Les industriels doutent fort que les propositions soient prises en charge. L'Algérie possède-t-elle des moyens financiers pour s'offrir une véritable stratégie industrielle? Telle est la problématique de fond qui devrait être posée, affirme un économiste et directeur de l'institut du développement humain, M.Bahloul. S'expliquant en marge de la deuxième journée des assises nationales sur la stratégie industrielle, l'expert affirme que même si la stratégie industrielle telle que présentée dans le document n'est pas parfaite, il serait curieux de s'interroger, d'ores et déjà, sur les moyens de sa mise en oeuvre. Alors que la stratégie est au stade de réflexion actuellement, l'expert est allé loin dans sa vision pour donner une approche claire et nette du devenir de cette politique à long terme. «Il ne suffit pas d'élaborer une stratégie, mais il faut également songer à son montage financier pour lui assurer les moyens de son application», suggère-t-il. Il est vrai que l'estimation du coût est en cours, néanmoins, ce choix politique va coûter cher à l'Etat, estime-t-il. Sachant que les rentes du pays dépendent essentiellement des recettes des hydrocarbures, M.Bahloul prévient que la chute des prix du pétrole pourrait avoir des conséquences néfastes sur cette stratégie et la compromettre. L'expert pense que le problème ne se posera pas aujourd'hui mais dans l'avenir. Ce dernier partage l'avis du gouvernement qui veut profiter de l'aisance financière pour asseoir une base industrielle, mais se montre plutôt réticent. «Si demain les prix chutent, l'Etat se retrouvera dans un dilemme», fait-il savoir. Il citera, dans ce sens, l'expérience de l'Egypte pour qui la politique industrielle a coûté une enveloppe de 85 milliards de dollars. Dans son discours d'ouverture, le chef du gouvernement avait souligné que l'Etat est prêt à apporter tout son appui pour avoir une stratégie industrielle. Avec des réserves de change estimées à plus de 74 milliards de dollars, le gouvernement devra aller doucement dans cette démarche. Surtout qu'une enveloppe de plus de 100 milliards de dollars a été injectée dans le programme de relance économique. En plus des moyens financiers, l'expert revient sur la problématique de la réforme de l'administration qui est une condition indispensable pour garantir l'application de cette stratégie sur le terrain. «Il est indispensable de revoir le système administratif et de le mettre à niveau», insiste-t-il, tout en affirmant que sans la réforme de l'administration, toute initiative est vouée à l'échec. M.Bahloul regrette que le document ne met pas suffisamment l'accent sur la réforme des institutions de l'Etat. Ce que justement ont relevé plusieurs intervenants aux ateliers de réflexion. Les industriels se montrent, également, sceptiques sur la stratégie industrielle. Selon eux, le modèle présenté par le département de Temmar est loin de répondre aux besoins de l'économie nationale. Que ce soit public ou privé, les industriels s'accordent à dire que la stratégie manque de visibilité en termes de moyens et des voies à suivre pour traduire cette stratégie sur le terrain. Alors que les choses semblent être claires dans la vision de l'Etat, ces derniers disent être à côté de la plaque. «Sincèrement, on ne sait plus quel sera le devenir des entreprises publiques dans cette stratégie», nous confie un directeur d'une entreprise publique de matériaux de construction. Ce dernier, comme plusieurs autres, se retrouve entre deux alternatives, à savoir l'ouverture au privé ou la sauvegarde de l'entreprise en tant que bien de l'Etat. Bien que le document fasse l'objet de discussions, ces derniers doutent fort que les propositions soient sérieusement prises en charge dans le cadre de l'avant-projet sur la stratégie industrielle.