Le CPJ (Comité de protection des journalistes), a présenté hier son rapport 2006 intitulé «Attaques contre la presse». Encore une année difficile pour les journalistes dans le monde puisque 55 d'entre eux ont été tués dont 30 journalistes irakiens. 134 sont en prison, y compris aux Etats-Unis avec notamment le cameraman de la chaîne Al Jazeera toujours détenu à Guantanamo. En Afrique, la situation est encore alarmante de même qu'au Moyen-Orient et en Irak. En juillet dernier, une reporter photographe avait été tuée dans le taxi qui la transportait par un missile israélien. Quelque temps plus tard, Israël avait annoncé que tous les véhicules circulant au Sud-Liban, y compris ceux des journalistes, feraient l'objet d'attaques. En Russie, le président Poutine a proclamé une mesure assimilant le journalisme critique au terrorisme, élargissant la définition de l'extrémisme à la «diffamation publique de personnalités remplissant des fonctions d'Etat». Le rapport présenté à Paris par Robert Mahoney, directeur adjoint de cette ONG américaine, décrit le président russe ou vénézuélien comme des «démaucrates». Il relève la montée en puissance de «ces démaucrates» qui sont en fait des autocrates issus d'un vote populaire et représentatifs d'un nouveau modèle de contrôle gouvernemental de la presse. Ces dirigeants se présentent aux élections et expriment un soutien théorique aux institutions démocratiques tout en usant de sévères contrôles fiscaux, la manipulation des allocations publicitaires du gouvernement et des entreprises publiques et pratiquent la censure. Les «démaucrates» tolèrent une démocratie de façade -une presse libre, des partis politiques d'opposition, un système judiciaire indépendant- en la vidant de toute substance. Les mutations historiques et la pression des organisations de défense de la liberté de presse ont obligé ces gouvernements même les plus répressifs à se présenter comme des démocraties pour obtenir une légitimité internationale. Certains dans cette catégorie adoptent la stratégie «des portes battantes», jetant les journalistes en prison puis les libérant dès que la pression internationale devient trop forte. La publicité est aussi largement utilisée pour récompenser ou punir les médias, selon qu'ils soutiennent ou critiquent le gouvernement. En dehors de rares pays qui ont encore recours à la force brute comme l'Ethiopie par exemple, la répression emprunte d'autres techniques. En Afrique, la situation est de moins en moins facile pour les journalistes. De nombreux Etats de l'UA ont recours à de vieilles lois pénales pour harceler et emprisonner les journalistes tandis que règne l'impunité sur le meurtre. Aboubakr Jamaï, éditeur du journal marocain Le journal hebdomadaire en sait quelque choses. Au regard de la justice de son pays, Jamaï est personnellement responsable des paiements des dommages décidés par les tribunaux. Il s'est résigné à démissionner de son journal pour le protéger puis à quitter le Maroc pour aller aux USA car il ne peut payer les sommes de trois millions de dirhams réclamées. Mais la loi prévoit de confisquer son salaire quel qu'il soit «même si je devais me faire cafetier, ils prendront tout ce que je gagnerais», a-t-il déclaré hier avec humour. Il a également rappelé que son compatriote Ali Lemrabet a été interdit d'exercer son métier de journaliste en vertu d'une loi qui porte normalement sur la corporation des architectes et ingénieurs. L'Algérie n'a pas fait l'objet d'une attention particulière dans ce rapport qui reprend uniquement quelques articles de presse sur l'emprisonnement de Mohamed Benchicou, les procès de Ali Dilem et l'annonce d'amnistie des journalistes du président Bouteflika. Le CPJ intervient habituellement dans les zones anglophones et possède moins de réseaux, contrairement à RSF (Reporters sans frontières) dans les pays francophones.