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L'Irak entre l'insécurité et le scabreux
L'UNITE DU GOUVERNEMENT MENACEE
Publié dans L'Expression le 21 - 02 - 2007

Un viol présumé d'une sunnite risque de créer la division entre les membres du gouvernement.
En montant hier au créneau, défendant deux policiers accusés du viol d'une femme sunnite, le Premier ministre (chiite) irakien, Nouri Al-Maliki donne l'impression de politiser une affaire qui ne devait pas quitter son caractère de droit commun, lui donnant ainsi une dimension qui ne devait pas être la sienne en lui faisant dépasser les limites qui auraient dû rester au niveau du judiciaire et de l'enquête policière, pour établir les faits. L'affaire, qui a éclaté lundi soir, est devenue de fait une affaire d'Etat après l'intervention à tout le moins intempestive, du Premier ministre et celle, quelque temps après, du conseiller du vice-président sunnite Tarek Al-Hachemi qui a contesté la version de Nouri Al-Maliki, illustrant au grand jour la division qui mine l'Etat irakien au plus haut niveau. Lundi soir, un organisme officiel sunnite, chargé de la gestion des cultes, a accusé «des membres des forces de maintien de l'ordre», majoritairement chiites en Irak, d'avoir violé Sabrin Al-Janabi, à Al-Amil (bourgade au sud-ouest de Baghdad). «Une autre Irakienne a été violée. Son nom est Sabrin Al-Janabi, (...) Elle y a été arrêtée par des forces de maintien de l'ordre irakiennes qui ont ensuite commis un crime cruel en la violant», a accusé dans un communiqué la Fondation sunnite en question. Ces accusations, qui ont été immédiatement médiatisées par la chaîne satellitaire Al Jazeera, ont entraîné la constitution d'une commission d'enquête mais aussi la réaction, plutôt curieuse, du Premier ministre Nouri Al-Maliki qui a démenti hier ces accusations. Dès lundi soir, un communiqué du gouvernement annonçait que «le Premier ministre a ordonné la création d'une commission d'enquête spéciale afin de déterminer ce qui est arrivé à Sabrin Al-Janabi et a ordonné que la punition la plus sévère soit infligée aux personnes impliquées». Toutefois, hier M.Maliki a réfuté ces accusations -qui ont été répétée sur la chaîne Al Jazeera par une femme voilée qui a affirmé avoir été la victime d'actes condamnables- et affirmé que «l'enquête médicale a démontré que Sabrin Al-Janabi n'a pas du tout été abusée sexuellement», a indiqué hier un communiqué de ses services. Elle «était sous le coup de trois mandats d'arrêt et après ses fausses accusations, le Premier ministre a ordonné que les honnêtes officiers mis en cause soient félicités», ajoute le texte. Cette version a été contestée, hier, par Omar Al-Jibouri conseiller du vice-président sunnite selon lequel la victime présumée, arrêtée dimanche matin par des «forces de maintien de l'ordre irakiennes», a été libérée par des soldats américains, avant d'être admise à l'hôpital Ibn Sina, sous contrôle de l'armée américaine, qui a établi «un rapport qui confirme les accusations». L'armée américaine ainsi impliquée en tant que «témoin» dans l'affaire a refusé de se prononcer (sur) ou commenter le fond de l'affaire attendant les conclusions de l'enquête, comme l'indiquait hier l'un de ses officiers. Mais M.Maliki est revenu à la charge estimant que cette affaire a été montée dans «le but (...) de semer la confusion au sujet du plan de sécurité et de ternir la réputation de nos forces». Ce à quoi la Fondation sunnite répond que «c'est la preuve de l'échec du plan de sécurité, qui était censé protéger nos femmes».
C'est dire où l'on en est réduit en Irak où le scabreux est devenu une arme politique alors qu'il n'appartenait pas en réalité au Premier ministre de réfuter les accusations de cette femme, le corps médical et les enquêteurs de la police étant les plus indiqués pour ce faire. De fait, cette affaire intervient moins d'une semaine après l'entrée en vigueur du nouveau plan censé sécuriser la capitale irakienne, durement frappée ces derniers mois par de multiples attentats aussi sanglants les uns que les autres qui ont tué, selon les statistiques de l'ONU, quelque 17.000 habitants de Baghdad. Le fait est que, selon ce plan, quelque 85.000 policiers et soldats irakiens appuyés par des soldats américains, devaient rendre la sécurité à la grande métropole irakienne. Mais, dans l'intervalle, les attentats se poursuivent et ne connaissent pas de répit, hier encore on a déploré la mort d'au moins huit personnes dans un attentat à la voiture piégée dans un quartier au sud-ouest de Baghdad alourdissant le bilan d'une semaine rouge pour la capitale, où plus de 100 personnes ont été tuées dans différents attentats. Il est évident, cependant, que les autorités irakiennes n'arriveront à aucun résultat, ni à éradiquer l'insécurité tant qu'au plan politique les divisions sont aussi manifestes, comme le montre la polémique entre le Premier ministre chiite et le conseiller du vice-président sunnite.
D'ailleurs, lors de sa visite impromptue samedi à Baghdad, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a averti que ce plan sécuritaire échouerait s'il n'existe pas, en appui, un véritable processus de réconciliation nationale entre les deux communautés alors que les chiites sont majoritaires dans le pays et au gouvernement et que les sunnites sont écartés du pouvoir après la chute du régime de Saddam Hussein.


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