Depuis l'avènement des télévisions satellitaires, le paysage audiovisuel arabe est venu, doucement mais sûrement, occuper la scène médiatique internationale. Il a réussi à s'imposer aux yeux des Algériens en particulier, et des Arabes en général, comme un espace d'information et de culture incontournable pour les pays dont les régimes n'avaient pas encore programmé d'ouverture audiovisuelle. Mais au même moment, l'arrivée de ces chaînes arabes montées à coups de milliards de dollars, et installées à Londres ou ailleurs, a provoqué une importante vague de départs des journalistes algériens, travaillant à la télévision nationale. La première a débuté en 1991, quand l'insécurité et l'instabilité politique s'étaient installées, suite à l'arrêt du processus électoral. Ce sont Kamel Alouani et Mourad Chebine qui ont ouvert le bal des débats. L'un était présentateur vedette du JT de 20 h, et l'autre présentateur d'une émission Face à la presse, qui avait fait le succès de la chaîne algérienne par son ouverture aux débats politiques et dont certaines chaînes arabes ont pris, aujourd'hui, de la graine. Kamel Alouani avait opté, à l'époque, pour la radio franco-marocaine Medi 1, alors que Mourad Chebine avait choisi l'aventure dans un pays du Golfe, en attendant l'ouverture des chaînes Dubaï TV et Al Djazira. Avec l'assassinat de Tahar Djaout et de Smaïl Yefsah, les journalistes de l'Unique ont pris conscience du danger qui les guettait. Malgré l'augmentation des salaires, les logements de sécurité et l'escorte, certaines vedettes du petit écran algérien ont choisi, la mort dans l'âme, d'aller «vendre», pour quelques dollars de plus, leurs compétences professionnelles sur les plateaux des chaînes arabes. C'est ainsi qu'on a pu découvrir, avec une certaine nostalgie, les visages de Fadéla, la présentatrice, Lakhdar Berriche et Yazid Mouaki des services des sports, et Bilal, animateur vedette d'une émission de variétés sur le plateau des émissions de MBC, la chaîne saoudienne émettant de Londres. De leur côté, Leïla Smati, la compère de Hafid Derradji et Khadidja Benguenna ont choisi la chaleur du Qatar sur Al Djazira. Quant à Madani Amer, ancien directeur de l'information au JT de 20 h, et Kamel Alouani, ils ont choisi la chaîne de Rifaât El-Assad, ANN, pour faire valoir leur talent de présentateur du journal télévisé. Mais cet exil doré ne s'est pas transformé en rêve oriental tant attendu. Bien au contraire, plusieurs journalistes et présentateurs vedettes de la télévision nationale, qui se sont retrouvés SDF et, parfois, sans argent, ont été contraints de faire appel à leur connaissance pour remonter la pente. C'est le cas, notamment, de Lakhdar Berriche et de Bilal qui ont été licenciés de MBC, sans explication de leur direction. De plus, les journalistes algériens faisaient face à une rude concurrence des journalistes chrétiens libanais, qui étaient bien cotés à la direction de la chaîne saoudienne, et dont la plupart sont Anglais. Seule Fatima Ben Houhou, qui est venue de la radio, a su imposer sa présence en tant que présentatrice vedette de MBC. Certaines mauvaises langues affirment que c'est parce qu'elle est mariée à un homme d'affaires koweïtien. Les autres journalistes algériens, installés dans les pays du Golfe, ne souffrent pas des mêmes problèmes que leurs collègues de Londres, et expliquent souvent à leurs proches et leurs amis leur amertume et leur désarroi d'être loin de leur pays, de leur famille et, surtout, de faire l'impasse sur une ambiance qu'ils n'ont toujours pas trouvée dans les pays de l'or noir. Certains journalistes, qui ont accepté, à l'époque de la décennie noire, de travailler malgré le risque, se sont retrouvés, aujourd'hui, député, ministre ou secrétaire d'Etat à la Culture. C'est pourquoi, des journalistes tels que Hafid Derradji ou Karim, le présentateur vedette de l'émission Daïret El-Dhou, ont refusé les offres alléchantes des télévisions arabes qui, au lieu de prospecter dans leur pays, préfèrent les vedettes algériennes pour les exploiter jusqu'à l'usure.