Des spécialistes dans le domaine sécuritaire, attribuent les dizaines de kidnappings au terrorisme en Kabylie. Vols, agressions, trafic de drogue et de voitures, détournements de fonds et trafic de billets. A tous ces phénomènes vient se greffer une autre forme de criminalité: le kidnapping. Les auteurs de cette nouvelle forme de criminalité, que l'on dit étrangère à la société algérienne, continuent à semer la psychose dans quelques régions du pays. Profitant de la nette amélioration de la situation sécuritaire, les ravisseurs font de ces enlèvements un «métier». Il ne se passe pas une semaine sans qu'un cas d'enlèvement ne soit signalé. Les chiffres sont alarmants. Le dernier bilan, rendu public par la Gendarmerie nationale, atteste de la gravité de la situation. Pas moins de 134 cas d'enlèvement ont été enregistrés en 2006. Un chiffre auquel viennent s'ajouter, depuis le début de l'année en cours, celui de deux autres cas d'enlèvement, dont l'une des victimes a été relâchée alors que l'autre a été retrouvé décédée. De leur côté, les services de la Sûreté nationale ont annoncé, lors d'une rencontre sur les droits des mineurs, que 39 enfants ont été victimes de kidnapping rien que pour les cinq premiers mois de l'année 2006. Au-delà de la vérité des chiffres, et notamment en l'absence de statistiques approuvées, on constate que cette nouvelle forme de criminalité prend de plus en plus d'ampleur. Les cibles sont connues: Riches, enfants ou femmes de riches. L'objectif est somme toute évident: on procède au kidnapping pour ensuite demander la rançon. Qu'est-ce qui motive donc un tel acte? serait-ce une fatalité pour la société? Quelles sont les dispositions que les services de sécurité comptent mettre en place pour endiguer ce phénomène? Les premières analyses faites par les sociologues sur le rapt avec demande de rançon, ont démontré que le phénomène, bien qu'étranger à notre société, appelle tout de même à un certain nombre de précisions. Nacer Djabi, docteur d'Etat en sociologie et actuellement professeur à l'université d'Alger, a estimé, dans une déclaration à L'Expression, que «Ce qui se passe aujourd'hui est le résultat d'un cumul de plusieurs années de tension politique et sociale. Aupara-vant, on entendait rarement parler d'enlèvement. Le premier cas de kidnapping- dont a fait l'objet le fils d'un ancien ministre des Moudjahidine-a été enregistré dans les années 70. Cet acte a suscité, à la fois, beaucoup d'émotion et d'étonnement chez les citoyens. Aujourd'hui, le phénomène s'est banalisé». Se voulant plus précis, le Dr Djabi a souligné que «l'Algérie traverse, désormais la période de l'après- terrorisme. On vit les conséquences du terrorisme. Cela pour dire que les problèmes du terrorisme n'ont pas tous disparu. Car, d'autres maux sociaux se sont greffés à ceux que connait la société. Certes, on a fini avec le terrorisme, mais on s'est retrouvé finalement face à nouveaux maux». Autrement dit, notre interlocuteur indique que «la période du terrorisme qu' a traversée l'Algérie, a fait accélérer et approfondir tous les phénomènes sociaux qu'on vit aujourd'hui.» Outre, l'argument du terrorisme, le sociologue avance d'autres motifs sur cette situation. «Ce phénomène est lié aux facteurs socio-économiques», avant d'enchaîner que «le kidnapping s'est répandu dans la majorité des régions du pays, mais il est bien circonscrit en Kabylie et les grandes villes. Cela s'explique par la situation d'insécurité qui règne dans les régions, ainsi que par la mauvaise répartition des richesses». Les spécialistes expliquent la facilité des rapts en Kabylie, par plusieurs facteurs. Elle a toujours représenté de grands enjeux politiques. Après les années de la tragédie nationale, la région s'est vue plongée dans les événements du Printemps noir en 2001. Cette «secousse» a engendré une situation sécuritaire très particulière. Depuis, les jeunes ne trouvent pas d'occupation. D'ailleurs, la région présente le taux de suicide le plus élevé du pays. Des spécialistes dans le domaine sécuritaire, attribuent les dizaines de kidnappings au terrorisme en Kabylie. Selon les mêmes sources, les services de sécurité auraient établi un constat dans lequel ils affirment que les enlèvements ne sont pas l'oeuvre des terroristes locaux, mais le résultat d'une connexion entre les terroristes et la mafia locale. La question qui mérite d'être soulevée, face à cette alarmante situation est: «Faut-il attendre que le kidnapping prenne la même ampleur que celle prise par d'autres maux pour réagir?» Le phénomène doit être traité à la source. Il nécessite la rigueur et l'action citoyenne. Selon une source sécuritaire, ces mêmes ser-vices essayent de trouver la meilleure manière de circonscrire ce phénomène qui sème de plus en plus la psychose. L'autre décision importante prise par les responsables du secteur est la création de six brigades de police chargées d'apporter un soutien aux zones les moins sécurisées. Ces brigades, hormis le travail routinier de la police, vont aussi s'intéresser de près aux différentes formes de criminalité, dont le kidnapping constitue, pour le moment, la forme la plus dangereuse. La vigilance est de mise.