L'institut Robert Schuman pour l'Europe organise une conférence internationale de bilan et de réévaluation. «Le Traité de Rome, 50 ans après: quelles valeurs pour l'UE et, au-delà, pour l'Europe? Quel rayonnement? En restituant le Traité de Rome dans son contexte historique, cette conférence européenne internationale veut mettre en relief les valeurs et les messages des acteurs principaux de l'époque. Poser la question de savoir est-ce que ces mêmes valeurs exigent-ils aujourd'hui des instruments et institutions nouvelles? L'UE, traversant une crise comme par le passé à diverses reprises, a-t-elle les moyens de l'assumer et de la dépasser? A-t-elle la volonté politique de le faire pour le bien de l'humanité?». Tel est le thème général de la conférence internationale qui s'ouvre aujourd'hui à Rome et à laquelle participent des personnalités de différents pays, dont l'Algérie. Une déclaration est prévue le 25 mars à Berlin car l'Allemagne préside le conseil européen. En France, un comité d'honneur présidé par Maurice Faure, l'un des signataires du traité encore en vie, constitué d'une quinzaine de personnalités de premier plan, se prépare à commémorer l'événement. Partout en Europe, l'euphorie bat son plein. Signé le 25 mars1957 à Rome par 6 pays européens (Italie, France, Belgique, Allemagne, Luxembourg et Pays-bas), le Traité de Rome avait institué la Communauté européenne (CEE ou CE). L'initiative remonte à 1950, lorsque Robert Schumman, ministre français des Affaires étrangères, présente un plan de coopération entre les pays européens. Mais l'objectif principal était de mettre un terme aux guerres qui ont ravagé le continent européen dont l'apogée a été atteinte lors de la Seconde Guerre mondiale. La guerre froide viendra pour mettre l'Europe dans un étau entre les deux blocs. Dans les années 60, l'économie européenne connaît une période faste, grâce notamment à l'abandon de l'imposition de droits de douanes dans les échanges commerciaux. Les pays de l'UE conviennent de contrôler conjointement la production agricole pour aboutir à la suffisance alimentaire. Le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni adhèrent à l'Union européenne le 1er janvier 1973, portant le nombre d'Etats membres à 9. Les dernières dictatures de droite en Europe prennent fin avec le renversement du régime de Salazar au Portugal, en 1974, et la mort du général Franco en Espagne, en 1975. L'UE commence à transférer des sommes considérables au moyen de sa politique régionale afin de créer des emplois et des infrastructures dans les régions les plus démunies. Quant au Parlement européen, il accroît son influence sur les affaires européennes et voit, en 1979, ses membres élus au suffrage direct pour la première fois. Les noms de Solidarnost, de Lech Walesa en Pologne, la perestroïka en Russie et l'avènement du pape Jean-Paul II présentent autant de signes avant-coureurs des transformations à venir. En 1981, la Grèce devient le dixième membre de l'UE, puis vient le tour de l'Espagne et du Portugal, cinq ans plus tard. C'est en 1986 que l'Acte unique européen est signé. Ce traité sert de base à un vaste programme de six ans destiné à supprimer les entraves à la libre circulation des marchandises au sein de l'UE, donnant naissance au «marché unique». Le 9 novembre 1989 marque un grand bouleversement politique avec la chute du mur de Berlin et l'ouverture, pour la première fois depuis 28 ans, de la frontière entre l'Allemagne de l'Ouest et l'Allemagne de l'Est. Avec la chute du communisme en Europe, les Européens deviennent des voisins proches. Le marché unique est achevé en 1993, avec la mise en place des «quatre libertés»: celles de la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux. Deux traités seront signés dans les années 90: le Traité de Maastricht sur l'Union européenne en 1993 et le Traité d'Amsterdam en 1999. Les Européens s'intéressent à la protection de l'environnement et à la mise en place de mesures communes en matière de sécurité et de défense. En 1995, l'UE s'enrichit de trois nouveaux membres: l'Autriche, la Finlande et la Suède. Un petit village luxembourgeois donne son nom aux accords de «Schengen», qui permettent progressivement aux Européens de voyager sans contrôle aux frontières. Des millions de jeunes partent étudier dans d'autres pays avec l'aide de l'UE. De nombreux Européens ont une nouvelle monnaie, l'euro. La page des divisions politiques entre l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est est définitivement tournée lorsque, pas moins de dix nouveaux pays adhèrent à l'UE en 2004. De nombreux Européens estiment qu'il est temps que l'Europe dispose d'une Constitution, mais il s'avère difficile de trouver un accord sur la forme de cette Constitution. Les événements du 11 septembre, l'occupation de l'Irak, l'invasion du Liban par l'armée israélienne et la fragilisation de l'ONU ont mis l'UE devant la politique du fait accompli. Finalement, la chute du mur de Berlin a édifié un autre mur entre l'Europe de la démocratie et des droits de l'homme et la guerre «préventive» engagée par les Américains. Aujourd'hui, l'UE fait son bilan et célèbre avec faste son cinquantenaire tout en se cloisonnant derrière un nouveau rideau de fer censé la mettre à l'abri des invasions de hordes humaines venant du Sud.