Taleb voit en cette élection la chance que son mouvement, illégalement interdit, soit enfin agréé. Le mouvement Wafa, que préside Ahmed Taleb Ibrahimi, a rendu public hier un communiqué relatif à la réélection de Bouteflika à la magistrature suprême avec une écrasante et confortable majorité. La position, très conciliante, prenant la pleine mesure de l'aspect incontournable de cette élection et de ses résultats, Wafa, sous la plume de son secrétaire général, Mohamed Saïd, qualifie ce vote de «nouvelle étape de l'expérience démocratique» algérienne. N'évoquant à aucun moment le terme «fraude», Wafa accorde à peine quelques mots aux circonstances qui avaient présidé à la tenue de cette élection, tout à fait exceptionnelle. Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, «nonobstant les conditions qui ont précédé et accompagné le déroulement de la campagne électorale, le mouvement Wafa souhaite que le président élu tire les leçons de la première mandature». Le parti de Taleb admet donc que Bouteflika a démocratiquement et légalement été élu président par la voie souveraine des urnes, ce qui constitue un fait très notable dans la suite des évènements en Algérie. Bouteflika, attendu de pied ferme sur la base de sa courte adresse au peuple algérien, est sollicité pour «concrétiser ses engagements annoncés (notamment ceux dans lesquels) il affirmait qu'il a entendu les doléances du peuple, que le devoir national dicte d'oublier les blessures, et qu'il sera le président de tous les Algériens». Ces phrases, en effet, revêtent un caractère d'une extrême importance, face à l'échec cuisant de l'opposition politique dans sa quasi-majorité, avec sa nécessaire reconfiguration afin que le président puisse gouverner suivant des normes démocratiques universellement acceptables. C'est ainsi que le communiqué enchaîne sur ces engagements présidentiels pour dire que «toute démarche ayant pour objectifs la lutte contre l'exclusion politique et la marginalisation sociale, la diffusion des vertus de solidarité et l'encouragement de l'esprit de tolérance, passe nécessairement par l'ouverture du champ politique et médiatique aux forces politiques actives». Il est ainsi question de «permettre à l'ensemble des citoyens de tourner la page pour regarder de façon solidaire vers l'avenir». Cette véritable «trêve» politique ne pouvait s'accompagner par la remise sur le tapis d'une revendication légitime et chère à Wafa : «Compte tenu de la nécessité impérative de dépasser la phase actuelle, le mouvement invite le nouveau ministère de l'Intérieur à se conformer à la loi en publiant dans le Journal officiel son agrément en application de l'article 22 de la loi sur les partis politiques». Cette demande, il faut le souligner, correspond parfaitement aussi bien à la loi qu'à l'esprit des résolutions prises par le président Bouteflika à l'entame de son second mandat. En attendant de voir ce que fera Bouteflika, mais aussi ce que vont être les décisions du nouveau ministre de l'Intérieur, Wafa maintient le cap qui n'a jamais cessé d'être le sien en continuant, «comme par le passé, à revendiquer pacifiquement l'exercice de son droit constitutionnel à l'action politique». Le communiqué ajoute, à propos du mouvement, que «sa privation arbitraire de ce droit par la loi de la force constitue toujours une agression contre la force de la loi». Avec la même grandeur de vue qui a toujours caractérisé les hommes politiques qui dirigent Wafa, un temps raisonnable est laissé au président pour réexaminer ce dossier, mais aussi pour ouvrir les grands chantiers que Taleb et ses proches jugent nécessaires : «Le mouvement considère que l'intérêt suprême de la nation exige d'accorder au second mandat le temps nécessaire en vue de prendre en charge les conséquences psychologiques, sociales et politiques de la crise nationale, de rectifier les conceptions erronées et de revoir certains préjugés.»