Elle draine plus de monde que le reste des semaines culturelles des pays arabes. La semaine culturelle tunisienne a, semble-t-il, trouvé son rythme de croisière. Entamée depuis jeudi dernier, celle-ci draine plus de monde que le reste des semaines culturelles des pays arabes, ont constaté les observateurs. L'ouverture s'est faite au Palais de la culture avec le groupe de Mounir Troudi. Ce dernier est tout le mystère et toute la passion de la musique arabe et du chant soufi. Né en Algérie, ayant grandi en Tunisie, Mounir est un véritable chanteur architecte. Après un parcours musical aux débuts réussis en Tunisie, faisant le tour des festivals et les salles de concert, Mounir quitte le Maghreb et fait ses débuts en Europe et dans le reste du monde aux côtés d'Erik Truffaz. Aujourd'hui, il exerce la musique en tant que chanteur, compositeur, mais aussi en tant qu'enseignant du chant arabe en Tunisie. Nous le retrouvons au sein du groupe Habla pour les débuts d'une nouvelle histoire musicale. Au programme de ces journées tunisiennes qui s'annoncent d'ores et déjà riches et diversifiées, figurent aussi une exposition d'art plastique, une exposition de livres, des projections de longs métrages ainsi que de courts métrages tunisiens. On citera Les Silences du palais (2004) de Moufida Tlatli. Alia, 25 ans, n'en peut plus de chanter dans les mariages. Elle exprime le dégoût de sa vie et une révolte sourde contre Lotfi, son compagnon de vie depuis 10 ans, qui ne l'épouse pas et ne veut pas garder l'enfant qu'elle porte. L'annonce de la mort de Sidi Ali, un ex-bey, le plonge brutalement dans son passé. Elle exhume des souvenirs qu'elle pensait enterrés. Projeté lundi dernier à la salle El Mougar, ce film traduit l'image donnée souvent dans le 7e art tunisien de la femme, celle-ci nourrie de révolte mais qui subit toujours le poids de l'enfermement entre désillusion et combat, entre tradition et modernité. Un film qui a fait beaucoup parler lors de sa sortie et notamment à Cannes. Autre film projeté cette fois, hier, est Kabloucha de Nadjib Belkadi. Grand fan de films de guerre des années 70, Moncef Kabloucha, peintre en bâtiment, tourne des fictions hilarantes en VHS avec l'aide des habitants du quartier populaire Kazmet à Sousse (Tunisie). Il produit ses films, les réalise et y incarne toujours le rôle principal. Ses tournages sont alors l'occasion pour les habitants de son quartier d'échapper à leur quotidien morose et de vivre des instants intenses, de la préparation jusqu'à la projection dans le café du coin. La caméra (35 mm) a suivi Kabloucha pendant qu'il bouclait son dernier opus Tarzan des arabes. Fleur d'oubli de Selma Baccar (2005) est un autre film des plus émouvants diffusé cette semaine à la salle El Mougar. Il raconte l'histoire de Zakia qui, suite à son accouchement douloureux, devient dépendante de la plante de khochkhach (pavot) que sa mère lui administra pour calmer ses douleurs d'après-couche. Après quelques années de lente descente dans l'enfer de la dépendance, elle rencontrera dans un asile d'aliénés Khemais auprès de qui elle redécouvrira le goût d'aimer et de vivre. Samedi dernier, ce fut place aux courts métrages des plus sérieux aux plus hilarants. On citera La Mosquée de Okba Bnou Nafaâ réalisé par Mohamed Idriss, Casting pour un mariage de Farès Naâna, Comme les autres de Mohamed Ben Atia et, enfin, Visa qu'on ne se lasse pas de revoir, de Brahim Letayef. Lundi soir, c'était place au 4e art avec la pièce Etat civil de Atef Ben Hassine. Dans un décor épuré, une comédienne et deux comédiens dans une loge, dans les coulisses d'une représentation imminente. Dans cet espace intime, la dualité entre «comédien-citoyen» en «citoyen comédien», se traduit en problématique existentielle, posant avec violence cette opposition entre l'Autre et Soi. Ce conflit est porté par un vocabulaire linguistique, lequel définit alors de façon consciente et inconsciente ce va-et-vient entre la personnalité du comédien et celle du citoyen, note le metteur en scène, et de renchérir: L'acte théâtral apparaît alors comme seule alternative pour éviter la rupture et pour rompre l'amplification du conflit. Et demeure le comédien «cet hypocrite» échappant à toute tentative de «conformité», n'obéissant à aucun cahier des charges, car il est de par son essence une copie non conforme! Une pièce de théâtre a relent philosophique important qui pose avec acuité le rôle du comédien dans la société et la complexité du rapport que peut entretenir cet être «masqué» avec le reste du monde... Un sujet très pertinent qui en dit long, du moins, donne un aperçu du niveau appréciable du théâtre contemporain tunisien. Côté musique, on notera également la participation de Ahmed Mejrir qui a donné un concert dimanche dernier. Professeur de musique, guitariste, chanteur et compositeur, cet artiste possède quatre albums. Il est un être avide de rencontres et représente un trait d'union de la musique gnawa africaine en Tunisie. El Menssiat est le nom d'une opérette, à ne pas rater qui se produira mercredi. Enfin, des conférences de presse autour de la politique culturelle tunisienne sans oublier sur la littérature et la poésie ont été animées ces jours-ci. Un tour d'horizon complet de la culture tunisienne non exhaustive est ce programme auquel le public est invité à prendre part, dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe 2007».