémorandum permettra «le transfert du savoir, des connaissances et l'approbation de l'expertise qui est un fait du groupe de la BM et de toutes les institutions qui sont associées» a souligné Mohamed-Seghir Babès, président du Cnes. De son côté, Daniel Kaufmann, directeur pour la gouvernance à la BM, reçu hier par le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a fait remarquer qu'en dépit des efforts consentis en matière de bonne gouvernance et de liberté économique, «l'Algérie marque toujours le pas». Pour étayer ses propos, il citera comme exemple le dernier rapport établi par le FMI qui fait mention que plus de 38% des entreprises économiques, tous secteurs confondus, proposent des pots-de-vin et des largesses pour obtenir des contrats de marchés publics en Algérie. «Cela prouve l'état de déliquescence d'une économie en panne qui a besoin d'un sursaut pour se rétablir», assènera-t-il. Quant à la lutte contre la corruption, l'invité d'Alger, se basant sur le dernier rapport de la BM, «Governance Matters, 2006», révélera, en outre, que l'Algérie est devancée par plus de quarante pays sur un classement de 68 pays. Le représentant de la BM a mis, en outre, en exergue les liens indéfectibles entre la bonne gouvernance et le climat d'investissement, «l'un ne pouvant marcher sans l'autre», a-t-il plaidé. Ces constats ont été réfutés par le représentant du ministère des Affaires étrangères qui a souligné que les sources d'appréciation de la gouvernance sur lesquelles se base la BM sont limitées à quelques organisations ou organes des pays de l'Ocde, tels que le World Economic Forum, Heritage Foundation ou encore le Wall Street Journal. Au-delà des divergences, la rencontre a permis d'instaurer un dialogue entre un certain nombre de dépositaires du savoir politique et institutionnel. En effet, il est difficile de mesurer la gouvernance alors qu'aucun indicateur n'est fiable, estiment les spécialistes. D'ailleurs, le représentant des A.E. a estimé que la BM doit prendre en considération, également, les mécanismes et les critères d'évaluation provenant des autres organisations régionales (Afrique, Asie...) pour assurer davantage d'objectivité à l'appréciation de la bonne gouvernance et éviter d'aboutir à une «évaluation biaisée». Ainsi, cette rencontre a eu le mérite de favoriser l'émergence d'approches et d'analyses de la gouvernance qui s'inscrivent dans les vécus et les savoirs algériens afin d'aider les acteurs publics et privés de la gouvernance à réorienter leur action politique dans leur lutte contre la pauvreté. Mais, auparavant, il faut regarder dans le rétroviseur pour savoir ce qui a été fait et ce qui doit l'être.