Combien de partis peuvent encore se targuer, en Algérie, de n'avoir pas succombé à la tentation de l'argent? Excepté, peut-être, le PT de Louisa Hanoune, tous les partis représentés à l'APN, du FLN au RND en passant par le MSP et le RCD, ont été financés, à un moment ou à un autre de leur Histoire, par des entrepreneurs qui sont souvent des affairistes véreux. Qui finance qui? C'est un secret de Polichinelle. Les rédactions de la presse nationale bruissent de rumeurs qui ne sont pas toujours infondées sur les rapports incestueux qui lient tel «leader» politique à un gros bonnet des affaires et cela, dans une totale clarté du jour. «Je te tiens et tu me tiens par la barbichette», cette comptine a fait recette dans les moeurs politiques algériennes. Bien des empires se sont bâtis sur des combinazionne. L'argent n'a pas d'odeur, tous les filons sont bons. Chez nous, le mal empire à chaque échéance électorale. Déjà, du temps du FIS, nous avions vécu, à l'époque, l'alliance du «bazar» avec Abassi Madani. A un moment, il y avait plus d'argent dans les caisses du parti islamiste que dans les coffres-forts de la Banque centrale de notre pays, alors sous les fourches caudines du FMI. Une véritable corne d'abondance alimentée par les pétro-monarchies du Golfe servira de nerf de la guerre au FIS et au terrorisme islamiste. Bien des empires financiers se sont construits sur la misère du peuple. En 2007, de richissimes hommes d'affaires ont contracté des alliances délictueuses avec ces partis dans le but évident de faire prospérer davantage leur situation. A coup de milliards, on négocie aussi la tête sinon la place d'outsider sur une liste d'une grande formation politique capable de lui ouvrir les allées du pouvoir avec, à la clé, la fameuse immunité parlementaire. De «bonnes places» sur de «bonnes listes» de «bons partis» se sont vendues à «bon prix». Ce qui s'appelle avoir l'esprit d'entreprise. La formule ne s'est pas encore généralisée, mais elle risque de remettre en cause le principe même du suffrage universel, notion de base sur laquelle est bâtie toute démocratie. L'argent prend en otage l'homme politique, l'acte de voter lui-même et les desiderata du peuple qui sont censés figurer dans les programmes de campagne. L'acoquinement des riches et des politiques, on l'a déjà mesuré sous d'autres cieux, est un véritable danger pour la démocratie. Dans l'Egypte de Moubarak, il est connu que les bailleurs de fonds du parti au pouvoir et même ceux de ce qui reste du Wafd, n'ont pas bonne presse chez l'homme de la rue. L'immunité parlementaire permet d'échapper aux interpellations et aux poursuites judiciaires. Les scandales se comptent par légions sur le bord du Nil. En France, le principal souci, aujourd'hui, du président Jacques Chirac, empêtré dans une affaire de corruption et d'abus de biens sociaux qui traîne depuis son passage à la mairie de Paris, est d'échapper aux rets de la Justice. Sous Pompidou et sous Giscard, les règnes politiques ont été souillés par l'argent. Jusqu'au fameux Parti communiste français dirigé, à l'époque, par Georges Marchais, la corruption avait gangrené, à un moment, le fonctionnement des municipalités «rouges» qui empochaient les dividendes des marchés passés de gré à gré. La France a été contrainte, face au déferlement de scandales politiques, d'adopter une nouvelle loi sur le financement des partis. L'Italie de Berlusconi ploie sous le fardeau de l'argent sale. Le système démocratique algérien est fragile. Jusqu'à quand accepterions-nous que des puissances de l'argent s'arrogent le droit de décider à la place du peuple? L'Etat et le capital ont toujours eu des relations coupables. Les hommes politiques ne sont pas tous exempts de reproches dans ce domaine. L'argent blanchit. Mais a-t-il à jamais blanchi les crimes et leurs auteurs? De grands hommes, encensés par l'Histoire, ont fini souvent par être rattrapés par leur «cruel» destin. L'on sait la haine que certains grands hommes politiques, comme Boumediene, Nasser, De Gaulle et même Mitterrand, portaient à l'argent. Ils n'en étaient pas esclaves. Mitterrand en avait dénoncé, dans un discours qualifié d'historique, les méfaits dans la société: «L'argent qui tue, qui achète, qui corrompt, qui pourrit, qui ruine jusqu'à la conscience des hommes.» N'est-il donc pas temps que la transparence s'installe dans le financement des candidats à la députation et à la présidence de la République, si nous tenons à soustraire l'Algérie à toute nouvelle aventure politique? Le ver est déjà dans le fruit.