Deux journalistes ont effectué une plongée dans le passé de l'homme politique le plus médiatisé de France. Futur candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur français, est mis sous les projecteurs. Il sera l'hôte de l'Algérie dans quelques semaines pour les besoins de sa campagne électorale et la définition des relations avec «l'ami» historique, dont les relations ne sont jamais anodines. Sujet d'actualité, sa vie, son parcours et son passé, jusque-là mis volontairement sous scellés, sont mise au jour. Deux journalistes, Pascale Nivelle et Elise Karlin, se sont chargés d'explorer le passé de la famille Sarkozy afin de remonter à la surface les facettes cachées de cet homme politique qui veut gouverner la France. Les citoyens de la République sont invités à faire connaissance avec l'homme, son vécu et surtout sa face cachée grâce à un travail de recherche journalistique laborieux et documenté. La communauté musulmane de France, plus particulièrement, suit de très près les sorties médiatico-politiques du ministre de l'Intérieur, depuis la guerre qu'il a déclarée aux jeunes de la banlieue qu'il n'a pas hésité à traiter de «racaille». Face à une gauche qui séduit avec la présentation d'une candidate, Ségolène Royal, au profil très apprécié par les Français, la droite n'est pas sûre de gagner un autre mandat pour garder les rênes du pays. Pour confirmer le doute, un sondage du CSA sur la popularité des dirigeants politiques de France a montré que Nicolas Sarkozy n'a plus la cote auprès des musulmans de l'Hexagone. Les sondages annoncent la chute 25% seulement des musulmans de France ont une «bonne opinion» de la nouvelle figure emblématique du parti de droite au pouvoir. Le fougueux ministre de l'Intérieur semble entamer une descente aux enfers après avoir dilapidé les bénéfices qu'il avait su engranger en 2003 auprès de cette communauté qui s'agrandit de par le nombre et l'influence politique qu'elle exerce sur les hommes politiques. La chute de sa popularité exprime une certaine crainte de la classe française moyenne de voir naître un monstre politique du même acabit que Le Pen. Ainsi, ils sont 69% des musulmans de France à avoir une «mauvaise opinion» du chef de file de l'UPM, candidat à l'élection présidentielle de 2007. Sur cette proportion, 40% affirment avoir une «très mauvaise opinion» de lui. La ligne de démarcation est tracée. Les Sarkozy, une famille française est le titre de ce qui pourrait être le nouveau best-seller de la littérature politique française en cette fin d'année 2006. Un coup de grâce qui mettra à mal les relations de Nico avec ses fans et autres admirateurs séduits par son savant usage du verbe et sa force de persuasion. Pascale Nivelle et Elise Karlin se sont intéressées aux vingt-huit premières années de Nicolas Sarkozy, c'est-à-dire, du jour de sa naissance à la date de son élection à la tête de la mairie de Neuilly. Le candidat à l'Elysée est une personne qui n'a pas aimé sa jeunesse. D'ailleurs, rares qui l'ont entendu raconter cette tranche d'age de sa vie. Le livre-document nous apprend aussi que Nicolas n'a pas aimé non plus, ni son enfance, ni l'école. Qu'il avait des «rapports difficiles avec son père, Paul». Nicolas supporte de plus en plus mal la désinvolture de ce père qui épousera une troisième jeune femme de 20 ans. Adolescent, il refuse de le rencontrer trois ans durant. Nicolas boude. Pour sa mère, c'est un mari absent, qui part tôt et qui rentre tard. Elle supporte sa solitude et les mensonges de cet époux qu'elle savait volage. L'enfant en sera marqué à jamais. Ses parents se sont séparés alors qu'il n'était qu'un bambin avec deux frères, Guillaume et François. Sa mère, Andrée, s'est occupé de son éducation. Désemparé, il lui arrivait parfois d'avoir «envie de pleurer, la tête sous l'oreiller». Son père séducteur se remariera avec une jeune franco-hongroise de 20 ans, fille d'ambassadeur. Sa saga familiale passe par la Hongrie et la Grèce, avant la France. Son père est né à Budapest et sa mère est fille d'un immigré juif. Les Sarkozy sont une famille dont l'histoire française n'a commencé qu'en 1948. La révolution est étrangère à sa famille, tout comme la libération. Aucun fait d'armes n'est à inscrire dans le livre de famille. Il s'agit en fait d'une intrusion dans cette nouvelle société qu'est la France aujourd'hui, rongée par un discours xénophobe et anti-immigré, dont Sarkozy est le nouveau porte-parole. Pas aussi virulent que Le Pen mais tout autant dévastateur. Une mère juive et un père volage Né le 28 janvier 1955, un an après le début de la révolution en Algérie, il passera par un vécu d'adolescent très difficile avec, comme dit sa mère, «un sale caractère». Ce Nico râle, boude, passe son temps à asticoter son frère aîné qui a plus de succès avec les filles que lui. Ce passage dans le livre nous renseigne un peu plus sur sa personnalité en formation: «Nicolas serre les dents, mûr de colère, assis sur sa serviette avec les genoux entre les bras. Il les déteste tous, ses frères, les filles, sa mère aussi, qui se moque gentiment de lui. Qu'ils aillent au diable autant qu'ils sont!(...)». Nicolas Sarkozy enrage de ne pas pouvoir prendre part à la manifestation montée par les partisans du général de Gaulle. Enfermé à l'école par son directeur sur recommandation de sa mère qui s'inquiète pour lui. C'est lui qui lui lancera à la face cette phrase prophétique «la politique, Sarkozy, vous aurez bien le temps d'en faire quand vous aurez terminé vos études!». Mais sa mère le connaît bien. Il suffit qu'elle interdise pour qu'il se braque. Elle est lasse, parfois, de se battre contre un visage fermé, un front buté. Chose dite, chose faite. Nicolas fera de la politique une fois rentré à la Fac de droit à Nanterre pour préparer une carrière d'avocat. Une université politique clivée entre gaullistes et gauchistes. «je serai président de la République». L'étudiant qu'il est, adhérera à l'Union des jeunes pour le progrès (UJP), mouvement proche du pouvoir. Ambitieux, c'est là qu'il déclarera à un de ses copains, avec une assurance qui laisse ses interlocuteurs stupéfaits qu'«un jour je serai président de la République». Le véritable départ de sa carrière politique s'effectuera en 1974, à quelques semaines de la disparition de Georges Pompidou, en intégrant la section UDR de Neuilly, en demandant à participer à la distribution des tracts. Délégué départemental des jeunes UDR des Hauts-de-Seine, Nicolas Sarkozy se rend à Nice, en juin 1974, pour participer au congrès et incarner la jeune garde devant un parterre de barons qu'unit une même détestation de Giscard. Sa prise de parole sera juste après Michel Debré, on le prie de ne pas s'attarder. On attend de lui juste quelques phrases, le tout en deux minutes. Personne, dans la salle, ne donne de l'importance au gamin. «Nicolas Sarkozy gravit les marches, avance à la tribune. L'éclat blanc des projecteurs l'éblouit un instant, la tête lui tourne, le plaisir est si violent qu'il est presque douloureux. Il commence à parler dans le bruit. Son propos n'a que peu d'importance», mais il réussira à attirer l'attention sur lui grâce à la puissance de sa voix. «Etre jeune gaulliste, c'est être révolutionnaire, révolutionnaire pas à la manière de ceux qui sont des professionnels de la manif». Il parle pendant vingt minutes, interrompu par des applaudissements. La veille, il n'arrivait pas à dormir. Allongé dans l'obscurité, il murmure en serrant les deux poings: «Tu es le meilleur. Tu vas leur montrer!». Le livre-document des deux journalistes présente l'homme dans sa véritable dimension. Sarkozy n'est pas un enfant de choeur. C'est un politique qui dérange et qui fait peur à trop de monde. Et pas uniquement aux familles descendantes d'immigrés comme lui.