Les ministres candidats vont-ils démissionner du gouvernement pour se consacrer à leur campagne? Cap sur les élections. Le gouvernement, dans un bel ensemble, n'a de regard que pour cet important événement. En l'absence d'enjeu électoral crédible, puisque l'opposition est marginalisée et que l'alternance n'est pas à l'ordre du jour, il faut au moins aligner des pointures gouvernementales pour donner du piment à la consultation populaire. Car les partis de l'alliance, qui n'ont pas cessé d'être des appareils, veulent aussi investir dans l'image, celle de ministre en exercice qui passe toujours au petit écran. Dans cette logique, la gueule d'un ministre (sans sens péjoratif, à prendre plutôt dans l'acception audiovisuelle du terme), qui passe à la télé, siège au gouvernement, sillonne le pays pour inspecter des chantiers, prend la parole dans l'hémicycle devant les députés, accueille en rang d'oignon, des personnalités étrangères aux côtés du chef de l'Etat, est toujours tiré à quatre épingles, prend part aux dîners officiels et incidemment, inaugure des chrysanthèmes, passe toujours mieux que n'importe quel quidam choisi par la base. Dans cette bataille de l'image, le système se choisit ses stars, tout comme tout au long des années 70 il avait voulu imposer une culture officielle, jusqu'au jour où des artistes comme Khaled et tous les princes du raï sont venus bousculer cet agenda. Avec les ministres, pas de surprise. Mais la politique ce n'est pas du raï et un ministre n'est pas un cheb. Puisque les trois partis de l'alliance se réclament tous du programme du président, donc ce n'est pas sur le terrain des idées que la joute aura lieu, mais bien sur celui de l'image. D'autant plus, qu'au niveau local, - toujours dans l'optique des appareils - un ministre en exercice, déjà détenteur d'un portefeuille et d'une partie du budget de l'Etat et jouissant de la confiance des plus hautes autorités, est à même de faire les meilleures promesses aux électeurs sans paraître, se dit-on, démagogue. Pour le système donc, ces candidats issus du sérail sont le meilleur rempart contre l'aventurisme des candidats issus de la base, et dont il ne connaît pas le profil. Ils offrent les meilleures garanties de la pérennité du système. Aucun risque à prendre avec eux. Question rapport-qualité-prix, le système ne peut trouver mieux. Avec de tels élus dans les travées du palais Zirout Youcef, les projets de loi passeront comme une lettre à la poste et le futur gouvernement ne sera pas mis en difficulté. C'est tout de même important d'avoir une majorité docile et qui vote au quart de tour! Et enfin, dernier argument en leur faveur, c'est celui du service rendu. Ces ministres ont loyalement servi le système. C'est l'occasion unique de les récompenser, puisque le nombre des ambassades prestigieuses à l'étranger est limité alors que la demande est trop forte. A l'opposé, il y a ce concept de leaders d'opinion. Ces derniers ne se recrutent pas forcément dans les couloirs du pouvoir et ils n'ont généralement pas besoin du petit écran pour se faire mousser. Leur légitimité, ils la tirent de l'aura qu'ils ont dans le quartier, dans le lieu de travail, dans un club de football, dans une association. Ils auraient fait d'excellents candidats. Oui, mais. Le pouvoir fera bien appel à eux, mais pas en tant qu'élus, ni même éligibles, mais plutôt en tant que courroie de transmission. Ils feront partie, s'ils le veulent bien (du moins pour certains d'entre eux), des comités de soutien, mais pas question de les voir comme tête de liste. Les autres seront marginalisés. Ainsi fonctionne la démocratie à l'algérienne. Le pouvoir a bien calculé son coup, alors on pose la question: que gagne-t-il au change? La réponse fuse d'elle-même. Il aura la stabilité et une majorité totalement acquise au Parlement. On ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. Reste une dernière question: les ministres candidats vont-ils démissionner du gouvernement pour se consacrer à leur campagne? Ou bien l'activité gouvernementale sera-t-elle gelée pour un bon mois?