L'Iran a tiré profit du tapage médiatique sur cette affaire pour détourner l'attention dans le dossier nucléaire. Une remarque très importante à souligner: la libération des marins britanniques a coïncidé avec la présence de Mme Nancy Pelosi, présidente de la chambre des représentants américaine, à Damas. Il y a comme un échange de bons procédés entre Pelosi et Ahmadinejad, qui tend à prouver que Bachar Al Assad est en mesure de peser de son poids pour apaiser la tension au Moyen-Orient. Quand al Assad déclare que Mme Pelosi est un message de paix, il fait un recentrage de toutes les causes de conflits dans la région, et qui ont pour source une incompréhension, résultant d'un certain radicalisme de la politique de Bush. Pour sa part, après avoir fait monter la pression pendant des jours, le président iranien Ahmed Ahmadinejad a décidé de gracier les 15 marins. Dans le bras de fer diplomatique qui l'a opposé à Londres, on peut dire que Téhéran s'en est sorti à bon compte, puisque Tony Blair lui a offert un cadeau sur un plateau d'argent, lui permettant de desserrer l'étau international dans l'affaire du nucléaire. Car on n'oubliera pas que les 15 marins ont été arrêtés le jour même où le Conseil de sécurité des Nations unies se réunissait pour durcir les sanctions contre l'Iran dans l'affaire du dossier du nucléiare. Les volte-face qui ont émaillé cette crise ont mis en évidence une erreur d'appréciation de la diplomatie britannique. Croyant que Téhéran était affaibli par son entêtement nucléaire, Londres a cru jouer sur du velours en obligeant Téhéran à libérer sans condition ces marins. Or, Téhéran a trouvé dans cette affaire l'occasion de rebondir et de démontrer qu'il n'était en rien ébranlé par les sanctions votées en Conseil de sécurité et qu'il gardait toujours ses marges de manoeuvre. Quant à la solidarité du camp occidental, aussi bien au niveau européen qu'au niveau atlantique, ce fut une solidarité de façade, comme si l'affaire était entendue, et que Londres devait faire amende honorable. Reste la convention de Genève sur les droits des prisonniers et sur le fait que Téhéran les ait montrés à la télé. Londres voulait épingler Téhéran en se basant sur cet argument, or, il était apparu que les 15 marins n'étaient pas dans une position humiliante et qu'ils n'étaient pas maltraités, même si on avait cru comprendre le contraire à la première apparition de la seule femme du groupe, à laquelle les Iraniens avaient fait porter un foulard et qui tirait sur sa cigarette avec nervosité. Puis les autres images ont montré des marins plutôt détendus. Tout de même la tension internationale était montée d'un cran à la suite de l'arrestation des 15 marins britanniques, dans une région déjà suffisamment ébranlée par divers conflits, en Irak, en Palestine, au Liban...Et cela s'était répercuté sur le prix du baril de pétrole. Et du reste, on l'a constaté, le marché pétrolier a rapidement réagi à l'annonce de la libération par une légère baisse, confirmant que la tension était tombée et qu'on était dans une sortie de crise. Pourtant, rien n'annonçait hier un tel heureux dénouement. Le film des événements fait ressortir que le président Ahmadinejad a d'abord lancé une diatribe contre le Conseil de sécurité de l'ONU, qu'il a accusé de ne pas avoir pu empêcher l'occupation de l'Irak, déclarant que si les Occidentaux n'avaient pas aidé Saddam Hussein contre l'Iran, ils n'auraient pas été obligés de lancer une guerre pour renverser et occuper l'Irak. Ensuite le président iranien a décoré de la médaille du courage le commandant militaire Abolkassam Amanghah, qui a arrêté les 15 marins britanniques; un commandant de la marine du corps des Gardiens de la révolution. Dans le discours prononcé à cette occasion, Ahmadinejad en a profité pour critiquer le gouvernement britannique pour son attitude dans la crise des 15 marins capturés en mer. Et puis, coup de théâtre, le président Ahmadinejad annonce une grâce et la libération des 15 marins. Prenant l'opinion internationale de court. Dans un communiqué, Londres a salué cette libération et a déclaré se préoccuper des modalités de rapatriement de ses marins.