Les autorités marocaines comptent sur un système perfide de contrôle (judiciaire et financier) qui leur permet de maintenir sous surveillance les journalistes entreprenants, indique le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) dans son nouveau rapport intitulé « Un Maroc de façade », rendu public hier. Le CPJ, rappelle-t-on, est une organisation indépendante et à but non lucratif basée à New York, engagée dans la défense de la liberté de la presse à travers le monde. Au cours d'une série de procès à caractère politique, au moins cinq journalistes ont été frappés par des amendes disproportionnées, cinq ont reçu des peines de prison avec sursis et un a reçu l'interdiction pure et simple d'exercer la profession. Outre l'instrumentalisation du système judiciaire, les autorités ont eu recours à un code de la presse restrictif pour réprimer la profession. La rédaction vague de ce texte de loi interdisant « le manque de respect au régime monarchique et à l'Islam », ainsi que la critique des institutions étatiques, telles que l'armée et la justice, fournit, souligne-t-on, aux procureurs et aux juges un outil utile pour punir - et dissuader - le journalisme critique. A ce propos, l'on précise que les publications ayant écrit sur la monarchie sur un ton critique ont été dans le collimateur, et les condamnations ont été les plus sévères contre des journalistes considérés comme hors du contrôle du Palais. Ces récentes sanctions sont intervenues sur toile de fond de tendances à long terme inquiétantes. Au cours des cinq dernières années, trois journalistes marocains ont été mis en prison pour des périodes prolongées en raison de ce qu'ils avaient publié, faisant du Maroc le premier pays du monde arabe avec la Tunisie en matière d'emprisonnement de journalistes. En plus des procès, le pouvoir marocain a intensifié les pressions telles que le boycott publicitaire, l'usage des médias d'Etat pour attaquer les voix critiques et l'orchestration de « manifestations » contre des journaux connus pour leur franc-parler. « Huit ans après le début du règne du roi Mohammed VI, les dirigeants marocains doivent joindre les actes à la parole afin de démontrer leur engagement public en faveur de la démocratisation et de la liberté de la presse », soulignent Joel Campagna et Kamel Labidi, auteurs du rapport du CPJ.