Partisan du chiffre, il traque les banlieues avec une police qui se sent pousser du zèle. Avril 1983. L'acte fondateur du «sarkozysme» politique est sa prise de la mairie de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Nicolas Sarkozy restera maire de Neuilly jusqu'en mai 2002, date à laquelle il est nommé au ministère de l'Intérieur. En novembre 2004, élu à la présidence de l'UMP, le futur candidat à l'élection présidentielle quitte le gouvernement... avant de redevenir ministre dans celui de Dominique de Villepin, en juin 2005. Le 30 novembre 2006, le président de l'UMP a franchi le pas: il est officiellement candidat à l'élection présidentielle. Partisan du chiffre, il traque les banlieues avec une police qui se sent pousser du zèle. Pour lui: «Ce n'est pas quand un adolescent de 15 ans est devenu un délinquant multirécidiviste qu'il faut commencer à se préoccuper de son cas». (novembre 2005). Son projet de loi de prévention de la délinquance préconise, en effet, la détection systématique des enfants «agités», «indociles» ou «impulsifs» dans les crèches et les écoles maternelles, au prétexte d'endiguer leur délinquance future. Le 13 février 2006, le ministre de l'Intérieur français, s'exprimant sur la radio RMC-Info, s'est déclaré favorable à la création d'un fichier national révélant les origines ethniques des délinquants. Par cette déclaration, le ministre légitime, implicitement, l'explication des comportements asociaux par l'origine ethnique, une des théories à la source de la doctrine de la «Tolérance zéro», appliquée à New York par le maire républicain. Un homme de droite Dans son édition du 2 février 2006, Le Point avait réalisé un dossier spécial sur les violences qui avaient secoué certaines banlieues populaires en France, en novembre 2005. L'hebdomadaire avait largement relayé la vision d'émeutes ethniques ou de violences liées aux origines, thème récurrent pour ce journal. La semaine suivante, L'Express consacra un dossier spécial à la délinquance dont une large part était consacrée à l'origine des délinquants.(1). Rappelons qu'un des principes fondamentaux de la République laïque est de considérer chaque homme comme libre et égal en droits, quelle que soit son origine, ce qui implique que l'Etat s'interdise de connaître les origines ethniques des individus, y compris des délinquants..(2). Si Nicolas Sarkozy a creusé la distance avec ses adversaires, si 59% des Français pronostiquent sa victoire selon un sondage CSA-Le Parisien publié lundi 9 avril, la ‘‘droitisation'' de son discours, le durcissement de son ton, ont un coût. Ils ont offert un angle d'attaque commun à ses principaux concurrents. Par ailleurs, le candidat de l'UMP cherche à débarrasser en partie la droite de ses zones d'ombre. Fustigeant toute idée de repentance, M.Sarkozy veut assumer toute l'histoire de France. Il reçoit toutes les organisations qui ont des contentieux, c'est le cas notamment des harkis qu'il oppose aux autres beurs, des Kabyles qu'il oppose aux Arabes, des femmes qu'il incite à se révolter. Pour lui, la colonisation a du bon. Je suis de ceux qui pensent que la France n'a pas à rougir de son histoire, a-t-il déclaré à Nice le 30 mars. Elle n'a pas commis de génocide, elle n'a pas inventé la solution finale. Elle a inventé les Droits de l'homme. Je veux dire que, pendant la guerre, tous les Français n'ont pas été pétainistes, (...) que dans les colonies, tous les colons n'étaient pas des exploiteurs, il y avait parmi eux beaucoup de gens courageux qui n'avaient jamais exploité personne, qui avaient construit des routes, des hôpitaux, des écoles. Pour le politologue Dominique Reynié, M.Sarkozy avait deux choix possibles pour répondre à l'angoisse des Français face à la mondialisation: L'exaltation de l'avenir et de l'innovation par nature anxiogène ou le retour à la tradition au risque de la glorifier à l'excès. Il choisit visiblement cette seconde solution, continue-t-il, en passant par le terrain de la révision idéologique. M.Reynié précise: Ce faisant, il reste authentiquement un homme de droite qui pense, par exemple, qu'il y aurait un génie des peuples, une prédestination, qui les pousseraient à faire le bien ou le mal»(3). Une sorte de destinée manifeste à l'américaine.. «Boulimique, hyperactif, l'homme détient un double record, difficilement égalable, celui des passages télévisés (4200 en dix ans 1996-2006), soit plus d'une fois par jour et des lois répressives. Au ministère de l'Intérieur, malgré tous ses déplacements musclés et médiatisés sur le terrain et ses onze textes de loi en cinq ans, la criminalité ordinaire a augmenté en France où la violence faite aux personnes a augmenté de 9 pour cent depuis 2002. Donnant une dimension policière à sa politique -«Je veux tout voir et tout savoir»- de sécurité avec des résultats aléatoires, il a aggravé les problèmes lancinants de la société française. Rétablissant la délation. Ainsi, le 5 mars 2003, alors que le président français à Alger serrait la main de Yacef Saâdi, l'ancien adversaire algérien du général Jacques Massu dans la bataille d'Alger, durant la guerre d'indépendance nationale (1954-1962), Nicolas Sarkozy refaisait décoller, le jour même, à une heure de décalage, le premier «charter de la honte» à destination de l'Afrique, occultant ainsi l'éclat de cette réconciliation nécessaire entre l'ancien colonisateur et son ancienne possession. L'outrage habite cet homme qui a fait de l'invective, son outil de communication privilégié. Son passage au ministère de l'Intérieur, s'il n'a pas réduit la délinquance, a, en revanche, enrichi le vocabulaire politique de deux de ses plus beaux fleurons de la stigmatisation française: Racaille et Karcher. Bon nombre d'observateurs lui imputeront l'exacerbation de la flambée péri-urbaine de l'automne 2005 par ses outrances verbales et ses rodomontades. Nicolas Sarkozy se choisira comme conseiller exclusif pour la neutralisation des troubles des banlieues françaises, M.Avi Dichter, ministre israélien de la Sécurité publique, celui-là même qui est en charge de la répression de l'Intifada palestinienne. Nicolas Sarkozy est un être mal latéralisé, qui ne distingue pas sa gauche de sa droite et qui confond la droite et l'extrême-droite...Que les intellectuels de cour,..lui rappellent à l'occasion ces quelques vérités d'évidence: à savoir que le principal gisement de la Francophonie du XXIe siècle se situe en Algérie, au Maghreb ainsi que sur le continent noir, c'est-à-dire les destinations actuelles des «charters de la honte».(4). Nicolas Sarkozy donne sa définition d'un musulman: «Cela n'a rien à voir avec la religion. Quand on est Musulman, ça se voit sur la figure. Il y a bien des gens qui aimeraient ne pas l'être et qui le sont uniquement dans le regard de l'autre.» Dans la République à la mode Sarkozy, la politique migratoire se ferait en fonction du prototype identitaire français. L'immigration serait refusée à celui qui ne connaît pas la langue française, qui a une tenue vestimentaire qui dépareillerait la France, qui a un nom à consonance particulièrement étrangère et étrange, à celui qui est polygame, à celui qui égorge son mouton de l'Aïd dans une baignoire, et qui n'est pas imprégné de culture, de littérature, de civilisation française, qui n'est pas pétri du patriotisme et des «valeurs» de la République.(5). La seule concurrente de Sarkozy est Ségolène Royal. Nous verrons que sa démarche, tout aussi ambitieux, machiavélique, est similaire à celle du candidat de la droite. Notamment en ce qui concerne la mise au pas des jeunes issus de l'immigration et surtout à propos de l'immigration. De fait, Il y a encore un an, peu de personnes au Parti socialiste et parmi les observateurs politiques auraient parié sur la présence de Ségolène Royal parmi les prétendants à la candidature. On se souviendra notamment du livre «Les prétendants 2007» d'Alain Duhamel dans lequel son auteur faisait volontairement l'impasse -et le revendiquait- sur la présidente de l'exécutif régional de Poitou-Charentes au motif qu'elle ne bénéficiait pas, selon lui, de la stature de présidentiable. Née au Sénégal, fille de militaire, Ségolène Royal est entrée en politique en 1978 en prenant sa carte au Parti socialiste, elle devient de 1982 à 1988, conseillère technique au secrétariat général de la Présidence de la République. Après un premier échec électoral dans le Calvados, elle est élue députée des Deux-Sèvres et sera reconduite par les électeurs à chaque renouvellement de l'Assemblée nationale (1993, 1997 et 2002). En mars 2004, elle s'empare, après une campagne de terrain, du conseil régional de Poitou-Charentes, ministre de l'Environnement de 1992 à 1993, ministre déléguée à l'enseignement scolaire de 1997 à 2000 puis à la famille et à l'enfance de 2000 à 2002. L'autre face de la médaille: Ségolène Royal «La distinction entre immigration «subie» et immigration «choisie», pense Jean-Pierre Alaux, entraîne l'«acceptation» d'une énorme régression idéologique, la division de l'humanité entre «espèces» nuisibles et utiles; selon Jean-Pierre Alaux, chargé d'études au Gisti, les discours politiques (de droite comme de gauche) et médiatiques agitent les peurs pour justifier une démarche néocolonialiste. Le discours de la gauche est absolument identique à celui de la droite. L'accession de la gauche au pouvoir en 1981 a entraîné son alignement sur les positions de la droite. Quand Ségolène Royal dit aujourd'hui qu'elle va substituer une immigration concertée à l'immigration choisie, on en a un bon exemple. Elle s'aligne ni plus ni moins sur la philosophie sarkozyenne. C'est catastrophique que la gauche aussi subdivise l'humanité. Que penser de ce phénomène paradoxal qui voit les pays riches fermer leurs frontières tout en assurant la survie de certains secteurs d'activité grâce au labeur de migrants payables à moindre coût? N'est-ce pas l'illustration que ces économies prospères ont besoin d'un contingent d'esclaves auxquels ni le droit social ni le droit du travail ne bénéficient et dont les Etats entendent limiter le nombre d'entrants.(6) Ségolène Royal ne fait rien comme tout le monde. Ségolène Royal déroute car elle donne l'impression d'improviser. Malgré ses zigzags, elle s'en tient pourtant à son intuition première. Elle a compris que la politique avait changé de nature. Que les électeurs ne croient plus aux grandes constructions idéologiques -c'est l'individualisme qui les guide- et que la révolution numérique renforçait cet individualisme en démultipliant ses moyens d'expression. Voilà pourquoi la candidate socialiste s'adresse autant à l'individu qu'au citoyen. Pourquoi sa stratégie de communication emprunte si souvent à la grammaire d'Internet, au peer to peer, au wiki et à l'hypertexte. Voilà en quoi elle est hypermoderne.(7) Tocqueville, que Ségolène Royal a sûrement lu, est le premier à avoir perçu que la démocratie favorisait l'individualisme. Dans De la démocratie en Amérique (1835), il écrit: L'aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi; la démocratie brise la chaîne et met chaque anneau à part. Que devient le citoyen dans une société où chaque anneau est à part? Comment conjuguer cet individualisme avec les exigences du vivre-ensemble? La démocratie représentative est en crise. La démocratie représentative, dit la vox populi, ce n'est pas la démocratie. C'est la délégation à une oligarchie du pouvoir de légiférer pour tous. Cette délégation de pouvoir, l'individu moderne la vit comme une dépossession. Il aspire à décider pour lui-même, par lui-même. Et il a été trop souvent trompé. Lorsqu'elle défend l'idée de jurys-citoyens -auxquels les élus auraient à rendre des comptes entre deux scrutins-, Ségolène Royal heurte les princes qui nous gouvernent, mais elle flatte les attentes du tiers état. «Le pair à pair», ou échange entre égaux sur le modèle des fichiers musicaux piratés, a habitué les internautes à communiquer directement entre eux. Il a bouleversé les hiérarchies existantes en désacralisant les sachants et les puissants: intellectuels, journalistes, enseignants, dirigeants, élus...Lorsque tout un chacun, dans le cyberespace, peut donner son avis, interpeller un candidat ou commenter l'actualité, la démocratie change de paradigme. Se faire entendre, être écouté. Le citoyen et l'internaute - souvent ils ne font qu'un -exigent d'avoir voix au chapitre. Depuis, la candidate socialiste mène sa barque avec un art consommé de l'humilité. Toujours à l'écoute, en retrait s'il le faut. Un jour on l'interroge sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. «Mon avis, répond-elle, sera celui des Français.» Que n'avait-elle pas dit! Comment fuir à ce point ses responsabilités?, s'indignent ses adversaires, alors que sa réponse était très calculée. Mieux que tout autre, elle a compris que l'individu moderne était raccordé à la société sur le mode de l'hypertexte. L'hypertexte est cette fonction qui, lorsque l'on clique sur l'écran, permet de naviguer d'un site à l'autre grâce aux liens qui les relient entre eux. Cette métaphore signifie que l'individu contemporain ne se reconnaît plus dans un groupe social donné, aux contours prédéterminés. Mais qu'il appartient à des réseaux multiples - famille, travail, loisirs, associations...- entre lesquels il commute comme l'on navigue sur la Toile. En définitive, rien ne distingue de notre point de vue, les programmes des deux candidats sur les sujets essentiels de la façon de traiter les délinquants et l'immigration. Nul doute, écrivions-nous dans une contribution, que son passage à Alger vu par d'aucuns comme futur président s'inscrit dans cette stratégie d'une nouvelle donne. Avec la carotte de l'assouplissement des visas, il est demandé à l'Algérie de perdre ses élites et de récupérer ses citoyens dont la France ne veut pas. Ce n'est pas ça la refondation à laquelle le peuple algérien aspire dans la dignité et dans la reconnaissance qu'il y a bien eu crimes contre l'humanité pendant 132 ans en Algérie.(8) Le discours de la droite, au moins, ne souffre pas d'ambiguïté. L'Algérie devrait, pour son avenir, se déterminer et sans s'immiscer dans les affaires intérieures de la France, il est évident que le résultat des élections l'intéresse d'une façon ou d'une autre. Elle n'ira cependant pas jusqu'à marquer sa préférence en mettant en vente un timbre à l'effigie de Sarkozy, comme l'a fait Israël qui lui marque au vu et au su de tout le monde ses choix pour la France. 1.Laurent Chabrun, Eric Pelletier, Romain Rosso, L'Express, 9-16 février 2006 2.Quand «Le Point» et «L'Express» brisent les «tabous» pour Nicolas Sarkozy Reseau Voltaire, fevrier 2006 3.Philippe Ridet: Le candidat de l'UMP a décidé de surinvestir le terrain de l'idéologie et de l'histoire. Le Monde du 10.04.2007 4.René Naba: L'étrange Monsieur Sarkozy: Homme providentiel ou mauvais génie de la France? * Lundi 15 janvier 2007 Source: Oumma 5.Philippe Bernard: Nicolas Sarkozy et l'identité nationale, Le Monde du 19.03.2007 6. Jean-Pierre Alaux: Immigration “subie”, xénophobie choisie, Propos recueillis par Simon Barthélémy publiée dans EcoRev', revue critique d'écologie politique Millebabords 26 février 2007 7.Ségolène Royal, candidate hypermoderne, par Bertrand Le Gendre Le Monde 09.04.07 8.C.E.Chitour: Notre ami Sarkozy L'Expression 13.11.2006