La France tente d'imposer l'idée selon laquelle les essais nucléaires ont été effectués avec des mesures de sécurité confirmées. Des «bienfaits» du colonialisme à la minimisation des effets des essais nucléaires français dans le Sahara algérien, l'Hexagone tente, à nouveau, d'asphyxier la vérité historique. Dans un document adressé, hier, à L'Expression, la France, par le biais de son ambassade à Alger, tente d'imposer l'idée selon laquelle les essais nucléaires ont été effectués avec des mesures de sécurité confirmées. «Avant chacun des essais, une modélisation des retombées était effectuée sur la base des prévisions météorologiques pour s'assurer que le nuage radioactif se dirigerait vers un secteur inhabité». Au-delà de ce «gage de garantie», la France a, tout d'abord, violé le moratoire décidé en 1958 par les USA, l'ex-Urss et la Grande-Bretagne, interdisant les essais nucléaires atmosphériques. La France, contre tous, déclenche sa première série d'essais atmosphériques utilisant des bombes au plutonium et à l'uranium. Voilà une première vérité. La seconde étant dévoilée par les Français eux-mêmes. «Il faut rappeler que, jusqu'en 1966, la France avait poursuivi ses essais en secret dans le désert algérien du Hoggar, ne diffusant, à l'époque, aucune information quant à leur nombre et à leur nature. Nous savons aujourd'hui que dix-sept essais, dont treize souterrains, ont été effectués en Algérie». La sécurité des êtres humains n'y était pas suffisamment assurée, comme l'a d'ailleurs révélé Pierre Messmer, ministre de la Défense à l'époque, dans ses mémoires Après tant de batailles-Mémoires. L'ambassade de France à Alger semble oublier le rapport du 24 janvier 1996 de l'Assemblée nationale française dans lequel cette vérité éclatait telle une bombe. Le document envoyé à notre rédaction, par les services de l'ambassade de France, se contente d'énumérer les mesures de sécurité prises en compte lors des essais. Entre autres, la distance de sécurité séparant les points d'expérimentation et la base de vie des soldat français, des travailleurs algériens et la population locale. Ces mesures ont-elles été respectées? Certainement non, eu égard au nombre des victimes. Lors du tir du 25 avril 1961 (Gerboise verte), la bombe n'explosa pas conformément aux directives et 195 soldats furent irradiés, dont une dizaine ont été contaminés. Un autre désaveu aux partisans du risque zéro des essais français, l'opération de Beryl (1er mai 1962) a été effectuée sans qu'aucun avertissement ne soit donné à la population locale pour se prémunir des effets de la radioactivité. La France, 45 ans après, continue de minimiser ses crimes en Algérie, par ce qui été rapporté dans le document de son ambassade à Alger. «Ce sont des incidents», insiste-t-on encore, tournant le dos à une réalité amère. Pourtant, cette réalité montrant une sécurité insuffisante des êtres humains lors des essais nucléaires, a été bel et bien reconnue alors par des militaires et des responsables français en poste, à commencer par le ministre de la Défense, Pierre Messmer. En 1999, l'Algérie a demandé à l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) de mener une enquête sur la situation de radioactivité dans les sites où furent menés, dans les années 60, les essais nucléaires français. La France a transmis à l'Aiea un document sur les éléments relatifs à la localisation des expériences, aux techniques utilisées, à la situation de radioactivité des sites en 1966 et 1967 et son extrapolation à 1999. Ces éléments sont-ils crédibles? On ne peut dire, 45 ans après, que la menace de la radioactivité n'est pas persistante, surtout lorsqu'on sait que la bombe appelée «Gerboise bleue» du 13 février 1960 avait atteint une puissance de feu nucléaire estimée à trois fois la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima. Des spécialistes et des photographies prouvent que des cobayes humains algériens et des travailleurs ont été exposés aux rayons radioactifs sans la moindre protection. Le document de l'ambassade parle plutôt d'usage de mannequins et de matériel inerte. Pourquoi la France persiste-t-elle, donc, dans ses mensonges, tournant le dos à un passé colonial à couleur de sang? Quand va-t-elle demander des excuses au peuple algérien?