La gestion des affaires publiques ne doit pas se faire en fonction des humeurs, d'intérêts personnels ou d'instructions de «chapelles». La «révolution globale» est l'expression choisie par le chef de l'Etat pour qualifier sa stratégie de réformes. S'exprimant, dimanche devant les membres du gouvernement et les walis, le président n'a pas lésiné sur les mots pour relever les maux dans lesquels s'est embourbée l'administration algérienne. Laxisme, népotisme, malversations et...mensonges, sont les «ingrédients» du blocage à tous les niveaux des ambitieux programmes de développement initiés par le chef de l'Etat, notamment au lendemain de son plébiscite à la tête du pays en avril 2004. Un nouveau programme de relance économique de plus de 50 milliards de dollars, des budgets complémentaires pour les wilayas, des programmes spéciaux pour le Sud et les Hauts-Plateaux, soit une enveloppe avoisinant 6000 milliards de dinars a été débloquée depuis son investiture en 1999, sans que les résultats escomptés ne soient visibles sur le terrain. Il s'agit donc pour le président de la République, en sus de réformer les mentalités, de mettre en place un système de gouvernance basé sur la transparence, la compétence et la rationalité dans la gestion des deniers publics. Car, dira-t-il «le succès de ces programmes de développement exige la mobilisation de tous et un esprit de citoyenneté sincère.» Faisant allusion implicitement aux poursuites engagées à l'encontre de certains walis, le premier magistrat du pays a affirmé qu'il était impératif de «renforcer la lutte contre les pratiques trop fréquentes de la corruption, du népotisme et des interventions inadmissibles aux yeux des citoyens et des pouvoirs publics». Des pratiques, qui, ajoute-t-il, sont «la cause des lenteurs de notre administration et de sa mauvaise organisation (...), détruisent l'Etat de droit et ruinent la confiance du citoyen.» Une véritable mise en garde à l'égard de tout cadre de la nation qui serait tenté par toute manoeuvre tendant à entraver les réformes mises en oeuvre. Surtout que l'Algérie qui est résolument engagée dans une ère de réconciliation nationale, ne doit en aucun cas rééditer les erreurs du passé, à l'origine de la tragédie qui a coûté au pays plus de 150.000 morts, et plus d'une décennie de retard sur le plan économique. Faisant montre de sa bonne volonté, le chef de l'Etat annoncera une enveloppe de 150 milliards de dinars, au titre de la loi de finances complémentaire pour 2006 destinée à prendre en charge des dépenses liées à ce programme. En plus de la réforme des mentalités, l'autre chapitre de la «révolution globale» prônée par Abdelaziz Bouteflika, concerne l'encouragement des jeunes à l'accès aux hautes fonctions de responsabilité, d'où la nécessité de donner à l'emploi des jeunes toute sa dimension. Une véritable rupture avec le concept de légitimité historique et révolutionnaire, à chaque fois brandie pour justifier toute nomination aux postes sensibles de l'Etat. Tout en affirmant que la dernière génération de Novembre tire à sa fin, le président invite les jeunes à s'impliquer davantage dans le processus de développement national. D'ailleurs, dira-t-il, la fête de l'Indépendance sera à partir de cette année celle de la jeunesse, cette dernière appelée à s'imprégner de son histoire pour assurer la continuité. Il a, par ailleurs, appelé à donner à cette fête «toute sa dimension afin d'ancrer dans l'esprit des jeunes les valeurs et idéaux de la glorieuse guerre de Novembre». Un discours de rupture, aussi bien avec les mentalités rentières de l'époque, qu'avec les pratiques malsaines qui ne cessent de gangrener les structures de l'Etat. D'ailleurs, cette fin d'époque sera marquée-décision symbolique- par la fin de mission de la commission de reconnaissance de qualité de moudjahid. Les autorités ayant constaté que, 44 ans après l'indépendance du pays, des dizaines de milliers de dossiers continuent d'affluer au département de M.Mohamed Cherif Abbas, dans un contexte caractérisé par le scandale des faux moudjahidine. Un épisode qui porte préjudice aux sacrifices des chouhada et des authentiques moudjahidine. Il convient de rappeler que les réformes de fond, prônées par le chef de l'Etat, n'excluent aucun secteur. En effet, en sa qualité de ministre de la Défense et chef suprême des Forces armées, il avait fait du rajeunissement au sein de l'ANP le maître-mot de ses discours. Ce qui s'est traduit par la nomination de jeunes officiers à la haute hiérarchie militaire. Certes, digne héritière de l'Armée de Libération nationale, l'ANP doit désormais se départir de la fonction qui consiste à circonscrire son action à la seule défense de l'intégrité territoriale. Les nouvelles exigences géostratégiques l'ont amenée à s'ouvrir davantage à la préservation de la sécurité, aussi bien dans le bassin méditerranéen qu'a travers le monde. Le discours du chef de l'Etat est clair :il s'agit pour chaque responsable de mener à bien la mission qui lui est dévolue, sous peine de se voir mis à l'écart. Car la gestion des affaires publiques ne doit pas se faire en fonction des humeurs, d'intérêts personnels ou d'instructions de «chapelles», mais elle doit se conformer aux lois de la République et aux attentes légitimes de la population.