La «Davos de la sécurité» s'est ouverte hier, en présence, notamment du président russe Vladimir Poutine. Invité de marque à la 43e conférence internationale sur la sécurité de Munich, estimée comme étant au militaire et à la sécurité ce qu'est Davos aux finances et à l'économie, le président russe Vladimir Poutine en a été, incontestablement, la vedette à l'ouverture des travaux de la réunion qui s'achève aujourd'hui. 270 participants militaires et politiques représentant une quarantaine de pays prennent part à un rendez-vous très attendu dans le contexte des situations prévalant en Irak et dans les territoires palestiniens occupés, des crises du nucléaire iranien et nord-coréen, entre autres. De fait, l'édition de 2007 de Munich qui arrive quelques jours après la réunion informelle à Séville (Espagne) des ministres de la Défense de l'OTAN, est centrée sur le thème de «Crises globales, responsabilité globale». Il est attendu des discussions fort expressives lors des deux journées de travail centrées sur la politique de puissance de la Russie, le partage des rôles de l'Otan et de l'Union européenne dans la résolution des conflits, le Proche- Orient, le Liban, le nucléaire iranien, l'Irak, l'engagement risqué de l'Alliance en Afghanistan, et le statut du Kosovo. Une quarantaine de pays, dont les Etats-Unis et l'Iran, notamment, en sus de l'Allemagne et de la Russie, y ont délégué des représentants dont le nouveau secrétaire à la Défense américain, Robert Gates, et le chef du Conseil national de la sécurité iranien et principal négociateur sur le nucléaire, Ali Larijani, dont la présence à Munich avait suscité, vendredi, quelques doutes. Il est vrai que le nucléaire iranien est l'un des thèmes clés traités par la conférence. Celle-ci survient à un moment où les Européens, qui ont joué un grand rôle ces derniers mois dans le dialogue avec l'Iran, s'efforcent d'amener Téhéran à revenir à une plus juste propension quant à son nucléaire et surtout «à avancer des propositions réalistes et réalisables» pour une suspension de son programme d'enrichissement, conformément aux exigences de l'ONU selon un diplomate de l'Agence onusienne de l'énergie atomique (Aiea). Par ailleurs, l'Aiea a annoncé, vendredi soir, avoir arrêté environ la moitié des projets de coopération technique avec l'Iran, après la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU imposant des sanctions à Téhéran. La résolution 1737 a infligé le 23 décembre des sanctions limitées à l'Iran pour son refus de suspendre l'enrichissement de l'uranium, rappelle-t-on. Dans son intervention hier, la chancelière allemande Angela Merkel a déclaré que l'Iran doit se plier «sans conditions» et «sans finasseries» aux exigences de la «communauté internationale» (les Etats-Unis et l'Union européenne) de suspendre son programme d'enrichissement de l'uranium. Mme Merkel de dire que l'Iran courait vers «un isolement plus grand» si Téhéran ne se pliait pas à ces exigences. Le négociateur iranien, Ali Larijani, attendu à Munich en fin de journée d'hier, devra selon toute probabilité, confirmer la position usitée de l'Iran quant à son droit au nucléaire et à l'enrichissement, comme l'y autorisent les accords internationaux et notamment le premier d'entre eux, le TNP (Traité pour la non-prolifération nucléaire, auquel adhère Téhéran). Mais, hier, c'est l'intervention du président russe Vladimir Poutine qui a été le clou de la réunion faisant de l'effet sur l'assistance. Le chef du Kremlin a, particulièrement, mis à l'index l'unilatéralisme des Etats-Unis, indiquant que ces derniers «débordaient de leurs frontières nationales dans tous les domaines» et que cela était un facteur d'instabilité dans le monde. «Les Etats-Unis sortent de leurs frontières nationales dans tous les domaines et cela est très dangereux, personne ne se sent plus en sécurité parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international», a déclaré le chef de l'Etat russe. «Un monde unipolaire ne signifie en pratique qu'une chose, un centre de pouvoir, un centre de force, un centre de décision agissant comme un maître unique, un souverain unique. C'est fatal pour le souverain lui-même qui se détruira de l'intérieur. Cela n'a rien de commun avec la démocratie», a souligné le président russe. Et Vladimir Poutine de signaler à l'assistance, que quatre pays dits «émergents» le Brésil, la Chine, l'Inde et la Russie ont, à eux quatre, un PNB supérieur à celui des 27 pays de l'Union européenne réunis, insistant «nous devons vraiment penser à l'architecture mondiale» estimant que «ce fossé va s'élargir et le potentiel économique de nouveaux centres dans le monde va consolider la multipolarité». Enfonçant le clou, M.Poutine ajoute, «de toute manière, le monde unipolaire ne fonctionnerait pas car il ne serait pas à même de défendre les principes sur lesquels le monde repose» et de soutenir «l'usage de la force n'est légitime que sur la base d'un mandat des Nations unies, pas de l'Otan ou de l'Union européenne». En allusion à l'interventionnisme tous azimuts des Etats-Unis et singulièrement leur invasion de l'Irak, sous des prétextes qui se sont révélés, par la suite, sans fondements et à tout le moins fumeux, il dira: «Des actions unilatérales, illégitimes, n'ont pas réussi à régler les problèmes mais ont, au contraire, aggravé les tragédies humaines.» Il aura ces mots sévères à l'adresse des nouveaux seigneurs de la guerre: «Des pays, qui ont aboli la peine de mort, participent allègrement à des opérations militaires illégitimes, qui provoquent la mort de centaines de personnes». C'est ce qui se passe, aujourd'hui, tant en Irak qu'en Afghanistan où les nouvelles coalitions «pour la paix» font de plus en plus de dégâts dans les pays qu'ils sont censés protéger.